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Élue fin 2020, Virginie Laval est la première femme à présider l’université de Poitiers, fondée en 1431. Toute la stratégie mise en place depuis deux ans, assure-t-elle à AEF info, vise à "s’imposer comme n° 2 dans la région, après l’université de Bordeaux". De ce bilan à mi-mandat, Virginie Laval retient le triplé réalisé au PIA 4 (DemoES, Excellences, Saps) qu’elle espère bientôt compléter par un label PUI et le succès à l’AAP ASDESR. Des projets tous menés à l’échelle du site et de la nouvelle alliance universitaire Aliénor d’Aquitaine. Son université veut créer cinq structures fédératives de recherche pour doper l’interdisciplinarité et rendre plus visible sa signature scientifique. La RSU est un autre axe, avec d’un côté l’autosuffisance énergétique, et de l’autre, revisiter le dialogue social et revaloriser les rémunérations – Biatss en tête. Sans oublier l’objectif de diminuer le coût de l’offre de formation.
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Virginie Laval, présidente de l'unviersité de Poitiers Droits réservés - DR - Université de Poitiers
AEF info : Vous êtes arrivée à mi-mandat. Que retenez-vous de ces deux premières années à la tête de l’université de Poitiers ?
Virginie Laval : Ce furent deux années intenses pendant lesquelles nous avons vraiment travaillé à définir une stratégie claire, lisible, pour disposer d’une signature scientifique (voir encadré). En parallèle, il nous fallait obtenir des moyens supplémentaires et on a su se positionner avec succès sur plusieurs appels à projets du PIA. Notre projet Excellences, UP-Squarred, vient en soutien de nos deux premiers axes stratégiques. Notre projet labellisé DemoES (DemUP) s’inscrit aussi dans cette stratégie et appuie notre dynamique développement durable et RSU.
L’établissement reste fidèle à son credo d’université dans la Cité, ciblant pour son positionnement scientifique trois des ODD de l’ONU : santé et bien-être ; éducation de qualité ; villes et communautés durables. Son CA a adopté en septembre 2021 trois axes stratégiques pour la période 2022-2026 :
L’autre élément important de ce début de mandat, c’était de porter une ambition allant au-delà de l’échelle de l’université. On a retravaillé une identité de territoire après l’arrêt de la Comue Léonard-de-Vinci, autour de l’alliance Aliénor d’Aquitaine, qui réunit 12 partenaires, avec l’université comme leader. Je suis aussi très satisfaite du lien que nous avons réussi à retisser avec le CHU de Poitiers, en matière de formation, de recherche et de vie étudiante
AEF info : Dans le cadre de l’alliance Aliénor, officialisée le 17 octobre dernier, vous deviez notamment candidater au label PUI. Est-ce chose faite ?
Virginie Laval : L’université de Poitiers a effectivement déposé, au titre des membres de l’alliance, un dossier pour une labellisation pôle universitaire de l’innovation. Nous avons été auditionnés mi-février pour ce projet ainsi que pour notre réponse à l’AAP Accélération (ASDESR). Notre projet PUI, Propulse, vise à créer un écosystème de l’innovation sur le site, avec nos partenaires historiques. Il rassemble l’Isae-Ensma, le CNRS, l’Inserm, l’Inrae et le CHU. Viendra aussi s’ajouter la technopole de Poitiers qui abrite l’incubateur académique.
Quant au projet ASDESR "Impact UP", il fédère autour de l’université, l’Isae-Ensam, le CHU, le CNRS, l’Inserm ainsi que le CFA du Sup. Car un des deux axes cible le développement massif de l’offre de formation professionnelle continue. L’autre étant d’augmenter le nombre de projets européens de recherche.
Il faut voir l’alliance Aliénor comme un vrai catalyseur de projets, qui ne rassembleront pas à chaque fois tous ses membres. Cela dépendra de la thématique. Et l’université ne sera pas toujours le chef de file. Pour le projet de pôle numérique pour l’éducation (I2 School) par exemple, c’est la préfecture qui pilote ; nous ne sommes que partenaires
AEF info : Quelles sont les avancées concrètes de vos projets lauréats du PIA ?
Virginie Laval : Le projet Dem’UP (lire sur AEF info) est bien parti. Un premier appel à projets interne a été lancé pour identifier des démonstrateurs pédagogiques. On a reçu 17 candidatures et on en a retenu 13. L’équipe a proposé en septembre un forum tourné vers les ed-techs afin de mettre en relation les enseignants-chercheurs et ces entreprises ; il a rassemblé 250 participants dont une dizaine d’entreprises. Les fonds du PIA ont aussi permis de renforcer les moyens de notre Pédago Lab.
