En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
Qui incarne la gouvernance des entreprises françaises ? Comment sont répartis les rôles de chacun au conseil d’administration ? Les bonnes pratiques en la matière définies par le législateur et les acteurs eux-mêmes sont-elles respectées ? C’est ce que AEF info vous propose d’observer dans ce premier angle de notre dossier consacré aux conseils d’administration du CAC 40.
Cette dépêche est en accès libre.
Retrouvez tous nos contenus sur la même thématique.
Au board des entreprises, les administrateurs observent la stratégie des dirigeants et vérifient qu’elle est correctement mise en œuvre. Parmi leurs missions : nommer le numéro un du groupe, fixer sa rémunération et parfois l’amener à retravailler ses projets. Qui joue ce rôle primordial dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40 ? Pour le savoir, la rédaction d’AEF info a listé chaque administrateur des 44 entreprises qui ont fait partie de l’indice boursier ces cinq dernières années.
AEF info a compilé les données sur les conseils d’administration contenues dans les documents d’enregistrement universel des grandes entreprises françaises. Nous avons ainsi pu analyser leur composition, constater le rajeunissement et l’internationalisation des administrateurs, observer comment les femmes intègrent ces instances de direction. Nous avons enfin identifié les réseaux des administrateurs multiples et des entreprises où ils officient. Le résultat de cette enquête paraît sous la forme de cinq dépêches qui seront publiées chaque jour de la semaine du 6 mars. Retrouvez notre méthodologie complète en fichier joint.
Les conseils comptent entre 9 et 22 membres
Dans notre panel, 36 entreprises ont un conseil d’administration, huit un conseil de surveillance. Chez ces dernières – Hermès, Klépierre, Michelin, Publicis, STMicroelectronics, Vinci, Vivendi et URW –, "les administrateurs sont un peu moins engagés dans la gouvernance. À la différence des membres d’un conseil d’administration, ils ne gèrent ni la communication financière, ni la nomination des dirigeants, ni la certification des comptes", précise Karine Dognin-Sauze, directrice de l’Institut français des administrateurs.
De ce fait, les conseils de surveillance comptent souvent moins de membres que les conseils d’administration : un peu moins de 12 en moyenne, contre 15 pour tout le panel. Les codes de gouvernance, eux, préconisent 18 membres comme maximum, dont au moins un représentant des salariés, dans les deux types de conseil.
Deux entreprises de l’indice sont au-dessus des 18. Le board du Crédit agricole se compose de 21 membres, dont 11 dirigent les filiales régionales de la banque. Et Worldline compte 19 administrateurs, dont 4 représentent deux partenaires d’affaires importants du groupe : la financière suisse SIX group et l’entreprise de logistique DSV.
"La richesse d’un conseil vient de la diversité des profils qui le composent. Est-ce que, s’il y a plus de monde, on la favorise ? La proximité et la cohésion sont tout aussi importantes. Si un conseil compte trop de membres, il peut devenir moins efficace, plus formel", prévient Sébastien Moynot, directeur des larges capitalisations pour Bpifrance.
La taille des conseils tend à augmenter à mesure qu’évoluent les règles de gouvernance. Les incitations à dissocier la direction, avec un président et un directeur général plutôt qu’un seul PDG, fait entrer un dirigeant de plus au conseil. En outre, depuis 2014, les grandes entreprises doivent compter des représentants des salariés parmi leurs administrateurs. Le graphique ci-dessous montre que plus les conseils en nomment, et plus la taille des conseils (en ordonnée) augmente.
Dernier facteur réglementaire qui fait augmenter la taille des conseils : l’objectif de parité dans les instances de direction. Pour atteindre une représentation de 40 % de chaque sexe, certains ont nommé des administratrices à la place d’administrateurs, d’autres ont créé de nouveaux sièges au board. "Ce n’est pas évident pour un dirigeant de retirer des mandats. Quand on est administrateur, on ne veut pas partir", concède l’un d’entre eux.
