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"Les établissements doivent produire un schéma directeur DDRS et le dialogue contractuel avec le ministère va systématiquement prendre en compte la transition écologique comme un axe stratégique", se félicite le haut fonctionnaire au développement durable du MESR, Michel Eddi. "Aucun établissement sous tutelle du ministère ne pourra échapper à ce questionnement." Il s’exprime dans une interview à AEF info, le 29 mars 2023, sur la mise en œuvre du plan climat et biodiversité, diffusé par le ministère en février, dont il évoque les "principaux leviers" : la contractualisation et, à partir de la vague 2, l’évaluation des établissements par le HCERES. Benoit Laignel, chargé de mission transition écologique au MESR, évoque quant à lui la nécessité pour les établissements de "s’adapter aux risques" liés à la hausse des températures, tout en soulignant le manque de données à leur disposition.
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Michel Eddi, haut fonctionnaire au développement durable du MESR, et Benoit Laignel, chargé de mission transition écologique au MESR Droits réservés - DR
AEF info : Début février, le ministère a diffusé le plan climat et biodiversité dont vous avez orchestré la rédaction (lire sur AEF info). Quels ont été les premiers retours de la communauté de l'ESR ?
Michel Eddi : La diffusion du plan climat a déclenché un mouvement de fond : il est désormais acquis qu'il s'agit d'une thématique structurante de l’activité des établissements et du ministère et, même s’il n’y a pas eu encore de communication officielle à ce sujet, le plan climat est largement connu de tous, et nous sommes passés à une phase de mise en œuvre.
AEF info : Quels sont les leviers du ministère pour faire avancer la communauté dans son ensemble ?
Michel Eddi : Il existe deux leviers principaux. D’abord, tous les établissements doivent produire un schéma directeur DDRS et le dialogue contractuel avec le ministère va systématiquement prendre en compte la transition écologique comme un axe stratégique. Normalement, aucun établissement sous tutelle du MESR ne pourra échapper à ce questionnement et chacun devra dire ce qu’il compte faire sur le sujet. Comme l’a indiqué la ministre, nous pouvons aussi imaginer que sur certains de ces sujets des moyens complémentaires soient budgétisés dans le contrat mais dans une logique de performance : il faudra tenir ses engagements sinon les moyens seront repris. Le calendrier annoncé par la ministre pour les COMP est volontariste. La ministre a pris des positions fortes en s’engageant personnellement, car l’évolution des mécanismes de contractualisation vers la performance est un vrai changement de culture. Elle a dit qu’elle serait "intraitable" sur sa mise en œuvre.
Le deuxième levier, c’est l’évaluation. Les COMP font l’objet d’un suivi par le HCERES et ce mécanisme d’évaluation va permettre d’en assurer un suivi ex post. J’ai été invité par le président du HCERES à présenter le plan climat et biodiversité devant son comité de direction. J’en ai profité pour demander si le Haut Conseil accepterait de faire évoluer le référentiel d’évaluation des établissements en ce sens : cela sera sans doute fait à partir de la vague 2 — il est difficile de modifier le référentiel pour les évaluations déjà en cours. J’ai aussi demandé si le HCERES — qui est une autorité indépendante sur laquelle nul ministre n’a d’autorité — accepterait d’entrer volontairement dans la démarche afin de produire, pour ce qui le concerne, un schéma directeur DDRS : la réponse a été oui.
Les opérations immobilières financées par le plan de relance "n’ont pas été jugées sur leur impact environnemental ou énergétique."
AEF info : S’agissant de la rénovation énergétique, des mesures spécifiques sont-elles à attendre ? Appelez-vous à un plan global d’investissement ?
Michel Eddi : Dans le cadre du plan de relance, l’État a déjà décidé de mettre 1,2 Md€ sur la table pour des opérations immobilières dédiées à l’ESR. Ce plan a été lancé très rapidement et a abouti sur deux ans à des résultats visibles car ont été pris en compte tous les dossiers déjà prêts. Or, ils avaient des niveaux de rénovation et des impacts en matière énergétique variables. Ils n’ont pas été jugés sur leur impact environnemental ou énergétique.
Au moment du conseil de la planification écologique du 26 janvier 2023, le président de la République a demandé à la direction immobilière de l’État de produire, pour cette année, tous les éléments d’un plan stratégique pour engager un processus de rénovation du parc immobilier de l’État qui soit en ligne avec les objectifs de la planification écologique et tout particulièrement sur son volet énergétique. L’ESR représente un quart de ce patrimoine immobilier. Des initiatives politiques au plus haut niveau sont en train d’être prises.
