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Il faut mieux personnaliser les parcours des lycéens professionnels souhaitant poursuivre leurs études et leur donner "plus que ce que les programmes permettent", avec des modules spécifiques, estiment les intervenants d’un débat organisé par AEF info le 6 janvier 2023 sur l’orientation de ces bacheliers. David Hélard (IGESR), Isabelle Marchand (proviseure), Bénédicte Durand (rectrice ESRI), François Bonneau (Régions) et Arnaud Laimé (Paris-VIII) considèrent que ce public "vulnérable" a besoin de parcours plus souples et que l’enseignement supérieur doit adapter sa pédagogie. Autre levier : bâtir un réseau d’acteurs.
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Alors que "65 % des candidats au bac professionnel demandent à intégrer un BTS, seuls 35 % d’entre eux vont effectivement en intégrer un ; et parmi ces inscrits, près de la moitié n’obtiendra pas son diplôme", regrette Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, à l’ouverture des Rendez-vous de l’éducation, organisés par AEF info le 6 janvier 2023, dans le cadre du Salon Postbac à la Grande Halle de la Villette à Paris
Pour la ministre déléguée, il s’agit de "porter l’égalité des chances comme valeur cardinale, pour placer le jeune au centre de son propre parcours". Afin de lutter contre "le déterminisme familial, la trop faible mobilité sociale et l’orientation subie" (lire sur AEF info), Carole Grandjean souhaite, pour chaque lycéen, "la solution la plus individualisée possible". Alors que les groupes de travail installés en octobre dernier clôturent leur réflexion à la fin du mois, une première synthèse de leurs travaux sera faite "dans les semaines à venir" (lire sur AEF info).
En dix ans, la part de bacheliers professionnels qui s’orientent dans l’enseignement supérieur est passée de 34 % à 46 %. Mais leur taux de réussite reste faible, quelle que soit la formation. Comment mieux accompagner les lycéens professionnels qui choisissent de poursuivre leurs études, et leur permettre de mieux réussir ? David Hélard, IGESR et responsable du pôle "voie professionnelle et apprentissage", Isabelle Marchand, proviseure du lycée des métiers du bâtiment Gustave Eiffel de Cernay (Haut-Rhin), Bénédicte Durand, rectrice déléguée à l’ESRI de la région académique d’Île-de-France, Arnaud Laimé, VP CA de l’université Paris-VIII Vincennes Saint-Denis, et François Bonneau, président de la commission éducation de Régions de France et président de la région Centre-Val de Loire, ont débattu de ces questions.
Personnaliser les parcours, mais garder de la "lisibilité" (David Hélard)
David Hélard, qui coordonne les groupes de travail dans le cadre de la future réforme du lycée professionnel (lire sur AEF info), rappelle que l’organisation de l’offre de formation se pense selon le principe de liberté de choix : "Au lycée général, cette liberté s’exprime par la possibilité donnée aux jeunes de composer leur bac en choisissant un enseignement de spécialité". Or, dans la voie professionnelle, "cette liberté de choix s’exprime différemment", souligne l’IGESR. En effet, "la voie pro mène à des diplômes professionnels qui ont un double objectif : l’insertion professionnelle directement après le diplôme, ou la poursuite d’études". Mais, rappelle-t-il, "tous les lycéens n’expriment pas la volonté de poursuivre des études" et certains préfèrent s’insérer professionnellement.
Il faut alors "prendre en compte ce double objectif dans l’organisation de la formation que nous proposons à ces jeunes, donner des marges de manœuvre aux établissements pour proposer ces deux orientations, et les personnaliser au regard du projet poursuivi par le jeune". Tout en veillant à ce que, dans ce "foisonnement d’opportunités", "les jeunes soient accompagnés, et que cela reste lisible". D’autant plus, ajoute François Bonneau, qui, en tant que président de région, voit "l’autre face", celle des entreprises qui "ont des attentes en termes de compétences".
donner "plus que ce que les programmes permettent" (Isabelle Marchand)
Pour personnaliser les parcours, la réforme de 2018 de "transformation de la voie pro" a mis en place des modules personnalisés (lire sur AEF info). Selon Isabelle Marchand, "l’accompagnement personnalisé existait depuis longtemps déjà au sein des lycées professionnels", et "les modules de terminale portant sur l’insertion professionnelle ou la poursuite d’études ont été mis en place", même si, "avec le Covid, le recul est encore assez faible".
