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"Si la rémunération ne constitue qu’un des leviers de l’attractivité de la fonction publique […], le gel de la valeur du point d’indice sur le temps long a fini par rendre quasi inopérants les autres leviers d’actions, notamment, l’attrait pour les missions", estime le think tank Sens du service public, dans une contribution analysant "les effets dans le temps du gel de la valeur du point d’indice" de 2010 à 2022, publiée le 16 janvier 2023. Il propose d’instaurer une formule d’indexation de la valeur du point d’indice qui "garantirait une rémunération évolutive".
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Sens du service public estime nécessaire d'"instaurer un véritable mécanisme d'ascension salariale au cours de la carrière" "pour répondre à la problématique de l'attractivité salariale des métiers". © freepik
La littérature est foisonnante sur les effets du gel de la valeur du point d’indice de la fonction publique durant près de dix ans (de 2010 à 2022, hormis la revalorisation de 1,2 % consentie sur 2016 et 2017). Mais le think tank Sens du service public a cherché, dans une contribution relative à la rémunération des agents publics, publiée lundi 16 janvier, à objectiver "les principaux enseignements dans le temps du gel de la valeur du point d’indice" durant près de dix ans. Cette contribution ne doit rien au hasard, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, devant ouvrir prochainement, une fois l’agenda social 2023 stabilisé, le chantier des carrières et des rémunérations.
En effet, pour Sens du service public, "si la rémunération ne constitue qu’un des leviers de l’attractivité de la fonction publique, […] le gel de la valeur du point d’indice sur le temps long a fini par rendre quasi inopérants les autres leviers d’actions, notamment, l’attrait pour les missions". Plus que l’évolution et le niveau même de la rémunération, c’est "la problématique du pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation", mais surtout "la considération que les pouvoirs publics accorde aux agents publics" qui compte.
Une volonté de transformer les rémunérations vouée à l’échec
"Cantonner la politique salariale à la maîtrise des dépenses publiques témoigne de l’absence de politique RH et n’offre ni visibilité aux employeurs publics, ni un contrat de confiance aux agents publics", estime en effet le groupe de réflexion selon lequel, "les politiques salariales des fonctionnaires ont évolué selon deux objectifs depuis le début des années 2000". Tout d’abord, leur couplage avec la maîtrise des dépenses publiques. Ensuite, la volonté "de transformer l’architecture de la rémunération tenant compte du grade vers une rémunération orientée sur le métier".
Or, si le premier objectif a été rempli de facto avec le gel de la valeur du point d’indice, cette approche a entraîné "une perte de pouvoir d’achat et soulève aujourd’hui de réels problèmes d’attractivité". Quant au second objectif, c’est un "quasi-échec", tranche la note. "La complexité des mécanismes de rémunération rend l’architecture peu lisible et peu incitative dès lors que les classifications par métier (répertoire des métiers et dictionnaire interministériel des métiers et des compétences) se superposent aux grades sans être couplés aux enjeux salariaux.
Tassement des grilles
Certes, "malgré le gel du point pendant plus de dix ans, l’évolution de la rémunération des agents publics est restée positive notamment du fait des augmentations individuelles (avancements de grades, avancements d’échelons, promotions internes) et catégorielles (créations de primes spécifiques, PPCR, aménagements de grilles pour certaines catégories de métiers comme le Ségur, le Grenelle de l’éducation, le Beauvau de la sécurité…)", reconnaît la note. Ainsi, entre 2013 et 2020, le salaire moyen net a-t-il progressé de 8,83 %. Mais, au gré des mesures de grille et ciblées sur certains métiers, le système s’est complexifié, nuance le think tank. Par ailleurs, si le salaire médian du public reste supérieur à celui du privé sur la période, sa progression a été moindre (9,91 % contre 13,72 % dans le privé). Et le salaire moyen reste, lui, inférieur.
Surtout, le pouvoir d’achat des agents publics ne cesse de s’éroder. Et ce n’est pas l’augmentation de 3,5 % de la valeur du point d’indice consentie le 1er juillet 2022 qui va compenser cette érosion puisqu’elle "intervient dans un contexte d’inflation importante (5,9 % sur un an en 2022) et après dix années de gel". Le groupe de réflexion rappelle à cet égard l’inexorable tassement des grilles – en dépit de mesures correctrices régulières –, dont les plus bas salaires décrochaient régulièrement du Smic avant que le gouvernement ne décide, fin 2021, d’aligner la revalorisation des plus bas indices sur celle du Smic (lire sur AEF info).
Corollaire, "une part de plus en plus importante des premiers échelons des catégories C et B est rémunérée au Smic. Ceci provoque un sentiment de stagnation pour les jeunes agents et engendre pour les plus anciens une très forte réduction du différentiel salarial lié à l’ancienneté", constate Sens du service public. "Un agent de catégorie B au 1er échelon perçoit une rémunération indiciaire supérieure de 14,55 euros par rapport au Smic", illustre-t-il, ceux situés entre les 1er et 8e échelons percevant "une rémunération indiciaire supérieure de 7 euros par rapport au Smic".
Principale cause du manque d’attractivité
Cette lente mais régulière progression du pouvoir d’achat des agents pèse sur l’attractivité, même si ce n’est bien sûr pas le seul facteur. Sens du service public rappelle la baisse du nombre de candidats aux concours, qui entraîne elle-même un recul de la sélectivité. Alors que "dans un contexte d’inflation, la rémunération devient le critère numéro 1 des candidats pour rejoindre une entreprise", elle est constituée inversement "la principale raison du manque d’attractivité des métiers publics", selon 71 % des 1 284 personnes sondées en décembre dernier sur LinkedIn par le think tank.
Par conséquent, "le retour de l’inflation doit réinterroger cet arbitrage politique et admettre la pertinence d’une formule d’indexation des salaires sur la base d’un indicateur partagé entre les employeurs publics et les partenaires sociaux, pour éviter les à-coups salariaux", préconise la note. Sens du service public ne propose pas d’indexer la valeur du point sur l’inflation mais de réfléchir à une formule d’indexation de la valeur du point qui "donnerait davantage de visibilité pluriannuelle aux agents et employeurs publics et garantirait une rémunération évolutive". "Pour répondre à la problématique de l’attractivité salariale des métiers, il faut instaurer un véritable mécanisme d’ascension salariale au cours de la carrière", insiste-t-il.
Le groupe de réflexion estime également nécessaire de "réinterroger l’architecture des rémunérations" ce qui "renvoie à la question de la rémunération à la performance collective". "Cette faculté, ouverte par la loi au travers du complément individuel annuel, pourrait en se basant sur des critères négociés avec les organisations syndicales, constituer un levier managérial important permettant d’instaurer l’équivalent d’un intéressement collectif dans la fonction publique", défend-il. Et d’en appeler à Stanislas Guerini, dont le chantier à venir sur les rémunérations devra notamment corriger les inégalités de salaires entre les femmes et hommes, dont l’écart est estimé encore aujourd’hui à 12 %.
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Clarisse Jay,
journaliste