Par ailleurs, des réflexions sont en cours sur un autre modèle économique qui soit à la hauteur des investissements à réaliser dans les dix prochaines années, mobilisant la Banque des territoires, l’emprunt, et le remboursement gagé sur la base des économies d’énergie réalisées. Tout le monde a aussi compris que sans un effort budgétaire supplémentaire, il n’y aurait pas de changement d’échelle possible. Tout le monde a conscience de cette question. Il faut doubler voire tripler la mise au regard de ce qui a été fait dans le cadre du plan de relance en matière d’investissement. Des chiffres sont annoncés autour de 4 M€ à 5 M€ par an. Il faudra probablement aussi orienter le pilotage des opérations à réaliser de façon différente : on pourrait imaginer de prioriser le financement de la rénovation de tous les bâtiments classés "passoires énergétiques" par exemple (E, F et G) .
AEF info : Le plan climat et biodiversité assigne aux établissements un objectif minimum de réduction annuel des émissions GES de 2 %, quand le Haut Conseil pour le climat fixe la barre à 5 %. Pourquoi cet écart : les établissements d’ESR ne devraient-ils pas être aux avant-postes de l’exemplarité ?
Michel Eddi : Le Haut Conseil pour le climat, repris en cela par le président de la République à l’occasion du Conseil de planification écologique, part du constat que pour tenir ses engagements de réduction de 55 % des émissions nettes de GES d’ici à 2030, il est nécessaire de les réduire de 5 % par an à l’échelle du pays. Pour autant, on observe une grande hétérogénéité de situation en fonction des opérateurs et des domaines d’activité. À la hauteur de mon expérience de PDG d’organisme de recherche qui a conduit des Beges depuis une dizaine d’années, je sais que 5 % c’est possible la première année, mais que plus vous avancez, plus réduire demande de l’argent pour des effets moins importants.
La cible à 2 % au minimum pour tout le monde a cette signification-là : chacun a une contribution significative à produire au service de l’objectif de 5 % à atteindre collectivement. Cet objectif minimum de 2 % est réaliste puisqu’en 2022 la France à réduit de 2,5 % sa production de GES. Le pari est celui de la prise de conscience et de la mobilisation collective. Même si dans la plupart des cas, faute de Beges réalisé, le point de départ n’est pas connu.
AEF info : Justement, l’Ademe évalue à 15 % la part des établissements d’ESR qui ont réalisé un Beges alors qu’ils sont soumis à l’obligation de le réaliser, et de le publier (lire sur AEF info). Comment l’expliquez-vous ?
Michel Eddi : Cela montre déjà qu’il ne suffit pas de produire un texte administratif pour que l’obligation soit suivie d’effet : celle-ci remonte pourtant à 2012 ! Cela confirme qu’une grande majorité de la communauté de l’ESR est encore dans l’expectative. Au-delà du bilan en lui-même, qui n’est qu’une métrique au service de l’action, cela pose la question des plans d’action qui doivent être mis en place via les schémas directeurs.
Nous espérons sortir pour fin avril un cahier des charges sur les attendus de ce type de schéma directeur qui ne sera pas prescriptif mais un accompagnement à prendre comme un menu déroulant où chacun pourra faire les choix politiques qui lui conviennent.
"Il est impératif de continuer à faire des Beges avec les méthodes qui sont aujourd’hui disponibles, quelles que soient leurs imperfections, car il vaut mieux un bilan pour continuer à avancer que pas de bilan du tout."
AEF info : Un des objectifs du plan climat et biodiversité est de doter l’ESR d’une méthode commune pour établir les Beges…
Michel Eddi : C’est une autre piste d’interprétation de cette faible part : il est nécessaire de développer un modèle de calcul qui soit adapté à nos métiers et dont nous maîtrisons le contenu. Il nous faut un modèle avec des données homogènes pour obtenir des résultats plus fiables, comparables mais aussi sommables pour connaître le bilan carbone de l’ESR. Mais en attendant que nous parvenions à déployer cet outil commun, il est impératif de continuer à faire des Beges avec les méthodes qui sont aujourd’hui disponibles, quelles que soient leurs imperfections, car il vaut mieux un bilan pour continuer à avancer que pas de bilan du tout.
