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"Malgré de brillantes exceptions, la recherche scientifique en France, et en particulier dans le domaine biomédical, est en recul : insuffisance de moyens, organisation complexe, administration lourde, stratégie peu lisible etc.", juge Alain Fischer, président de l’Académie des Sciences dans son rapport intitulé "la recherche médicale en France : bilan et propositions", publié mercredi 18 janvier 2023
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Alain Fischer dresse un constat sans appel de la situation de la recherche médicale en France. Droits réservés - DR
Dans son rapport sur "la recherche médicale en France : bilan et propositions", publié mercredi 18 janvier 2023, Alain Fischer, président de l’Académie des sciences et de l’Institut Imagine, met en avant "un affaiblissement progressif de la recherche française" qui conduit à "un décrochage dans les domaines de la biologie et de la santé".
"envisager un plan d’action visible et durable"
Il identifie plusieurs causes : "l’insuffisance de moyens, une organisation complexe, une administration lourde, une stratégie peu lisible et un monde hospitalo-universitaire en difficulté". Fort de cette analyse, Alain Fischer appelle à "envisager un plan d’action, visible et durable pour promouvoir les activités de recherche en France". Ce plan devrait comporter une "revalorisation progressive du financement de la recherche en s’inspirant de l’effort accompli par l’Allemagne au cours de ces vingt dernières années et ce, en gardant à l’esprit le caractère primordial de la recherche fondamentale".
Alain Fischer établit plusieurs constats :
la lpr est le plan innovation santé 2030 "ne sont pas à la hauteur des enjeux"
"Malgré de brillantes exceptions, force est de constater que la recherche scientifique en France, et en particulier dans le domaine biomédical, est en recul, comme l’attestent ces nombreux indicateurs", résume Alain Fischer. "L’application de la loi pluriannuelle sur la recherche et le plan Santé 2030 constituent des tentatives de réponses mais qui ne paraissent à la hauteur des enjeux, ni sur le plan financier, ni sur les plans organisationnel et stratégique", juge-t-il par ailleurs.
En outre, si "l’augmentation sensible du budget de l’ANR doit être saluée, elle ne s’accompagne pas d’un effort similaire en ce qui concerne les dotations récurrentes des laboratoires de recherche actuellement si faibles". "Il en résulte que le déséquilibre entre financement de la recherche par projet et financement récurrent va encore s’accentuer, un choix discutable", estime le président de l’Académie des sciences. "Il nous semble nécessaire de rétablir un meilleur équilibre en augmentant significativement les dotations d’équipes", indique le rapport.
transformer les organismes en agence de moyens ?
Comme beaucoup d’autres avant lui, Alain Fischer dénonce le mille-feuille à la française, "dont la complexité atteint son paroxysme en biologie-santé". "Simplifier et mieux organiser le parcours de recherche en sciences de la vie et médecine nous paraît une action prioritaire", assure-t-il. L’une des solutions de simplification envisagée serait de "confier à l’Inserm une mission globale couvrant l’ensemble du champ de la santé sous forme d’une agence de moyens réunissant, en plus de la dotation de l’Inserm (qui doit être réévaluée à la hausse), les fonds de recherche de l’ANRS-MIE, de l’INCa et du PHRC". "Sa capacité d’action serait incomparablement supérieure à celle d’Aviesan, entité de coordination inter-organismes mais qui n’a guère de moyens d’action", pointe-t-il par ailleurs.
"Si l’Inserm et le CNRS sont transformés en agence de moyens, les universités sont-elles toutes en situation d’agir comme opérateur ?", s’interroge Alain Fischer qui appelle de ses vœux "une expérimentation". "Nous proposons de confier le financement par projets à l’Inserm, au CNRS et autres établissements de recherche et Epic dans leurs champs disciplinaires respectifs", poursuit le président de l’Académie des sciences. "Une telle décision réduirait considérablement la mission de l’ANR, mais elle aurait l’avantage de simplifier le paysage du financement de la recherche qui passerait de trois entités (universités, EPST et ANR) à deux, comme c’est le cas dans les autres pays développés."
Alain Fischer formule douze propositions :
DES SALAIRES "modestes"…
Après les constats, Alain Fischer analyse les causes du retard français et pointe notamment la "faible attractivité des carrières de recherche". Selon lui, les salaires des métiers de la recherche sont "modestes, de la thèse aux directeurs de recherche et professeurs des universités". "Les salaires de début de carrière semblent inappropriés au vu du nombre d’années d’études et des concours à passer pour accéder à un poste de chargé de recherche, et au regard aussi des lourdes tâches d’enseignement des MCU", estime-t-il.
Ainsi, les meilleurs étudiants se "détournent de plus en plus de la recherche, et s’orientent après le baccalauréat majoritairement vers les écoles d’ingénieurs qui ne dirigent que peu d’entre eux (hors exceptions brillantes) vers une formation à et par la recherche". "Cela est d’autant plus regrettable qu’il existe en France une bonne tradition de formation scientifique dans l’enseignement supérieur universitaire."
…et inférieurs à ceux pratiqués en Allemagne ou au Royaume-Uni
"La comparaison des salaires des chercheurs français avec ceux pratiqués en Allemagne ou au Royaume-Uni indique que les rémunérations sont sensiblement moins élevées en France en début de carrière", signale Alain Fischer. Ainsi, "alors qu’un maître de conférences ou un chargé de recherche bénéficie d’environ 2 000 € nets mensuels en début de carrière, son homologue anglais (senior lecturer) bénéficie de 2 600 € nets. En fin de carrière, la rémunération maximale d’un professeur britannique demeure supérieure à celle d’un professeur d’université ou de directeur de recherche au dernier échelon français."
"Le HCERES est en charge de l’évaluation des équipes de recherche et des universités. Les procédures, bien qu’elles aient été récemment en partie simplifiées, restent assez lourdes", considère Alain Fischer. De plus, les conséquences pratiques de ces évaluations, leur impact sur l’évolution et le financement des équipes sont "insuffisants eu égard aux efforts déployés". "À noter que certains pays, comme l’Allemagne n’ont pas d’agence dédiée à l’évaluation", précise-t-il.
"De facto, les équipes sont évaluées trop fréquemment, et l’évaluation est en partie (par facilité) fondée excessivement sur des critères bibliométriques quantitatifs, plutôt que qualitatifs (impact réel des publications scientifiques…)", juge Alain Fischer qui rappelle que de "nombreuses entités de recherche (instituts) disposent d’un scientific advisory board, source de doublon d’évaluation avec celle du HCERES".
"Globalement, cette évaluation est sans conséquences suffisantes", assure-t-il. En réalité, les bonnes équipes "sont freinées par une évaluation trop fréquente, tandis que les équipes moins performantes parviennent à survivre, alors qu’elles devraient être refondées".
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Julien Jankowiak,
journaliste