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Faire disparaître à terme et "de façon législative, le concept même de formation sélective", raccourcir encore plus la procédure, expérimenter avec des formations volontaires "une transparence plus quantitative des critères définis et utilisés par les commissions d’examen des vœux" lors du classement des candidats… Voici quelques-unes des propositions formulées par le Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) dans son rapport annuel, publié le 2 février 2023. Gilles Roussel, son nouveau président, estime ainsi "qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent être améliorées".
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Gilles Roussel, président du comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP). © CPU
Le CESP rend public, le 2 février 2023, son cinquième rapport annuel
Le comité défend aussi, en toile de fond, un renforcement de l’accompagnement des utilisateurs de Parcoursup, et par l’humain. Il formule 18 recommandations.
La question du distinguo entre formations sélectives et non sélectives
S’appuyant sur le rapport publié en février 2022 et sur le constat de "l’importance prise par Parcoursup dans les débats", avec des "analyses, voire des propositions, souvent radicales", le comité explore plusieurs points sujets à tensions, notamment : la plateforme a-t-elle exacerbé la sélection ?
Pour le comité, "l’introduction par la loi ORE d’un classement dans toutes les formations conduit à s’interroger sur la pertinence du distinguo entre formation sélective et non sélective. Une étude internationale comparative des cadres réglementaires pourrait être riche d’enseignements". Il émet le besoin de réaliser des "études fines d’impact de la réforme sur la réussite dans toutes les formations non sélectives, en tension ou non".
Ainsi, le comité réitère une position déjà exprimée l’an dernier, indique Catherine Moisan pendant la conférence de presse : "Nous souhaitons qu’à terme, et de façon législative, le concept même de formation sélective disparaisse. C’est-à-dire toutes les formations classent leurs candidats".
Une position confortée par plusieurs éléments : en 2021, 19 500 formations ont été proposées sur la plateforme, à 85 % sélectives (soit 62 % du total des places). Dans le détail, 36 % des formations en université sont sélectives, pour la moitié en IUT. "Si l’on considère maintenant les licences non sélectives, il est exact que certaines d’entre elles n’accueillent pas tous les candidats car elles sont 'attractives' alors que d’autres ne sélectionnent pas leurs candidats car elles sont 'peu attractives'", reconnaît le comité. Les licences non sélectives ayant classé leurs candidats sans accueillir tout le monde sont 1 200, soit 6 % de l’offre de formation (19 % des places). Sont notamment concernés Pass, LAS, Staps et psychologie.
Le graphique ci-dessous permet de constater qu’en 2021, 37 % des places offertes dans Parcoursup l’étaient dans des formations "sélectives hors université".
Expérimenter plus de transparence sur les critères des Commissions
Former aux algorithmes au lycée. Autre débat récurrent et traité dans ce rapport : la place des algorithmes dans Parcoursup. La méconnaissance du public sur le sujet pousse le CESP à recommander "d’enseigner au lycée, de façon adaptée au niveau, les principes de l’algorithme d’appariement de Parcoursup (notamment en SNT et en NSI)", ainsi qu’aux enseignants de terminale.
"Veiller au bon équilibre entre la place de l’humain et celle des algorithmes". Sur le point cristallisant du classement des vœux, le CESP estime que l’algorithme de Parcoursup est "parfaitement transparent" et "l’usage de tableurs est indispensable pour éviter les erreurs et orienter l’attention des commissions sur les points importants […]. La décision reste à l’humain, même si cette décision peut être empreinte d’une certaine subjectivité", estime le CESP. Il recommande ainsi de "veiller au bon équilibre entre la place de l’humain et celle des algorithmes" et que "les attendus soient clairement portés à la connaissance des utilisateurs".
Être plus transparents sur les coefficients. La position du comité est en revanche différente concernant les "algorithmes locaux". "Plutôt que des algorithmes, ceux-ci sont en fait des feuilles de calcul qui classent, en partie, les candidats à partir des critères choisis par les membres de la CEV", rappelle le CESP, qui indique que plusieurs interlocuteurs, notamment des personnels de lycées, demandent "plus de transparence". "Il n’est pas question ici de rendre public la totalité des calculs des CEV, parfois ajustés d’une année sur l’autre en fonction de l’éventail du profil des candidats, ni de quantifier des éléments parfois qualitatifs rentrant en jeu dans les délibérations. Mais d’importants progrès sont possibles : quand une note de mathématiques a un coefficient 5 dans un pré-classement, pourquoi ne pas le dire ?", plaide le comité dans le rapport. "Parmi les formations pour lesquelles ces barèmes sont très transparents en donnant les coefficients de différentes épreuves, sans dire tout ce qui se fait, il y a notamment les Staps", fait remarquer Catherine Moisan pendant la conférence de presse. Une "lisibilité" de la part des Staps déjà mise en avant par l’IGESR (lire ici et là).
