En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
Élu à la présidence de CU Cergy Paris université le 18 janvier 2023, Laurent Gatineau vise une sortie du statut d’EPE autour du 1er septembre 2023, comme recommandé dans un récent rapport du HCERES (lire sur AEF info). Un objectif ambitieux : CY doit d’abord travailler sur le devenir de ses statuts, notamment la répartition des rôles entre le conseil de site et le conseil d’établissement. Il explique aussi, dans un entretien avec AEF info le 10 février 2023, que l’université porte le "projet de créer une nouvelle faculté de médecine" à l’horizon 2027, avec une feuille de route du ministère de la Santé. Le tout, dans un contexte de "course contre la montre" face à l’inflation qui occasionne un surcoût estimé par l’établissement à huit millions d’euros en 2023. "Pour la première fois depuis 2010, nous avons voté un budget en déficit de 800 000 € sur la partie fonctionnement", indique-t-il.
Cette dépêche est en accès libre.
Retrouvez tous nos contenus sur la même thématique.
Laurent Gatineau, président de CY Cergy Paris Université. Droits réservés - DR - © Lionel Pagès
AEF info : Vous avez été élu à la présidence de CY Cergy Paris université le 18 janvier 2023 (27 voix pour, un contre), après avoir été vice-président délégué à la politique de l’établissement (lire sur AEF info). Comment abordez-vous le mandat d’un peu plus de deux ans devant vous ?
Laurent Gatineau : Je suis satisfait dans le sens où j’ai pu constituer une équipe politique ambitieuse, avec des profils très complémentaires et expérimentés, déjà présents auparavant et qui ont bien voulu rempiler pour travailler avec moi. C’est une marque de confiance. Beaucoup de rendez-vous sont programmés, notamment avec des acteurs du territoire, ce qui montre bien que CY est devenu un acteur territorial majeur, et que tout le monde a besoin de s’assurer que la trajectoire de l’établissement va se maintenir. C’est d’ailleurs tout l’objet du projet : poursuivre notre stratégie en consolidant l’établissement, dans un contexte où nos modèles économiques ont volé en éclat à cause de l’inflation. Nous portons aussi le projet de créer une nouvelle faculté de médecine.
AEF info : Quel est ce projet ?
Laurent Gatineau : L’agglomération et même le département essayent de longue date d’universitariser l’hôpital de Pontoise, jusqu’à présent sans succès. Le contexte grandissant de pénurie médicale en Île-de-France change l’équation, sans oublier la fusion depuis le 1er janvier de six établissements du Nord Val-d’Oise, ce qui constitue un premier pas vers une potentielle faculté de médecine. Nous avons depuis novembre dernier une feuille de route du ministère de la Santé et un intérêt du MESR pour porter ce projet, à l’horizon 2027. La demande initiale porte sur la recherche et c’est ce sur quoi nous allons nous atteler en premier. Mais nous ambitionnons à terme de créer des Pass et des LAS, avec une préférence pour les deuxièmes, et l’idée d’avoir au moins un groupe par licence. Ce projet nous permettra de monter en puissance et doit à la fois entraîner l’université et les membres de CY Alliance. Assouplir nos statuts est aussi un enjeu important pour nos projets de création et d’intégration de nouvelles composantes. Sur ce sujet, je rappelle que nous envisageons d’intégrer l’INSHEA comme établissement-composante, avant la sortie de notre statut d’EPE.
"Si la communauté et nous-même considérons que les deux années de mandat ont été une réussite, nous nous représenterons pour continuer."
AEF info : Votre profession de foi portait une volonté de "continuité" et de faire atterrir les lourds projets portés par l’université ces dernières années (fusion avec l’Eisti et construction de l’EPE avec ses conseils, création de CY Alliance et relations avec les différents établissements dans une logique public-privé…). Tout le monde, vous compris, reconnaît que les équipes sont fatiguées. Pourtant, vous voilà avec un nouveau projet assez ambitieux.
Laurent Gatineau : L’horizon 2027 nous laisse du temps. Mais c’est vrai que la communauté a beaucoup donné avec toutes ces transformations et que les collègues peuvent avoir du mal, sur le terrain, à situer leur activité par rapport au projet global. La communauté attend surtout que le projet stratégique soit vraiment décliné de manière opérationnelle et qu’elle puisse se l’approprier réellement, donner du sens à son activité.
AEF info : Prévoyez-vous de vous représenter en 2025 ?
Laurent Gatineau : Avec l’équipe qui m’accompagne, nous avons été élus pour consolider l’établissement. Si la communauté et nous-même considérons que les deux années de mandat ont été une réussite, nous nous représenterons pour continuer.
