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Le Sénat a adopté le 5 avril 2023 une proposition de loi fortement amendée sur l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Celle-ci prévoit notamment d'augmenter le taux de primo-nominations de femmes à des postes d’encadrement supérieur et de dirigeants, à l’instar de la loi "Sauvadet" de 2012. Depuis lors, chez les préfets, dont les nominations sont publiées au JO, le nombre de femmes a augmenté mais l’objectif de parité est loin d’être atteint. AEF info a analysé les données du JO pour retracer l’évolution des nominations et les carrières des préfètes depuis 1990.
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115 femmes ont été nommées au moins une fois au JO sur un poste de préfet depuis 1990, contre 774 hommes. Wikimedi - © Finoskov
"Les femmes n’occupent encore aujourd’hui qu’un tiers des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant", a constaté la délégation sénatoriale au droit des femmes dans son rapport sur le bilan de la loi Sauvadet présenté le 21 juin 2022 (lire sur AEF info). Depuis le 1er janvier 2013, cette loi du 12 mars 2012 impose un taux minimum de 40 % de femmes primo-nommées à des postes d’encadrement supérieur et de direction (ESD). Une proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat le 5 avril, modifiée par la commission des Lois et fortement amendée par les sénateurs en séance publique porte le quota de primo-nominations des personnes du sexe sous-représenté à 45 % (lire sur AEF info).
Les emplois concernés par ce dispositif sont définis par le décret du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique, dont font partie les préfets en poste territorial et les postes territoriaux occupés par des sous-préfets. Il en ressort que la proportion de femme progresse, mais de manière très inégale, avec des carrières plus courtes et souvent sur des postes de déléguées.
115 femmes répertoriées dans les nominations au JO
À partir des données des nominations publiées au journal officiel, il est possible d’avoir un aperçu de l’évolution des nominations de préfets par le gouvernement sur les 33 dernières années, ainsi que du déroulement de leur carrière. La base de données renseigne en effet le nom et le prénom des personnes concernées par une publication au JO, leur sexe, la raison de leur publication (une nomination, une titularisation, mais aussi une cessation de fonction ou un détachement) et le poste concerné.
115 femmes ont été nommées au moins une fois au JO sur un poste de préfet depuis 1990, contre 774 hommes. Elles sont par ailleurs 34 femmes en poste dans une région, un département ou dans une zone de défense au 30 mars 2023 à avoir fait l’objet d’une publication au JO reprise dans la base de données.
Une augmentation récente pour les femmes
De 1990 à 2000, les hommes représentent en moyenne 96 % des nominations à des postes de préfets publiées au JO, soit 72 hommes contre seulement trois femmes en moyenne. Ce nombre augmente légèrement entre 2001 et 2010, avec cinq femmes nommées par an en moyenne, pour 80 hommes. En 2012, un an avant l’application du dispositif de la loi Sauvadet, 15 femmes sont nommées contre 98 hommes, soit 13 % de femmes. L’année suivante, elles représentent 16 % des nominations.
Le nombre de femmes progresse à partir de 2013, mais ces chiffres sont à nuancer, car leur proportion reste faible par rapport aux hommes. La proportion maximum de femmes nommées est atteint en 2018 alors qu’elles représentent 35 % des fonctionnaires dont la nomination à un poste de préfet est publiée au JO. L’année 2020 connaît un pic avec 29 nominations de femmes, mais celles-ci ne représentent que 31 % des nominations totales. Cette évolution n’est également pas linéaire d’année en année : elles sont par exemple seulement 23 % de femmes nommées en 2019 et en 2021, contre 77 % d’hommes ces deux années, alors qu’elles sont 32 % sur la seule année 2020.
41 femmes nommées une seule fois à un poste de préfet
En conséquence, seulement 265 nominations parmi celles répertoriées par la base de données depuis 1990 concernent des femmes, alors que 2 326, soit près de neuf fois plus, concernent des hommes. Aucune des femmes répertoriées dans la base de données, pour les publications comprises entre 1990 et 2023, n’a été nommée plus de huit fois dans sa carrière sur des postes de préfète.
Seulement deux femmes affichent huit nominations à des postes de préfètes. Catherine Delmas-Comolli, énarque et dirigeante d’entreprise aujourd’hui à la retraite, est par exemple devenue préfète chargée d’une mission de service public relevant du gouvernement en 1993, avant de remplacer Yvette Chassagne, qui était devenue la première femme préfète de France en 1981, dans le Loir-et-Cher, jusqu’en 1996. Elle est ensuite passée par les Ardennes (2006-2008) et le département du Cher (2008-2011). Elle est plusieurs fois nommée préfète hors-cadre, c’est-à-dire sans affectation territoriale : notamment en 1996, pour rejoindre le cabinet du ministère de l’Intérieur ; en 2000, lorsqu’elle devient directrice générale de la SNC Lucien Barrière, une société d’hôtellerie et de casinos ; ainsi qu’en 2004 et en 2011. Fabienne Buccio, actuelle préfète de la région Auvergne Rhône-Alpes, affiche également huit nominations à des postes de préfet territoriaux.
Par ailleurs, les femmes sont nommées en moyenne deux fois dans une carrière à des postes de préfètes, contre trois fois dans une carrière pour les hommes. Elles sont également 36 % à n’être nommées qu’une fois à un poste de préfet dans une carrière, contre 34 % des hommes.
QUATORZE femmes nommées quelques mois avant la retraite
Parmi les 41 femmes à n’avoir fait l’objet que d’une seule publication au JO pour un poste de préfète, quatorze ont été nommées pour la première fois six mois avant leur départ en retraite. Elles sont en général chargées d’une "mission de service public relevant du gouvernement" pour les mois précédant leur départ.