Le CESP propose ainsi la recommandation suivante : "Expérimenter avec des formations volontaires de type différents (CPGE, BUT, licences, etc.) une transparence plus quantitative des critères définis et utilisés par les CEV pour classer leurs candidats dès 2024 et analyser les résultats".
Encore accélérer la procédure
Avancer la date de la hiérarchisation par les candidats. Alors que la durée de la procédure a déjà diminué d’un tiers entre 2019 et 2022 (lire sur AEF info), le CESP la juge encore "trop longue", soulignant le stress qu’elle induit chez les candidats. Notamment ceux issus des bac technologiques et professionnels, qui attendent généralement plus souvent que les bacheliers généraux avant d’obtenir une proposition (lire sur AEF info). Ainsi, le CESP rebondit sur une nouveauté de l’an dernier : l’instauration d’un classement des vœux en fin de phase principale (lire sur AEF info). Et recommande, "pour accélérer la procédure, d’avancer la date de la hiérarchisation, par les candidats, de leurs vœux restant en attente aux alentours du 15 juin, et pas avant".
Mais quelle est la méthode de hiérarchisation la plus efficace ? Pour y répondre, le CEP recommande ceci : "établir un programme pluriannuel d’études et de recherche, dont notamment une étude de faisabilité sur une hiérarchisation des vœux restant en attente par 'paquets', afin d’en estimer les avantages mais aussi les difficultés de mise en œuvre pour l’expliquer aux candidats ; une étude qualitative sur les préférences des candidats, sur les contraintes, notamment matérielles, et sur les phénomènes psychologiques, notamment le stress, qui interviennent au cours de la procédure et impactent l’acceptation de telle ou telle formation".
Comment Déterminer l’offre de formation ?
Une méthode pour fixer les capacités d’accueil. "Le CESP regrette que sa proposition d’établir une méthodologie de fixation des capacités d’accueil des formations supérieures, faite dans le rapport précédent, n’ait pas été suivie d’effets à ce stade." Ainsi, bien qu’il y ait "consensus pour reconnaître que l’offre de formation du supérieur est insuffisante par rapport à la demande de poursuite d’études et qu’il faut augmenter les capacités d’accueil", le comité estime que l’offre de formation "ne peut pas être déterminée par la seule demande étudiante".
"Sans tomber dans 'l’adéquationnisme', les capacités d’accueil doivent évidemment aussi tenir compte des possibilités d’insertion et des évolutions prévisibles de l’emploi", ainsi que les contraintes des locaux des établissements et leur stratégie vis-à-vis de la recherche, selon lui.
Avancer sur le continuum Bac-3/+3
Donner plus de marge de décision aux recteurs. S’il y a bien des "avancées" sur le sujet du continuum bac-3/+3, le comité estime que "d’une manière générale le supérieur et le secondaire sont des mondes qui s’ignorent partiellement au-delà de relations purement formelles ou institutionnelles". Les rectorats "devraient pouvoir jouer un rôle majeur" sur ce chantier, mais "le bilan reste mitigé et les observations du CESP rejoignent les constatations de l’IGÉSR", indique le rapport. Le souhait d’une "déconcentration partielle" avec plus de marge de décision laissée aux recteurs est renouvelé. "C’est le Draio qui est souvent l’interlocuteur privilégié de l’administration centrale et du chef de projet Parcoursup, sans relation toujours organisée avec le service statistique ou avec les inspecteurs", est-il constaté.
Les régions s’impliquent aussi "relativement peu", selon le comité, et "ne jouent pas le rôle qu’elles revendiquent parfois et qu’elles pourraient jouer compte tenu de leurs missions (orientation, gestion des lycées, tutelle des Ifsi, carte de la formation professionnelle, participation à la planification de l’enseignement supérieur)". Pour le CESP, elles "souffrent vraisemblablement dans ce domaine du même cloisonnement et du même fonctionnement en silo que l’État".