La répartition des rôles au conseil
Les sièges qui se libèrent le plus vite sont souvent ceux des indépendants, désignés ainsi parce qu’ils n’ont aucun lien familial, capitalistique ou d’affaires avec l’entreprise. C’est le rôle le plus répandu dans les conseils du CAC 40, comme le montre le graphique ci-dessous. Et pour cause : les organisations patronales recommandent 30 % d’indépendance dans les conseils.
Dans notre échantillon, Thalès (31 %), Crédit agricole (33 %) et Hermès (33 %) sont tout juste à la limite de ce ratio. LVMH et Orange, avec 36 %, et EDF avec 42 % restent loin derrière le reste du panel, dont la moitié du conseil est indépendante.
"L’indépendant ne dépend pas de la direction générale, ni d’un actionnaire spécifique qui l’aurait fait nommer au conseil. Il conserve toute sa liberté de jugement et peut ainsi mieux défendre les intérêts du public et ceux de l’ensemble des actionnaires, petits ou grands", décrypte Monique Cohen, elle-même administratrice indépendante pour BNP Paribas, Hermès et Safran.
Dans leur code de bonnes pratiques en matière de gouvernance, les organisations patronales Afep et Medef considèrent qu’un administrateur est indépendant quand :
Au regard de ces règles, des attributions de rôle d’indépendant questionnent. Par exemple chez Saint-Gobain, où Lina Ghotmeh siège comme indépendante, tout en étant architecte pour une filiale de la compagnie. Ou encore concernant certains administrateurs qui siègent ensemble à d’autres conseils, comme Guillaume Faury et Jean-Pierre Clamadieu qui se croisent à ceux d’Airbus et Axa.
Une relative indépendance
"L’appréciation du caractère significatif ou non de la relation entretenue revient au conseil et doit être expliquée dans le rapport annuel", souligne Karine Dognin-Sauze, directrice générale de l’Institut français des administrateurs. C’est le fameux "comply or explain", principe fondamental des règles de gouvernance en France.
Au-delà du cadre légal, "beaucoup de choses restent à définir dans les statuts de l’entreprise", continue la directrice de l’IFA. Le législateur ne dit rien notamment du cas d’un administrateur déclaré indépendant tout en travaillant pour une entreprise concurrente. À l’instar d’Isabel Hudson, administratrice d’Axa en même temps que de divers autres groupes d’assurances en Grande-Bretagne.
Chez Air Liquide, un administrateur dans cette situation a quitté le conseil fin 2021, moins d’un an après y être entré. Pierre Breber, vice-président de la compagnie pétrolière Chevron, a mis fin à son mandat "en raison du lancement chez Chevron d’une activité nouvelle énergies, concurrente de l’activité hydrogène d’Air Liquide", explique le conseil.
Deuxième rôle le plus courant : celui de représentant des salariés, élus par le ou les syndicats représentatifs du groupe. Leur présence dans les conseils d’administration est devenue obligatoire dans les grandes entreprises en 2014 et a été renforcée par la loi Pacte de 2019. À défaut, l’entreprise peut choisir un administrateur parmi les salariés actionnaires. Ce sont les ARS (administrateurs représentant les salariés) et les Arsa (administrateurs représentant les salariés actionnaires), et "ils prennent petit à petit une place prépondérante dans la gouvernance", a constaté l’IFA.
Dans notre panel, seules quatre entreprises n’ont aucun salarié parmi leurs administrateurs. Les sociétés à conseil de surveillance URW, Klepierre, STMicroelectronics ne sont pas tenues d’en nommer. Arcelor Mittal n’a en revanche pas de dérogation.
La majorité des entreprises du CAC 40 compte au moins deux représentants des salariés. Seuls LVMH, Stellantis et Vallourec n’en ont qu’un. Or le fait de siéger seul à une table face à des administrateurs plus âgés, à des niveaux hiérarchiques bien plus élevés, peut brider leur parole, affirme un membre de ces cercles.