AEF info : Dans son rapport portant sur la sortie de l’expérimentation, publié le 27 janvier 2023, le HCERES a recommandé de "surseoir de quelques mois à la sortie", "au plus tôt au deuxième semestre 2023, et de préférence en janvier 2024". Vous avez indiqué, dans votre réponse au rapport, que "repousser la date de sortie d’expérimentation au 1er septembre 2023 pourrait en effet être efficient", mais pas au-delà. Vous maintenez cet objectif ?
Laurent Gatineau : Nous le maintenons et travaillons pour être en capacité de saisir la ministre Sylvie Retailleau en juin, au plus tard. Il faut avoir conscience qu’une bonne partie de l’élection a tourné autour de ce sujet. Donc oui, le niveau de réflexion est mature, et il faut continuer le travail réalisé en automne dernier autour de nos futurs statuts. Comme l’a indiqué le HCERES, il y a nécessité d’affiner la dimension simplification entre notre conseil de site et notre conseil d’établissement.
"La manière dont le président est élu constitue un point clé de ces échanges sur nos futurs statuts."
AEF info : Dans votre réponse au HCERES, vous avez justement présenté des "premières pistes" de travail sur les futurs potentiels rôles des conseils de site et d’établissement. Où en êtes-vous ?
Laurent Gatineau : Oui, des pistes avaient émergé durant l’automne. De manière assez surprenante, ces propositions ont été repoussées par les conseils, lorsque nous les avons présentés en janvier. Je ne peux qu’en tenir compte dans mes réflexions et celles de l’équipe pour pouvoir faire des propositions et travailler dessus avec les deux conseils. La manière dont le président est élu constitue un point clé de ces échanges sur nos futurs statuts. Et l’une des pistes potentielles de travail est de finalement n’autoriser que des candidatures d’enseignants-chercheurs internes à l’université, contrairement à ce qui est permis par nos statuts actuels.
AEF info : L’un des grands projets annoncé de votre présidence consiste à poursuivre la décentralisation de la responsabilité du pilotage de l’offre de formation dans les composantes ou regroupements de composantes. Concrètement, en quoi cela va-t-il consister ?
Laurent Gatineau : Nous allons confier aux composantes la responsabilité des maquettes et des MCC. Une fois qu’une graduate school sera opérationnelle, elle s’occupera aussi elle-même de coordonner les accréditations, ce qui est pour l’instant dans les missions du conseil d’établissement, ou de CY Sup pour les premiers cycles. Pour les formations disciplinaires, la composante en aura la responsabilité et, par exemple, CY Sup le fera pour les formations transversales de premier cycle. CY Tech devrait être la première graduate school opérationnelle, à la sortie de l’expérimentation. Il y a aussi un projet de fusion entre les composantes langues et études internationales (LEI) et LSH pour créer une nouvelle faculté intégrant la graduate school Arts et humanités.
La flexibilité et la souplesse de l’établissement ont fait sa force et cela reste un enjeu aujourd’hui avec son changement de dimension. Il nous faut absolument cette subsidiarité pour réussir à garder la souplesse et la réactivité vis-à-vis des sollicitations que nous pouvons avoir, voire des opportunités comme les nouveaux AAP.
"Pour la première fois depuis 2010, nous avons voté un budget en déficit de 800 000 € sur la partie fonctionnement"
AEF info : Combien va vous coûter l’inflation ?
Laurent Gatineau : Elle va représenter un surcoût de huit millions d’euros en 2023, dont 4,5 millions rien que pour l’énergie, pour un budget de fonctionnement de 30 millions d’euros en 2022. L’an dernier, l’inflation avait déjà fait augmenter notre facture d’énergie d’environ un million d’euros. Et en face, nous avons reçu la moitié de l’enveloppe prévue par l’État : un peu plus d’un million d’euros en décembre dernier. Cela ne peut pas couvrir nos dépenses en 2023. Donc pour la première fois depuis 2010, nous avons voté un budget en déficit de 800 000 € sur la partie fonctionnement, que nous espérons résorber dès l’été prochain avec la deuxième moitié de l’enveloppe de l’État. Mais certaines dépenses ne sont pas prévues dans la prise en charge du gouvernement. Par exemple, le budget de fonctionnement en Sciences et Technique a augmenté de 40 %, avec par exemple le prix des produits utilisés dans nos TP de chimie qui a déjà augmenté de 35 %, et cela va continuer.
Nous sommes dans une course contre la montre. La feuille de route sur dix ans de CY est tracée, mais sa soutenabilité a été construite sur un modèle économique datant d’avant l’inflation. Nous portons un important projet de construction d’un nouveau bâtiment pour notre école d’ingénieur sur le site de Hirsh, avec plus de 100 millions d’euros de budget réparti en deux tranches. Si nous devons diminuer la surface du projet à cause de l’inflation, notre équation sur nos prévisions de capacités d’accueil risque de s’en trouver modifiée. Nous sommes déjà obligés de le faire sur le bâtiment de l’IUT, à Neuville-sur-Oise.