Notre projet Excellences a démarré plus lentement ; on a mis plus de temps à finaliser la convention avec le national. Nous sommes en train de recruter un chef de projet. L’an passé, l’université a tout de même lancé un AAP pour aider au développement de petits projets de recherche interdisciplinaires, en lien avec nos 3 ODD. Ces appels à projets internes vont devenir de plus en plus ambitieux. À terme, nous envisageons de mettre en place des structures fédératives de recherche, afin d’animer ces réponses interdisciplinaires.
AEF info : Avez-vous en tête un nombre précis pour ces structures fédératives de recherche ?
Virginie Laval : Oui, nous en ciblons cinq : en santé, en environnement et énergie durable, en sciences juridiques, en humanités-société et une dernière au Futuroscope, autour de nos cursus en ingénierie. L’objectif ne consiste pas à créer ou localiser des campus dédiés. Il s’agit davantage d’une dynamique de mise en cohérence et en synergie pour donner une meilleure visibilité à nos expertises scientifiques.
Dans son dernier rapport d’évaluation, le HCERES préconisait d’ouvrir le SPVR – le service commun de valorisation de la recherche partagé par l’université de Poitiers et le CNRS – à d’autres opérateurs nationaux de recherche, comme l’Inserm. Un conseil que ne suivra pas dans l’immédiat Virginie Laval : "Ce service, qui inclut déjà le CHU, est opérationnel dans son format actuel. Nous comptons le faire monter en compétences afin d’aider les collègues à se positionner sur les appels à projets européens. Il n’est pas question pour l’instant d’élargir son périmètre". L’Inserm est en revanche impliquée dans la construction des structures fédératives de recherche, répond la présidente.
AEF info : Quelle est la situation financière de votre établissement aujourd’hui ? La facture énergétique met-elle à mal les comptes ?
Virginie Laval : Comme beaucoup d’universités, Poitiers connaît une situation budgétaire compliquée. Nous avons pris de plein fouet l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité, passant de 2,4 M€ de dépenses en 2020 à 8,5 M€ en 2022, soit +350 % ! Il faut y ajouter la hausse de 20 % du coût des matières premières. Pour finir l’exercice 2022 en positif, nous avons dû puiser dans notre fonds de roulement à hauteur de 23 847 640 €. En 2023 un nouveau prélèvement sur le FDR [25 070 367 €] est prévu au budget initial pour faire face au coût des fluides et pour financer les travaux dans nos bâtiments
Comme nous sommes propriétaires de notre patrimoine immobilier, cela nous donne tout de même une avance incontestable pour rénover notre bâti et revisiter sa performance énergétique. La dévolution représente, pour les universités de la première vague à en avoir bénéficié, un modèle économique qui permet de se projeter en pluriannuel et de travailler plus vite.
AEF info : L’université de Poitiers affiche la volonté de produire 80 % de l’électricité qu’elle consomme sur son campus principal d’ici deux ans. Comment comptez-vous y parvenir et à quel prix ?
Virginie Laval : Nous allons développer le photovoltaïque. L’université de Poitiers compte installer d’ici à fin 2024 une première tranche d’ombrières sur son campus principal lui permettant de produire de l’électricité à des fins d’autoconsommation individuelle, puis collective dès la seconde tranche en 2025. 80 % de l’énergie produite couvrira nos besoins en électricité. Pour cela, nous avons commencé un partenariat et signé une convention d’exclusivité avec Grand Poitiers et Sorégie/Sergie, un groupe d’entreprises locales d’énergies
Sur le site de Châtellerault, nous allons convertir la chaudière en biogaz. Le campus de Poitiers dispose déjà depuis 2015 d’une chaufferie biomasse, qui couvre deux tiers des surfaces. Elle va bénéficier également de travaux pour en améliorer la ventilation. Le gymnase que nous avons inauguré récemment à Poitiers est relié à cette chaudière biomasse et équipé de panneaux solaires afin d’être autosuffisant. Ces choix sont tout à fait au cœur de notre ambition d’université responsable.
L’université poitevine a engagé un programme de rénovation thermique de ses locaux depuis 2012. Dans le plan de sobriété énergétique, voté mi-décembre, des mesures complémentaires sont prévues pour un total de dépenses de 3,14 millions d’euros et un gain attendu de 2,5 GWh. Outre les ombrières et le changement de deux chaudières gaz pour des chaudières à condensation, l’établissement prévoit d’expérimenter à la rentrée 2023 le regroupement d’enseignements et d’activités dans certaines zones le soir, le week-end et pendant les congés. Les laboratoires auront aussi à travailler leur sobriété énergétique.
AEF info : Dans son dernier rapport (lire sur AEF info), le HCERES relève que votre offre de formation est "large et coûteuse". Avez-vous prévu de réduire la voilure ? Les experts notent aussi le poids des composantes dans votre établissement. Est-ce un élément à corriger ?
Virginie Laval : Poitiers est une université pluridisciplinaire, il est normal que nous touchions beaucoup de domaines de formation. Mais oui, l’offre est coûteuse et nous devons travailler tous ensemble pour en diminuer le coût. Penser des modalités différentes pour travailler autrement, enseigner autrement. Est-ce que dans une licence, on a besoin de proposer six options ? Rééquilibrer l’offre de formation et de recherche est un des axes de notre projet.