Une obligation de formation
C’est une des raisons pour lesquelles les administrateurs salariés "ont une obligation de formation de 40 heures", rappelle Karine Dognin-Sauze. Ils représentent une large part des participants à celles de l’IFA. On leur y enseigne comment se comporter dans un conseil. "Savoir être assertif par exemple, c’est-à-dire apporter une valeur ajoutée au conseil en posant des questions, en étant participatif à bon escient, en pouvant parler sur tous les sujets abordés. Dans le même temps, il faut savoir respecter la confidentialité et ne pas intervenir à tout bout de champ", détaille-t-elle.
Chez Carrefour, les ARS font "des entretiens avec des dirigeants du groupe". Objectif : "présenter le rôle et les règles de fonctionnement du conseil, et parfaire leurs connaissances de l’activité et de l’organisation du groupe."
Dans les sociétés à conseil d’administration, les ARS et Arsa doivent aussi siéger au comité des rémunérations. C’est le cas partout, sauf chez LVMH et Dassault Systèmes. Danone vient d’en intégrer un.
Autre subtilité législative : l’administrateur salarié ne peut pas cumuler sa fonction avec un mandat de représentation du personnel ou syndical. Sinon, "il serait dans une situation délicate. Si, par exemple, le conseil a à se prononcer sur un projet de restructuration, une incompatibilité peut naître entre la nécessaire discrétion de l’administrateur et l’appartenance à une organisation syndicale, auprès de qui il pourrait être naturel de rendre compte", souligne la dirigeante de l’IFA.
Troisième rôle le plus répandu chez les administrateurs du CAC 40 : celui de dirigeant de l’entreprise. De plus en plus souvent désormais, à mesure que disparaissent les PDG au profit d’une direction bicéphale, ils sont deux à y siéger : le président et le directeur général.
"La séparation des pouvoirs entre un directeur général, chargé de l’opérationnel, et un président du conseil d’administration, est finalement en train de s’imposer au sein du CAC 40 pour devenir majoritaire", se félicite l’IFA dans son dernier guide sur les conflits d’intérêts.
Dans notre panel, l’égalité est parfaite, à 22 sur 44, entre les entreprises à PDG et celles à couple directeur général-président de conseil.
"Un président de conseil qui est également le directeur général de la société maîtrise mieux certains sujets opérationnels que les autres membres du conseil. De ce fait, il pourrait orienter les débats en sa faveur". Or "le conseil d’administration doit contrôler la direction générale en totale indépendance". Donc "la présence du décideur au sein du conseil augmente ses possibilités de défendre parfois, au-delà du raisonnable, les projets qu’il a initiés et mis en œuvre", met en garde l’IFA dans son guide.
De plus en plus de référents
Dans les entreprises où subsiste un cumul des fonctions de président et de DG, les cabinets de conseil aux actionnaires recommandent de choisir un référent parmi les administrateurs indépendants. "C’est une pratique anglo-saxonne qui s’implante en France depuis une dizaine d’années pour contrebalancer le rôle des PDG au sein du conseil", développe Cédric Laverie, directeur du proxy ISS.
"Il n’y a pas de cadre juridique à ce rôle, donc chaque société invente ses contours : le référent peut être celui chargé des questions de gouvernance, un président bis qui dirige le conseil en l’absence de ce dernier, celui qui gère les conflits d’intérêts. Il doit être un contre-pouvoir, mais certains jouent plus leur rôle que d’autres. De l’extérieur, la fonction a l’air encore un peu décorative", regrette le spécialiste du conseil aux actionnaires.
Le rôle de référent peut aussi permettre de se préparer à diriger le board. Angeles Garcia-Poveda a ainsi été administratrice référente chez Legrand avant d’en présider le conseil.
Au sein de notre échantillon, 20 entreprises ont nommé un administrateur référent. L’Oréal, chez qui les fonctions de président et de directeur général venaient d’être partagées entre Jean-Paul Agon et Nicolas Hieronimus au moment où nous avons collecté les données, s’en est abstenu jusque-là. "L’intérêt de la nomination d’un administrateur référent serait très limité chez L’Oréal compte tenu de la composition et du fonctionnement actuels du conseil ainsi que de la liberté de parole dont les administrateurs disposent", est-il justifié dans le rapport annuel du géant des cosmétiques.