Mais, précise la proviseure, "on n’attend pas l’année de terminale pour repérer les bacheliers pour lesquels on estime que la poursuite d’études sera un réel gain. C’est dès la seconde, avec des modules très spécifiques, sur la poursuite d’études en maths, en sciences ou en français". "Pour que nos bacheliers réussissent, il faut leur donner un peu plus que ce que les programmes et les heures permettent".
Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l’Onisep, a évoqué, en ouverture de la matinée, le programme Avenir(s) (lire sur AEF info) et annoncé la sortie, en mars 2023 à l’occasion du Printemps de l’orientation, d’un module du programme nommé "Cart’O". Orienté sur la voie professionnelle, il est "issu d’un challenge éducation qui a été gagné par la start-up Millionroads et permettra de visualiser les chemins très variés possibles après un premier temps de formation ou pour arriver à une formation visée". Autrement dit, un outil "pour se projeter" et dans la droite ligne de l’objectif d’individualiser les parcours.
"L’accès au supérieur est une combinaison de facteurs" (B. Durand)
En plus de ces questions d’accompagnement personnalisé, s’ajoutent d’autres facteurs dans la réussite des lycéens professionnels, précise Bénédicte Durand, rectrice déléguée à l’ESRI de la région académie d’Île-de-France : "La réussite dans l’enseignement supérieur dépend aussi des conditions de vie : le transport, la qualité du logement, ou encore les dynamiques d’autonomie de ces étudiants. L’accès au supérieur résulte d’une combinaison de facteurs, or les bacheliers professionnels concentrent souvent le maximum de difficultés."
Un travail est notamment à mener sur la mobilité : pour David Hélard, il faut "développer l’envie de mobilité chez les jeunes. Plusieurs leviers existent pour cela, comme l’accueil dans un autre établissement lorsque le stage est dans un lieu éloigné". Travailler sur les réseaux de transports, développer l’offre d’hébergement dans les lycées, solliciter les milieux associatifs… "Il faut vraiment avoir une action collective sur ce sujet".
Autre levier identifié par Bénédicte Durand : le jeune doit "pouvoir se projeter sur sa mobilité, et il doit pouvoir bénéficier d’un environnement social : les Crous sont des acteurs à mobiliser pour informer ces lycéens".
Pour ce public "plus fragile", l’université Paris-VIII "adapte sa pédagogie" (A. LaimÉ)
Les bacheliers professionnels ont aussi "besoin de dentelle". Ils ont en effet "un rapport au métier et à l’insertion professionnelle qui se pose à eux", mais ces deux sujets se posent également "aux structures de l’enseignement supérieur" qui doivent prendre en considération la combinaison de ces deux enjeux : la formation académique et professionnelle, précise Arnaud Laimé.
L’enseignement supérieur "a pour mission de s’engager très précisément sur ce public", souligne la rectrice, qui met aussi en avant certains dispositifs en faveur des lycéens pro : "Les voies d’accès à l’enseignement supérieur ont été ouvertes, avec des quotas de places réservées en STS pour ces bacheliers". Ce qui n’a pas été fait, c’est "d’inventer une pédagogie qui croise tous ces enjeux, ceux de l’enseignement supérieur et les enjeux professionnels, avec les désirs des jeunes". L’enseignement supérieur a des atouts, à l’instar de l’université de Cergy-Pontoise, qui a mis en place des bac+1 qui jouent le jeu de l’apprentissage, dans les métiers de la sécurité, du conseil clientèle ou de la gastronomie, et qui accueillent des bacheliers professionnels, avec un parcours sécurisant". Les universités "inventent des dispositifs spécifiques pour ces étudiants, c’est un mouvement à encourager".