Par ailleurs, sur le continuum -3/+3, le CESP formule plusieurs recommandations :
La gestion des données d’appel
Le surbooking d’appel. Le comité revient aussi sur une proposition de l’année précédente : réaliser "un 'surbooking' d’appel pertinent dans les formations sélectives qui ne remplissent pas et ne vont pas au bout de leur liste d’appel". Il note "le travail remarquable réalisé en 2022 pour les Ifsi [qui] a montré qu’une automatisation de l’appel en surnombre assuré par la plateforme sur des bases statistiques permettrait d’améliorer le dispositif". En revanche, il estime que la "généralisation d’une telle solution déresponsabiliserait les formations", poussant plutôt une solution "s’appuyant sur l’humain", outil à la clé.
Suivre les données d’appel. Ainsi, le comité recommande : "Suivre et réguler, dans chaque région académique, la gestion des données d’appel par les établissements de façon à admettre plus de candidats. Autoriser les licences non sélectives qui ne pouvaient pas faire le plein depuis trois ans à faire un appel par bloc de tous les candidats dès le premier jour, sans les classer, sous la responsabilité de l’établissement".
Les outils de pilotage des données sont insuffisamment développés
Pas d’outil de pilotage par les données. Le CESP reconnaît que les données issues de Parcoursup sont nombreuses et largement mises à disposition du public, notamment les chercheurs. Mais elle ne s’est pas traduite par "la production d’outils de pilotage". "Il manque fondamentalement un programme pluriannuel de mise en commun de données et d’études, établi conjointement par les deux services statistiques ministériels [Depp et Sies] et intégrant les besoins des services académiques et des établissements. Les régions académiques doivent également développer une capacité d’études autonome."
Pas de projections des effectifs au niveau régional. Ainsi, le comité "s’étonne" qu’il "n’existe pas de projections au niveau académique ou régional sur l’évolution, par bassin de recrutement, des effectifs dans l’enseignement supérieur ou que l’intégration des données de Parcoursup dans Apae ne soit pas considérée comme une priorité". Par corollaire, "la réflexion collective entre l’État et les régions sur le maillage territorial souhaitable de l’ESR et sur l’offre de formation ne s’est pas vraiment exercée".
Le CESP consacre une partie de son rapport à la région Paca, après avoir traité la Bretagne l’an dernier. "L’offre est caractérisée par un poids faible des formations courtes professionnalisantes (30 % des places, 40 % dans de nombreuses régions). Les IUT et les Ifsi manquent de places pour accueillir tous ceux qui le souhaitent et qui sont classés. La situation est différente pour les STS : l’offre en apprentissage a fortement augmenté et même dépassé celle des capacités d’accueil étudiantes en 2022", indique le rapport, qui note également une "ségrégation sociale marquée entre lycées publics et privés".
Les autres recommandations
Plusieurs recommandations concernent les personnes en reprise d’études et les études de santé et de droit. Ces sujets feront l’objet de dépêches ultérieures.
Pour les réorientés et la reprise d’études
Les études de santé
Le comité appelle à "améliorer l’information relative aux études de santé sur la plateforme" avec plusieurs mesures :
Pendant la conférence de presse, le CESP a notamment annoncé vouloir se pencher sur les conséquences de la réforme des BUT dans son rapport de l’an prochain, comme il l’a fait avec les études de santé.
La problématique du référencement des formations du privé et l’apprentissage devrait aussi être examinée, notamment à la lumière de "l’augmentation de l’offre [21 000 formations en 2023] et son référencement. L’information peut tuer l’information. Nous avons pu repérer certaines formations dont on se demande ce qu’elles font sur Parcoursup ", reconnaît Gilles Roussel, le président du CESP. Élisabeth Borredon raconte aussi avoir reçu des témoignages de proviseurs qui hésitent à emmener leurs lycéens dans les forums "car l’information n’est pas souvent de bonne qualité, et beaucoup de structures privées viennent avec de la publicité mensongère et une promesse d’avoir facilement un diplôme". Le comité compte ainsi regarder comment une formation intègre Parcoursup.
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Camille Mordelet,
journaliste