Christophe Mirmand, président de l’ACPHFMI, explique qu’il s’agit d’un titre "honorifique" : "Ce sont des nominations qui interviennent dans la limite de deux emplois pour six mois pour permettre à des sous-préfets qui envisagent de prendre leur retraite d’avoir une promotion en fin de carrière. Ils occupent un poste de préfet pour quelques mois, afin de bénéficier de l’indice de rémunération correspondant, qui se répercute sur le calcul de la pension. Ce dispositif correspondait à un objectif de fluidification des postes des sous-préfets et permettait de tirer les conséquences d’une carrière méritante". À noter que cette disposition fixée par le décret de 1964 portant sur le statut des préfets est remise en question par la mise en extinction du corps préfectoral, actée par la réforme de la haute fonction publique (lire sur AEF info).
Ainsi, depuis 1990, 19 femmes sont parties à la retraite moins de cinq ans après leur première nomination à un poste de préfète. La majorité des femmes nommées entre les années 1990 et 2023 ont tout de même bénéficié de carrières plus longues dans la préfectorale, puisqu’elles sont 28 à être parties en retraite plus de cinq ans après leur première nomination.
des postes de déléguées
Parmi les femmes nommées seulement une fois à un poste de préfet, six l’ont été ou le sont actuellement à un poste de préfète déléguée à l’égalité des chances. Dix-sept femmes nommées plus d’une fois à des postes de préfet sont passées par l’un de ces postes ou les occupent actuellement. C’est notablement le cas à la préfecture de Seine-Saint-Denis, où quatre femmes ont été nommées depuis 2007, et dont le poste est actuellement occupé par Isabelle Pantèbre, auparavant secrétaire générale des affaires régionales de la région Paca.
Christophe Mirmand, de l’ACPHFMI, explique cette position de préfet délégué à l’égalité des chances : "Il y a en France 135 postes de préfets territoriaux, pour seulement 101 départements. Un certain nombre de hauts fonctionnaires prennent un poste spécifique, comme celui de préfet de police de Paris. Il existe également la catégorie d’emploi de délégué à l’égalité des chances, comme c’est le cas en Île-de-France, qui anime des départements confrontés à des enjeux de cohésion sociale. Cette fonction est parfois occupée par des sous-préfets, mais aussi des préfets délégués lorsque la dimension des enjeux justifie ce poste stratégique".
Un autre poste de cette catégorie d’emploi est celui de préfet délégué de la zone de défense. Il existe sept de ces zones en France métropolitaine et cinq en France d’outre-mer, dont les listes sont définies par les articles R1211-4 et R1211-8 du code de la défense. Dix femmes ont déjà occupé ces postes, dont huit en tant que préfète déléguée et deux en tant que préfète et secrétaire générale de la zone de défense de Paris, en 2001 et en 2008. "Ces emplois sont des postes de préfets mais plutôt des premiers postes, qui correspondent en général à une primo-nomination", complète Christophe Mirmand.
Les femmes plus proches de la parité chez sous-préfets
La base de données permet également d’estimer le nombre de nominations de femmes à des postes de sous-préfet. Les femmes apparaissent mieux représentées dans cette catégorie d’emplois, tant en valeur absolue qu’en proportion par rapport aux hommes. De 1990 à 2000, elles représentent ainsi entre 4 % et 15 % des nominations publiées au JO à des postes de sous-préfets, contre 88 % à 96 % pour les hommes. Leur nombre connaît une véritable évolution à partir de 2011, passant de 45 femmes à 63 femmes en 2016 puis 71 en 2022.
Comme pour les préfets, il convient de nuancer ces chiffres par la proportion de femmes et d’hommes nommés chaque année. Si les nominations de femmes sont nombreuses en 2011, elles ne représentent que 24 % des publications au JO pour un poste de sous-préfet cette année-là. Le pic est atteint en 2020, alors que les femmes représentent près de 43 % du total des nominations contre 57 % d’hommes, pour redescendre à 40 % en 2022. Soit cinq points au-dessous de l’objectif de 45 % de parité désormais visé par le gouvernement.
La base de données recensant les nominations publiées au JO sur data.gouv, est le résultat d’un algorithme recensant les publications au journal officiel depuis 1990, à partir des pages de Légifrance. Cette base constituée par l’ingénieur anciennement chercheur au CNRS Nathann Cohen est régulièrement corrigée mais peut comporter des erreurs ou des oublis, notamment dans la reconnaissance de certaines suites de mots spécifiques, par l’absence de publication ou une absence d’une information dans la publication.
Le travail de données ne prend en compte que les publications ayant pour type d’ordre "nomination" et avec pour objet "préfet", "préfète", "sous-préfet" et/ou "sous-préfète". Chaque ligne de la base de données a fait l’objet d’une vérification afin de séparer les homonymes, supprimer les doublons et vérifier la bonne attribution du genre des personnes répertoriées, notamment pour les prénoms pouvant appartenir aux hommes comme aux femmes. Les 115 femmes nommées ont fait l’objet d’une vérification plus approfondie afin de mettre en lien les publications répertoriées sous leur nom et leur parcours de carrière, en croisant différentes sources d’information. Quatre femmes sont mentionnées "sans informations" car il n’existe pas de mention d’elles au-delà d’une certaine date. Les femmes ayant quitté un poste de préfète territoriale pour rejoindre un autre poste, même sans quitter leur corps d’origine ou leur grade, sont considérées en "changement de poste". Les femmes sous la mention "a quitté son poste" ont cessé leur fonction et n’ont pas eu d’autre attribution publiée au JO. Une publication a été corrigée car elle ne mentionnait pas le bon sexe.
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Danae Corte,
journaliste