Arnaud Laimé, dont l’université accueille environ 10 % de bacheliers professionnels, abonde : Paris-VIII "s’adapte pour les accueillir, et surtout sa pédagogie". L’université a ainsi mis en place une "licence+1" en musique et en sciences du langage. Ces dispositifs visent à "donner plus que ce que les programmes peuvent donner". Autre dispositif : un diplôme qui consiste à construire l’orientation en cours de L1 avec les étudiants en décrochage, pour valider un premier diplôme sur cette première année, afin, ensuite, de les "orienter vers des filières leur correspondant davantage". Mais ces dispositifs sont "très gourmands en termes d’heures et de disponibilité des enseignants".
"faire en sorte que les acteurs du supérieur rencontrent ceux du secondaire" (D. Hélard)
Autre piste évoquée pour faire réussir les lycéens professionnels : plus de lisibilité dans les formations. D’autant plus, selon François Bonneau, que "les entreprises ont du mal à vivre dans cette complexité". Il faut dès lors "construire un réseau d’acteurs, solidaires, qui gère la complexité et accompagne les élèves". C’est "le jeu des acteurs qui peut permettre la lisibilité, par des stages, des accompagnements dans l’entreprise et dans le lycée pro".
Selon Bénédicte Durand, "le monde du diplôme et de l’insertion professionnelle évolue tellement vite qu’on ne sera jamais en capacité de donner, tous les six mois, le guide du bon diplôme pour aller dans le bon emploi". Les bacheliers, en fonction de leurs parcours, de leur dynamique sociale, "doivent donc pouvoir trouver des acteurs du premier cycle de l’enseignement supérieur, et des acteurs qui ont l’habitude de travailler ensemble, dans l’orientation et la réorientation". Ce premier cycle "ne se construit pas sans l’enseignement secondaire, sans les chefs d’établissements, nous avons un enjeu partagé d’accès à l’enseignement supérieur, en particulier des bacheliers pro".
Pour faciliter ces interactions entre différents acteurs, David Hélard estime qu’il faut faire en sorte que les enseignants du supérieur rencontrent ceux du secondaire, et qu’ils puissent se faire confiance. "Les projets d’orientation active, qui vont imbriquer ces différents acteurs, doivent être encouragés".
Isabelle Marchand, en tant que chef d’établissement, "ne peut que souscrire à cette dynamique d’échanges en réseau, mais l’institution doit encore travailler à être plus souple". Le cadre est aujourd’hui "trop strict, il faut pousser ces portes". Bénédicte Durand confirme qu'"il faut "contourner les rigidités", et, pour cela, "les CMQ mettent autour de la table des acteurs qui ne se parlent pas assez souvent". Autre avantage de ces campus, selon François Bonneau : "Ils permettent une continuité entre le supérieur et le secondaire".
Le système des "petits pas" : "plus de souplesse" dans les parcours vers le supérieur (F. Bonneau)
Autre "souplesse" réclamée par les intervenants, cette fois concernant les parcours. Pour François Bonneau, le système en France est "trop manichéen", et il regrette que, lorsque le passage d’un élève dans le supérieur se conclut par un échec, les dispositifs réglementaires généraux ne permettent pas d’aller directement sur d’autres formations. Il faut "de la souplesse, au nom de la liberté et de l’enrichissement". Et les acteurs de la table ronde de constater la "stratégie des petits pas" des élèves de la voie professionnelle dans les parcours vers l’enseignement supérieur.
"On a trop tendance à penser", détaille David Hélard, "à un parcours continu, du collège aux qualifications vers l’enseignement supérieur. Or, il ne faut pas s’interdire de penser des parcours empruntant la voie pro, puis l’insertion, puis revenir en formation via la VAE, par exemple pour monter en qualification plus facilement".
Arnaud Laimé ajoute encore que les études sociales montrent d’ailleurs que les élèves passés par l’enseignement supérieur, même en sortant sans diplôme, en bénéficient tout de même. "On peut profiter des outils offerts dans le supérieur, de l’accompagnement social, on construit un référentiel qui reste vif et incite à revenir vers le supérieur".
Quelle est la part de bacheliers professionnels et technologiques ayant reçu une proposition en phase principale sur Parcoursup ? Comment évolue la poursuite d’études de ces bacheliers, et réussissent-ils dans l’enseignement supérieur ? Plusieurs dépêches AEF info du fil Data Sup-Recherche, en accès libre, analysent les données :
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Elise Le Berre,
journaliste