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Pourquoi transformer les administrations ? Comment mener cette transformation ? Quel est le rôle des cadres ? Ces questions étaient le fil rouge de la table ronde sur les enjeux de la transformation publique organisée par l’IRA de Nantes le 1er février 2023 à l’occasion de ses 50 ans. Selon la DGAFP Nathalie Colin, "les agents sont au cœur de la transformation publique". Pour Sébastien Soriano, directeur de l’IGN, il faut "sortir d’une mythologie de l’action publique" et s’interroger sur "la culture du chiffre". Autres approches : les labs d’innovation ou "l’expérience employé" québecoise.
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L'objectif de la table ronde organisée par l'IRA de Nantes le 1er février 2023 était de mieux faire comprendre aux élèves les enjeux de la transformation publique. Droits réservés - DR - © IRA de Nantes
"J’espère que vous n’êtes pas là pour faire des notes ou pour mettre des tampons sur des dossiers !", lance Thierry Lambert, délégué interministériel à la Transformation publique, à l’adresse des élèves de l’IRA de Nantes, réunis le 1er février 2023 à l’occasion d’une Journée dédiée à la transformation publique, intitulée "Transformer l’action publique : de l’intention à l’action", organisée par l’institut dans le cadre de la célébration de ses 50 ans.
Thierry Lambert explique aux élèves "pourquoi il faut transformer l’État" : "Ce n’est pas nouveau, c’est la mutabilité des services publics, qui doivent se réinventer pour répondre aux besoins de nos concitoyens, et aux mutations technologiques".
Sortir des silos administratifs
Pour le DITP, la "boussole" qui doit guider cette transformation est le triptyque qui doit guider une action publique "plus proche, plus simple, plus efficace". Thierry Lambert insiste sur la notion de proximité : "Pendant la crise sanitaire, les acteurs de terrain se sont retrouvés face à des situations inédites, sans instructions. Ils ont dû sortir du modèle bureaucratique, prendre des initiatives. On a pris conscience que les solutions viendraient du terrain, grâce à l’intelligence collective, en sortant des silos administratifs".
Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique, affirme elle aussi que "les agents sont au cœur de la transformation publique". "Ça semble un peu incantatoire, reconnaît-elle, mais aujourd’hui, cette volonté de transformation de l’État se traduit concrètement". Elle cite "la vision très territorialisée de la politique des ressources humaines conduite par la DGAFP" : "C’est une administration 'd’état-major' ; nous devons être attentifs au terrain."
Se mettre "à portée de baffe"
Pour Sébastien Soriano, directeur de l’Institut national de l’information géographique et forestière, "on ne peut plus juste dire qu’il faut innover, ou faire du numérique ; il faut repenser la matrice". "Aujourd’hui, on est prisonnier d’une mythologie de l’action publique, à laquelle on a été biberonné par notre culture, nos études, etc.". Il pose trois questions : celle de la place de l’État, qu’il qualifie de "philosophie du noyau", et à laquelle "doit se substituer une philosophie de l’écosystème". Celle de "la culture du chiffre", qui "nous fait vivre dans une abstraction" : "On aurait une représentation de la réalité par les chiffres… Il faut y substituer l’expérience, se mettre à portée de baffe". Celle, enfin, du contrôle : "On pense que l’un des super pouvoirs de l’État, c’est le contrôle. En fait, c’est l’entraînement : autoriser, donner du pouvoir d’agir aux acteurs de terrain".
"l’expérience employé"
Pierre E. Rodrigue, sous-ministre du ministère de la Cybersécurité et du Numérique au Québec, qui participait à distance à la table ronde, parle de son côté de "l’expérience employé". "Si l’on veut que les fonctionnaires rendent service à la population, il faut leur donner les outils technologiques, mais aussi la possibilité, au niveau local, d’ajuster le service aux besoins. C’est une sorte de liberté d’action par rapport au type de clientèle". Il rappelle qu’au Québec, "on est en Amérique du Nord, avec l’influence du secteur privé, et une vision plus mercantile des choses". "On regarde la transformation sous l’angle des bénéfices : réduire les coûts de l’administration, s’assurer que les citoyens en ont pour leur argent".