Depuis plusieurs évaluations, notre université est effectivement pointée du doigt comme une université facultaire. Il est essentiel de se poser la question de la subsidiarité pour gagner en efficacité tout en préservant la proximité. Avec les composantes, nous avons déjà retravaillé les dialogues de gestion pour les campagnes d’emplois.
Pour les études de santé, l’université de Poitiers ne propose que des cursus LAS et sa présidente ne regrette pas ce choix, vers lequel se tournent désormais d’autres universités, constate-t-elle. "Nous avons une autre originalité car dans nos LAS, nous proposons autant d’heures d’enseignements disciplinaires que d’enseignement santé. L’enjeu c’est de permettre la réussite des étudiants, de leur permettre de rebondir si la voie santé ne s’avère pas la bonne pour eux. Maintenant, c’est un vrai changement pour les familles et l’acculturation reste lente", analyse Virginie Laval.
AEF info : Quels ont été vos priorités RH depuis le début de votre mandat ?
Virginie Laval : La revalorisation du régime indemnitaire des Biatss a été un de nos premiers dossiers. Au sein des établissements, l’application du Rifseep peut être très différente et notre université était en deçà de ce qui se faisait ailleurs. En dépit du contexte financier, nous avons pris sur nos ressources propres – soit un million d’euros – pour revoir le régime par étapes : revalorisation de l’Ifse des catégories C en 2021, puis celle des catégories B et A en 2022.
On a aussi révisé les critères ouvrant droit à la NBI, qui n’avaient pas été modifiés depuis longtemps. De 113 postes concernés, on est passé à 135, même si, a contrario, des agents n’ont plus bénéficié de cette bonification indiciaire. Nous avons intégré la prime pour les informaticiens portant le nombre de bénéficiaires de 40 à 75.
Cette politique constitue un vrai enjeu d’attractivité car sur notre territoire, nous sommes en concurrence avec les autres opérateurs publics, notamment ceux de l’éducation, pour recruter.
AEF info : Quel est le bilan chez vous de la première campagne Ripec pour le versement des primes individuelles et du repyramidage ?
Virginie Laval : Pour ces deux sujets, nous avons créé des groupes de travail internes. Plus globalement, j’ai souhaité revisiter le dialogue social sur tous les sujets : orientations stratégiques, bâti, campagnes d’emploi, RH… La transparence des procédures est essentielle pour que les collègues puissent s’y retrouver. Mais c’est une méthode qui prend du temps.
Concernant le repyramidage proprement dit, nous avons travaillé à l’aveugle, c’est-à-dire que nous avons défini des critères d’ouverture des sections CNU en anonymisant ces sections. Nous avons privilégié les 18 sections ciblées par le ministère, en considérant le taux d’encadrement des professeurs. Le vivier de la section doit être suffisant, c’est-à-dire disposer de trois ou plus HDR parmi les MCF éligibles et le nombre de femmes HDR. En 2022, nous avons identifié 18 promotions possibles, en 2023, 9 et en 2024, 9 également.
AEF info : L’alliance européenne EC2U reste-t-elle un axe fort de votre politique internationale ? Quelles en sont les avancées concrètes ?
Virginie Laval : Dans le cadre d’EC2U, trois masters conjoints innovants et interdisciplinaires ont été ouverts à la rentrée 2022 autour des thématiques santé et éducation de qualité. Ils offrent des parcours pédagogiques basés sur des mobilités de semestre à travers l’alliance. Mais nous avons encore des difficultés à attirer un nombre suffisant d’étudiants lors de ces semestres à Poitiers.
Ces mobilités vont s’élargir. Nous avons en effet recandidaté fin janvier, avec l’ambition d’élargir cette alliance à deux nouveaux partenaires, avec l’adhésion prochaine de l’université autrichienne Johannes Kepler de Linz et d’une neuvième qui sera définie au cours des deux prochaines années.
AEF info : Votre campus est le second en nombre d’étudiants de la région. Le HCERES vous encourage à vous imposer comme l’université n° 2 en Nouvelle-Aquitaine. Pourtant, si l’on regarde, le nombre de projets retenus au CPER 2021-2027, Poitiers arrive en 3e position après UBx et l’UPPA…
Virginie Laval : Le CPER ne reflète pas nos deux ans de mandat et notre stratégie, mais "l’ancienne" université de Poitiers. Aujourd’hui, nous sommes une université ouverte sur son environnement et à l’échelle européenne, avec une signature reconnue en recherche de haut niveau. Tout le processus que mon équipe a engagé vise bien à s’affirmer comme numéro deux en région, en structurant une politique de site qui ne soit pas en concurrence avec celle du sud-aquitain.
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Sabine Andrieu,
journaliste