"Nous avons un coût moyen de bâtimentaire qui est le double de la moyenne nationale"
AEF info : D’autant que vous avez beaucoup grossi en termes d’effectifs étudiants. 26 000 en 2022 (38 000 en comptant l’Essec, 45 000 au niveau de l’Alliance), contre 14 000 en 2013. Et cela va continuer.
Laurent Gatineau : Oui, nous visons 30 000 étudiants d'ici 2030. Notre situation est d’autant plus complexe que pour des raisons territoriales, nous avons un énorme émiettement de nos sites (14), qui sont répartis dans tout le nord-ouest francilien, plus notre site de Pau. Conséquence, nous avons un coût moyen de bâtimentaire qui est le double de la moyenne nationale. Sans oublier une certaine vétusté pour certains.
Tout cela a des conséquences sur ce que nous coûte un étudiant : en moyenne 7 000 euros, et entre 2 000 et 13 000 euros en fonction de sa formation, alors que l’État finance en moyenne 3 200 euros par place créée dans nos formations. Sans oublier que France Compétences a déjà diminué son niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage, et que cela risque de se renforcer à partir de cet été, même si nous sommes pour le moment peu impactés. Donc nous nous retrouvons avec toujours plus de dépenses et sans possibilité de maîtriser nos recettes, notamment avec le gel des droits d’inscription. Mais nous avons répondu à l’AAP ASDESR pour continuer de développer la formation continue.
AEF info : Dans son rapport, le HCERES pointait aussi que CY Cergy Paris université a des "taux d’encadrement des étudiants par les personnels enseignants comme par les personnels Biatss [qui] restent inférieurs aux moyennes de référence (3,7 %/5,2 %)". À quoi est-ce dû et que comptez-vous faire pour y remédier ?
Laurent Gatineau : C’est très problématique. Il nous manque 300 postes de titulaires enseignants-chercheurs. C’est notamment lié au fait qu’au lancement de l’université, sa dotation n’a pas été suffisante parce que nous n’avions pas envisagé que l’établissement connaisse une croissance de ce niveau. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un niveau de financement suffisant, notamment grâce aux AAP et AMI, mais qui est ciblé et ne permet pas de financer le fonctionnement de base de l’établissement. Donc l’enjeu est de réussir à lever des moyens qui financent cette activité.
Sur un autre aspect : recruter un Prag d’anglais est très compliqué, par exemple. Notre stratégie aujourd’hui consiste à utiliser toute la panoplie des possibles en termes de modalités de recrutement pour pouvoir avoir la ressource humaine adaptée aux besoins de nos étudiants. Cela peut être des CDI avec des profils très professionnalisants, par exemple en usant de CDD/CDI LRU.
AEF info : Comment êtes-vous impacté par l’annonce, fin 2022, du report d’une partie des crédits du plan de relance pour la création de places ?
Laurent Gatineau : Chez nous, ce gel représente 2 millions d’euros, ce qui fait de CY l’une des universités les plus impactées en France, avec un vrai risque de perte de confiance des équipes qui se sont engagées. Cet argent, nous l’avons déjà dépensé pour créer 500 places à la rentrée 2021, surtout en Bac+1 (DSP et Paréo) avec aussi quelques places en filières ingénieur et design. Soit beaucoup de formations initiales courtes où il est compliqué de mettre en place de l’apprentissage et donc d’avoir des recettes. Nous avons besoin de réfléchir à un vrai soclage pour ce type de formations.
"Nous allons aussi mener un bilan de nos GES, en collaboration avec les collectivités"
AEF info : Comment comptez-vous vous emparer du sujet de la transition écologique ?
Laurent Gatineau : La transition écologique est au cœur de notre projet Excellences, CY Générations. Nous avons aussi signé une feuille de route commune avec les collectivités en décembre dernier, par exemple en élaborant ensemble le plan de mobilité douce qui intègre les besoins étudiants. Cela prouve que CY Cergy Paris université est devenu un acteur du territoire comme les autres. Nous allons aussi mener un bilan de nos GES, en collaboration avec les collectivités : nous devons établir un bilan de nos locaux, nos activités en propre et aussi ce qui est lié à nos mobilités. Nous avons aussi créé une fonction de vice-président adjoint numérique, occupée par Jean-Luc Bourdon, dont l’une des missions premières est d’avoir une approche environnementale des solutions techniques que nous achetons.
AEF info : Occupez-vous une fonction au sein de France Universités ?
Laurent Gatineau : Depuis le 18 janvier, je suis vice-président du conseil formation, en charge la formation professionnelle. Je suis également membre de la commission territoire de France Universités.
Vous souhaitez contacter
Camille Mordelet,
journaliste