AEF info : Comment va se dérouler ce chantier pour élaborer une méthodologie de bilan d’émissions commune ?
Michel Eddi : Nous avons rencontré les principaux acteurs qui mènent des actions dans ce domaine, qu’il s’agisse du ministère de la Transition écologique qui devrait avoir un modèle disponible d’ici à la fin de l’année adapté pour les ministères, du CGDD, de l’Amue qui a commencé à réfléchir à l’architecture technique et fonctionnelle d’un système d’information qui permette de faire remonter les données de façon industrielle – c’est une architecture qui pourra être déployée pour les établissements qui utilisent les solutions adossées à Sifac ou au logiciel de Cocktail. Mais nous avons besoin d’une solution plus universelle que cela. Nous avons aussi rencontré l’Ademe, qui publie des cahiers techniques par grands métiers : j’aimerais que nous en produisions un pour les Beges dans l’ESR. Et nous comptons pouvoir mobiliser l’expertise de Labos 1point5 qui travaille au développement d’un outil opérable à l’échelle des établissements.
Cette contribution nous serait très utile car Labos 1point5 dispose d’un savoir-faire et d’une expérience unique acquise au niveau des unités qu’ils pourraient ainsi mobiliser au bénéfice de toutes les institutions de l’ESR. Des discussions sont en cours pour voir dans quelles conditions cela serait possible afin que nous puissions nous appuyer sur les solutions qu’ils ont déjà développées. J’aimerais réunir prochainement un premier groupe de travail informel avec toutes ces parties, y compris des établissements qui ont déjà fait des bilans, pour réfléchir à la feuille de route à construire pour conduire un projet de ce type avec tous ces acteurs.
AEF info : Quels sont les principaux axes de travail pour ce Beges "commun" ?
Michel Eddi : Il y a plus spécifiquement quatre sujets à travailler pour adapter ce modèle de Beges avec ses données aux spécificités de l’ESR :
"Il n’est plus possible de se contenter d’un discours centré sur l’atténuation, tout le monde comprend que nous aurons besoin de nous adapter aux risques."
AEF info : L’accélération de la hausse des températures et des risques associés nécessite des politiques d’adaptation à différents niveaux — infrastructures, RH, ressources en eau, etc.. Les établissements d’ESR ont-ils commencé à se pencher sur la question pour ce qui les concerne ?
Benoit Laignel : L’idée consiste à atténuer au maximum, pour s’adapter au mieux : cela va de pair, même si parfois cela ne transparaît pas dans les plans. Il n’est plus possible de se contenter d’un discours centré sur l’atténuation, tout le monde comprend que nous aurons besoin de nous adapter aux risques. Le problème des établissements dans des territoires donnés c’est que nous n’avons pas de projections utilisables à ces échelles-là. Il existe très peu de projections à l’échelle régionale. Il est possible de zoomer sur certaines zones, mais nous n’avons pas un niveau de finesse suffisant, que cela soit pour les îlots de chaleur liés aux canicules, les inondations par la Seine ou, si vous êtes à la Rochelle, les risques de submersion. Faute de données, il faut formuler des hypothèses et regarder ce que cela peut donner.
"Il faut ainsi établir la cartographie stratégique des PEPR qui ont été lancés pour voir ce que cela couvre ou pas en termes d’enjeux et de solutions."
AEF info : Le plan climat et biodiversité pose aussi la question de la prise en compte des objectifs nationaux en matière de décarbonation ou de protection de la biodiversité pour la programmation de la recherche. Quelles sont les pistes pour y travailler ?
Michel Eddi : Concernant la programmation, il s’agit de promouvoir une méthode permettant de la définir en bonne cohérence interactive avec les besoins à l’égard de la recherche, exprimés dans le cadre des stratégies sectorielles. Les opérateurs de la programmation à cet égard sont l’ANR et le SGPI dont les 43 PEPR sont en cours de déploiement. La question qui se pose consiste à savoir comment se préparer à la construction de la prochaine vague de programmation quand nous aurons leurs premiers résultats. Il faut ainsi établir la cartographie stratégique des PEPR qui ont été lancés pour voir ce que cela couvre ou pas en termes d’enjeux et de solutions. Les schémas directeurs peuvent eux aussi faire émerger des sujets nouveaux de recherche, qui pourront faire l’objet d’une nouvelle contractualisation avec l’État.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
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Caroline Laires Tavares,
journaliste