À l’inverse, Safran a nommé un référent alors que sa direction est déjà dissociée. C’est l’indépendante Monique Cohen qui remplit cette fonction au sein du groupe d’aéronautique, à la demande de son président : "Ross McInnes a voulu un œil extérieur sur lui-même. Lorsqu’il m’a proposé ce poste, dans la mesure où ce n’était pas imposé, je me suis demandé si c’était utile. À l’usage, je me rends compte que oui. Ma mission consiste à travailler de manière informelle avec les administrateurs, notamment pour m’assurer qu’ils parlent librement. Lorsqu’il faut nommer un nouvel administrateur, nous recherchons des profils à deux avec le président, avant de les soumettre au comité des nominations. Je peux enfin sonder le conseil sur la qualité de la relation entre le directeur général et le président."
Parmi ceux dont la voix pèse plus que celles des autres administrateurs au conseil, on trouve ceux qui y siègent en tant qu’actionnaires importants, ou partenaires d’affaires. C’était par exemple le cas d’Alexandre Arnault et de Nicolas Bazire pendant quatorze ans au conseil d’administration de Carrefour. Les deux hommes forts de LVMH ont remis leur mandat en 2021, conséquence de la vente par Bernard Arnault de ses parts dans le distributeur.
Le partenaire d’affaires peut également être le représentant d’une banque ou d’un fonds qui serait un conseiller majeur du groupe. L’Institut français des administrateurs recommande une prudence particulière avec eux. "Le conseil doit veiller à ce que les fonds représentés ne détiennent pas de participations dans des sociétés de facto concurrentes." S’ils représentent une banque, celle-ci "doit se garder de devenir le conseiller exclusif ou principal de la société. Le conseil ayant souvent à s’exprimer sur des questions de financement, la présence d’une banque pourra créer un conflit d’intérêts".
Communément, un administrateur joue le rôle de partenaire d’affaires au conseil dès lors que l’entreprise dont il est issu a un volume d’affaires avec celle qu’il administre supérieur à 1 % du chiffre d’affaires de l’une ou de l’autre. Mais là encore, les groupes ont le choix entre respecter la règle ou expliquer pourquoi ils ne le font pas.
L’entreprise de solutions de paiement Worldline considère ainsi comme indépendante Agnès Audier, directrice associée de Boston Consulting Group. "Bien que BCG représente environ 2,5 % des dépenses annuelles consolidées de Worldline en 2021", Agnès Audier "n’est pas impliquée dans les conseils fournis au profit de Worldline", "n’intervient pour BCG qu’à titre de senior advisor" et "sa rémunération n’est pas corrélée aux résultats de BCG", précise le document d’enregistrement universel de Worldline. Avec la même justification, le groupe compte comme indépendante Nazan Somer Özelgin, administratrice de la banque italienne Unicredit, bien que leurs relations d’affaires soient significatives.
Certains groupes du CAC 40 continuent aussi de considérer comme indépendants des administrateurs pourtant présents au conseil depuis plus de douze ans, alors qu’ils devraient perdre cette qualité justement pour cette raison. L’Autorité des marchés financiers dénonce régulièrement cette pratique, comme dans son rapport annuel 2022.
"L’ancienneté d’un administrateur est susceptible d’affecter son esprit critique, notamment lorsqu’il s’agit de questionner la pertinence de décisions passées auxquelles il a pu participer, ou lorsqu’il est susceptible d’avoir tissé au fil du temps des liens privilégiés avec la société, sa direction générale ou d’autres membres du conseil d’administration", souligne en effet le gendarme de la Bourse.
L’institution financière s’agace en outre que le non-respect de ce critère soit souvent "justifié par la simple mise en exergue de la compétence et de la hauteur de vue, qualités au demeurant attendues de tous les administrateurs".