Autre piste suggérée pour "transformer l’action publique" : mettre les citoyens au cœur de cette transformation. Nadège Guiraud, directrice des programmes et des projets de l’association "La 27e Région", estime ainsi que "les citoyens doivent être associés dans tout le cycle des politiques publiques, et pas seulement au moment de leur conception". "Penser une administration partagée, ouverte, c’est la voie pour rendre plus désirable l’action publique", suggère-t-elle.
l’apport des laboratoires régionaux d’innovation
La transformation de l’action publique passe aussi par l’innovation, expliquent les participants à la table ronde. "Résoudre des problématiques de politique publique", c’est ce que fait au quotidien Benoît Vallauri, co-responsable du Ti Lab, laboratoire régional d’innovation publique breton. Il prend l’exemple des conséquences de la dématérialisation sur les populations les plus précaires, "un sujet un peu 'touchy'", sur lequel le Ti Lab a travaillé, en faisant appel à des chercheurs, qui ont apporté leur expertise scientifique.
"Nous avons ensuite élaboré des pistes de solution, en associant d’autres compétences : experts de l’ergonomie, designers…, expose Benoît Vallauri. Nous avons ensuite bâti des prototypes légers, qui ont été testés et évalués, jusqu’à arriver à un démonstrateur." Lui aussi souligne l’importance de travail avec les citoyens : "Ce sont les meilleurs experts de l’usage du service public". "On part du principe que l’usager n’est pas défectueux. Si ça ne marche pas, ce n’est pas du côté de l’usager qu’il faut regarder, mais du côté de la politique publique".
Sébastien Soriano met en garde contre "les faux amis" de la transformation. Il liste plusieurs fausses bonnes idées :
Nadège Guiraud apporte toutefois un bémol à la question de l’innovation : "Aujourd’hui, ce n’est pas compliqué de trouver des financements pour des projets innovants. C’est beaucoup plus difficile pour prendre soin du fonctionnement, de la maintenance, du quotidien des administrations", regrette-t-elle. "L’obsession du nouveau a parfois des effets contre-productifs", ajoute la représentante de la 27e région.
trop d’état, pas assez d’état ?
Autre point d’attention, pour Nathalie Colin : la place du citoyen. "Tout ne doit pas reposer sur lui. On doit l’associer, mais il faut savoir que l’on aura toujours des positions contradictoires, jamais de consensus. Le rôle de l’État, c’est de faire en sorte que la somme des intérêts particuliers devienne l’intérêt général". La DGAFP reconnaît qu’il est difficile de trouver un équilibre, en tant qu’agent du service public, dans "cette dialectique complexe", qui va du "trop d’État, de lourdeurs administratives" jusqu’au "mais que fait l’État ?". "On doit l’assumer", conclut-elle.
Quelles que soient les pistes évoquées, pour le ministre québécois, "faire de la transformation, c’est une question de survie". Il explique qu’au Québec, "la population augmente, vieillit, et veut de plus en plus de services". "Si l’on ne se transforme pas, on ne sera pas en mesure de fournir les services à la population". Pierre E. Rodrigue estime également que l’État "doit libérer les citoyens de l’esclavage du formulaire". "L’État dispose de beaucoup d’informations sur les citoyens ; c’est donc à lui d’offrir des services et des programmes aux citoyens, et non pas aux citoyens de trouver l’info, le formulaire approprié et les démarches à effectuer pour accéder aux différents services".
L’IRA de Nantes, créée par un décret du 29 juin 1972, fête cette année ses 50 ans. La célébration de cet anniversaire s’étendra du 1er février au 22 juin, par différentes actions : expos, portes-ouvertes, vidéos, etc.
Comme toutes les écoles de service public, l’IRA de Nantes connaît une baisse régulière et significative des candidats se présentant au concours. Depuis la réforme des IRA de 2019 (lire sur AEF info), l’institut organise deux sessions de concours par an, une dite de printemps, et une d’automne. En 2022, 1 686 candidats étaient inscrits à la première session (43 % présents aux épreuves écrites) ; 1 427 étaient inscrits à la seconde session (48 % présents aux épreuves écrites). La première session qui débute au 1er mars pour une pré-affectation en septembre comptait 80 élèves environ ; la seconde, qui a commencé au 1er septembre en vue d’une pré-affectation en mars prochain, totalise 88 élèves.
Il existe quatre autres IRA, implantés à Bastia, Lille, Lyon et Metz.
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Diane Scherer,
journaliste