Trois administrateurs historiques qualifiés d’indépendants chez LVMH
Chez LVMH, Hubert Védrine, Charles de Croisset et Yves-Thibault de Silguy siègent respectivement au CA depuis 18, 14 et 13 ans. Pour autant, "le conseil a écarté, en l’espèce, le critère lié à l’ancienneté de leur mandat, considérant que celle-ci n’était pas de nature à émousser leur sens critique ou à porter atteinte à leur liberté de jugement compte tenu tant de leur personnalité que de leur situation personnelle et professionnelle", écrit la direction du groupe de luxe.
Situation similaire à Carrefour, où Charles Edelstenne détient un mandat d’administrateur indépendant depuis 14 ans. "Le conseil a notamment pris en compte la personnalité, l’expérience professionnelle et l’objectivité dont il a toujours fait preuve lors des réunions du conseil d’administration, sa capacité à formuler un jugement équilibré notamment vis-à-vis de la direction générale", évacue le distributeur. En 2022, le mandat de Charles Edelstenne, 84 ans, a été prolongé pour trois ans. Toujours en tant qu’indépendant.
"L’indépendance perdue au bout de douze ans, c’est la règle sur laquelle les sociétés cherchent le plus à trouver des explications, observe Cédric Laverie de l’ISS. Nous pouvons entendre leurs arguments, mais nous ne pouvons pas juger sur pièce. Donc nous conseillons de voter en faveur de l’application stricte de cette règle".
Dernière catégorie d’administrateurs non-indépendants : les représentants de l’État. Au CAC, ils occupent 21 sièges. Chez Crédit agricole, EDF, Engie, Orange, Renault, Thales ou encore chez Safran. Dans ce dernier, dont l’activité touche à la défense, deux administrateurs ont été nommés par Bercy, et les décisions stratégiques doivent recueillir le vote favorable d’au moins un des deux.
Autre particularité chez Safran : un membre de l’armée siège au conseil. "Éric Méresse, contrôleur général des armées, a été nommé en qualité de commissaire du gouvernement auprès de Safran et de ses filiales, dans le cadre des dispositions s’appliquant aux sociétés titulaires de marchés relatifs aux matériels de guerre ou se livrant à la fabrication ou au commerce de ces matériels", décrit le rapport du groupe.
Au CAC 40, ce sont des directeurs de l’Agence des participations de l’État, l’administration qui gère les participations publiques, Stéphanie Besnier (Engie), Martin Vial (EDF), Vincent Imbert (Safran) et Emmanuel Moulin (Thalès), qui occupent ces postes. Ils prennent leurs consignes de vote directement au ministère de l’Économie. Une situation bien différente de celle des administrateurs issus de Bpifrance.
Une sensibilité à l’intérêt public
L’institution dédiée au financement des entreprises innovantes détient des participations dans six groupes du CAC 40, mais jamais au-dessus de 10 % du capital. Ses membres occupent donc des sièges d’indépendants aux conseils de ces groupes. Nicolas Dufourcq, le président de BPI, administre ainsi le constructeur auto Stellantis et le concepteur de puces STMicroelectronics.
Contrairement au représentant de l’État, l’administrateur de BPI a "la même mission que tout autre administrateur : prendre des décisions dans l’intérêt de l’entreprise, dans le souci de son développement. C’est le principe même de la fonction, il serait répréhensible de faire le contraire", explique Sébastien Moynot, dirigeant de l’activité grands groupes pour Bpifrance.
Reste que leur vision du développement d’une entreprise n’est pas forcément celle de tous les autres autour de la table. "La performance à court terme des cours de Bourse nous importe moins que la création de valeur à horizon quatre-cinq ans, détaille Sébastien Moynot. Nous sommes également sensibles à certaines thématiques, comme l’attractivité de la France ou les enjeux de transition énergétique. Nous encourageons par exemple la création de comités de développement durable".
Aux côtés de tous ces administrateurs se trouve de plus en plus régulièrement une personne qui assiste au conseil, mais sans droit de vote. Des "censeurs", à l’image de Pascale Berger et de Sonia Bonnet-Bernard au Crédit agricole, de Jean-Bernard Lévy pour Société générale, de Colette Neuville pour Atos, de Christian Noyer chez BNP Paribas. Il y en a encore de six autres dans les entreprises du CAC40.
"Le rôle de censeur n’est pas défini par les textes de gouvernance. La création de ce poste relève d’une décision du conseil et son rôle varie selon l’entreprise, décode Karine Dognin-Sauze pour l’IFA. On peut par exemple nommer quelqu’un pour le tester en vue de lui attribuer un mandat d’administrateur." Ainsi chez Schneider Electric, "le comité des nominations a recommandé une candidate au conseil d’administration, Nive Bhagat, qui a été nommée le 16 février 2022 en qualité de censeur, dans l’intention de proposer sa nomination à l’assemblée générale".
Préempter quelqu’un avant qu’un siège ne se libère
Même motivation chez BNP Paribas, où l’ancien gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, est devenu censeur en 2019. "C’était une manière de le préempter. Nous ne pouvions lui proposer immédiatement un poste d’administrateur, mais nous savions qu’une place allait se libérer bientôt. Pour éviter qu’il n’aille administrer une autre banque, comme les statuts nous le permettaient, nous lui avons proposé ce poste de censeur", se souvient l’administratrice Monique Cohen.
La multiplication des censeurs a toutefois poussé l’autorité publique à se pencher sur le sujet. Dans son rapport 2022 en grande partie consacré à ce sujet, l’Autorité des marchés financiers s’inquiétait que certaines sociétés "assurent la présence de certaines personnes au conseil, qui ne sont pas comptabilisées comme des administrateurs". En clair, "certains se servent des censeurs pour contourner la loi sur le taux d’indépendance ou de femmes dans les conseils. Ils conservent leurs anciens administrateurs comme censeurs sans affecter la taille du conseil", explique Cédric Laverie d’ISS.
De fait, la présence de Vincent Bolloré en tant que censeur au conseil de Vivendi ne peut répondre à un objectif de prérecrutement. L’AMF a d’ailleurs cité nommément le groupe de médias dans son dernier rapport, dénonçant "le cumul, par un actionnaire de contrôle et ancien président du conseil de surveillance, du statut de censeur et de salarié ayant pour mission de conseiller le président du directoire".
Qui représente la société ?
Parmi tous ces rôles, aucun n’a pour seule mission de représenter les intérêts des clients de l’entreprise, ou de la société en général. Nos interlocuteurs estiment que c’est une des missions des indépendants. En particulier ceux compétents en matière de transition écologique, de plus en plus demandés dans les conseils.
"La société civile est représentée de fait dans les conseils au travers des administrateurs de plus en plus attentifs et compétents en matière d’ESG", argue Sébastien Moynot de la banque publique d’investissement. Tout comme les anciens politiques, Nicolas Sarkozy chez Accor ou Édouard Philippe chez Atos ? "On peut penser que ces personnalités sont recrutées certes pour leur réseau de relations, mais d’abord parce que leur expérience publique leur apporte une certaine compréhension du monde qui enrichira les échanges en conseil."
Dans une déclaration lue à l’issue d’une réunion au siège parisien de Solidaires dans la foulée de la 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites le 28 mars 2023, l’intersyndicale annonce la poursuite des grèves et des manifestations au niveau interprofessionnel avec un nouveau rendez-vous national programmé jeudi 6 avril. Cette décision intervient après la fin de non-recevoir adressée par l’exécutif à la demande de médiation réclamée par les syndicats pour tenter de trouver une issue au conflit dans le dialogue. Avec comme préalable la mise en suspens de la réforme prévoyant le recul de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite qui fait l’objet de plusieurs recours devant le Conseil constitutionnel. L’intersyndicale continue donc d’afficher son unité alors que, de l’aveu même de Philippe Martinez, une incertitude existe désormais sur la position qu’adoptera la CGT à l’issue de son congrès réuni actuellement à Clermont-Ferrand et devant se solder par le départ du leader de la centrale de Montreuil et la désignation d’une nouvelle direction confédérale.
Vous souhaitez contacter
Nina Godart,
journaliste