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Comment mieux réformer l’État ? Sébastien Soriano et Vincent Feltesse proposent, dans une note publiée ce 31 mai 2022 par le think tank Terra Nova une approche "profondément renouvelée de la réforme de l’État". Selon les deux hauts-fonctionnaires, "la réforme de l’État menée depuis 30 ans a essentiellement procédé d’un rétrécissement de ce dernier, au profit du marché, des collectivités territoriales et de l’Europe". Ils formulent cinq séries de propositions. Ils préconisent notamment de "passer de la réforme de l’État à la fabrique des réformes".
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La note de Terra Nova propose de définir une "stratégie RH face aux crises de vocation et au risque de dépendance accrue au privé". Pixabay - geralt
Peut-on réformer la réforme de l’État ? C’est ce que proposent Sébastien Soriano et Vincent Feltesse dans leur note intitulée "Services publics et transitions : réformer la réforme de l’État" publiée par Terra Nova ce mardi 31 mai. Pour les deux hauts fonctionnaires, respectivement directeur général de l’IGN et ancien président de la métropole de Bordeaux
Ils proposent par conséquent, au travers de cinq séries de propositions, de repenser en profondeur le mode opératoire de l’État, d’abandonner "le mythe du recentrage et de l’État stratège" et d’en finir avec les réformes de l’État menées depuis 30 ans dont les recettes ont montré leurs limites.
Des "États généraux du service publics"
De fait, estiment Sébastien Soriano et Vincent Feltesse, la réforme de l’État "menée depuis 30 ans a essentiellement procédé d’un rétrécissement de ce dernier, au profit du marché, des collectivités territoriales et de l’Europe", estiment les deux auteurs, citant la vogue du concept anglo-saxon de new public management inspiré du monde de l’entreprise des années 90, le désarmement progressif de l’État "opérateur" et la fragilisation "opérationnelle de fonctions essentielles du service public (éducation, justice, santé…)" et le développement de l’État "financeur" qui "s’est développé au risque d’une inefficacité relative (sous-traitance au privé, multiplicité des appels à projets, flou des frontières avec les collectivités locales…)". Quant à l’État "régulateur", il "ne s’est pas encore totalement adapté aux nouveaux enjeux".
Les auteurs proposent donc tout d’abord de "penser un 'futur souhaitable de l’État', en tournant la page de la réforme de l’État menée depuis trente ans", ce qui revient à changer la façon dont "on pense l’État", à se poser la question, en somme, de savoir quel État souhaitent les citoyens. Selon eux, "désormais, il nous faut penser un État pour les transitions (écologiques, numériques, démocratiques…)", planifier les politiques afin notamment de dépasser "le seul prisme budgétaire dans le pilotage des administrations" et de définir une "stratégie RH face aux crises de vocation et au risque de dépendance accrue au privé".
Ils proposent par conséquent "d’organiser des 'États généraux du service public', pour dépasser les techniques du new public management des années 1990 et mettre en délibération une nouvelle 'Doctrine d’action publique' engageant à la fois le personnel politique et la technostructure".
"Réinvestir dans l’opérationnalité de l’État"
Pointant "la séparation de la stratégie et de l’exécution voulue par la chimère d’un État stratège", les deux hauts fonctionnaires estiment que l’État s’en trouve fragilisé dans ses fonctions socle. En cause, le "pilotage par indicateurs de performance", la "pression sur les emplois publics", les "fusions et restructurations décidées d’en haut", le "développement de la sous-traitance"… Autant de méthodes qui "font courir le risque d’un État hors sol, qui abîme la vocation des fonctionnaires comme l’illustrent les crises de vocation dans un nombre croissant de domaines ".
Afin d’"organiser le réarmement opérationnel de l’État", la note propose de "refaire confiance au terrain", de remettre en cause "les dispositifs de pilotage, notamment budgétaire" avec une série de mesures :
Un "État en réseau" pour "réinventer la planification"
Troisième axe, rassembler les forces dispersées par des années de développement des appels à projets et "autres incitations économiques" (telle la T2A à l’hôpital public) et "passer à l’échelle". "Il nous faut retrouver une capacité de transformation du réel et l’inscrire sur le moyen terme", insistent-ils, soulignant la nécessité de "réinventer la planification pour les transitions". La note cite à titre d’exemple plusieurs "programmes gouvernementaux récents" qui "reposent sur des constructions d’alliances avec de larges galaxies d’acteurs (entreprises, associations, collectivités territoriales, collectifs citoyens…) pour passer à l’échelle". Ainsi préconisent-ils de :
Passer à une "démocratie profonde"
Sébastien Soriano et Vincent Feltesse appellent également à "un renouvellement des pratiques démocratiques vers plus de participation. Ils jugent en effet que les services publics s’immergent "dans une relation avec les citoyens au quotidien, pour mieux coller à leurs réalités et leurs attentes en continu". Au pilotage par le haut, "doit se substituer une boucle d’interaction et de rétroaction de nature à favoriser de manière beaucoup plus intime l’adéquation et l’efficacité des services publics", plaident-ils, recommandant de :
faire des hauts fonctionnaires des "leaders de la transition"
Enfin, estimant que "la réforme de l’État" a trop été vue sous l’angle de la "simplification" et de la "modernisation" et "conduite de manière exhaustive en cherchant à peigner chaque recoin de l’administration" sans réussir à "entraîner les organisations et les collectifs de travail concernés", les deux hauts-fonctionnaires proposent de "partir des priorités gouvernementales" dans une logique de fabrique et de se focaliser sur "la traduction effective des orientations politiques", à savoir le fameux "dernier kilomètre". Pour cela, ils proposent de :
Les auteurs de la note souhaitent en particulier faire des hauts fonctionnaires des "leaders de la transition" en confiant à la récente Diese un rôle d’animatrice. Elle serait chargée de "décloisonner les fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière" ; de systématiser "les programmes de sensibilisation aux transitions" ("en suscitant l’engagement au travers de projets concrets") ; de favoriser les pratiques "virales" d’échanges entre pairs, en valorisant les réseaux d’agents publics plus ou moins formels ; de mettre en place des "contrats de génération" inversée "afin que les jeunes hauts fonctionnaires transmettent aux cadres supérieurs administratifs en place leur savoir sur des enjeux clés comme l’écologie, le numérique ou la participation".
La note de Terra Nova, qui ne cherche pas à dresser un bilan du précédent quinquennat, mentionne en annexe, à l’appui de ses propositions, "plusieurs programmes gouvernementaux inspirants reposant sur des constructions associant plusieurs acteurs (entreprises, associations, collectivités territoriales, collectifs citoyens…)" "pour passer à l’échelle" tels que Action cœur de ville, Plan France très haut débit, Territoires zéro chômeur longue durée… Sont passées en revue tant les limites que les réussites de la décentralisation, de l’agenciarisation, des incitations économiques et du pilotage à la performance, de la montée en puissance du secteur privé, de la dématérialisation, et de la simplification administrative et de la nouvelle "carte" des services publics.
Concernant cette dernière, la note salue notamment le renforcement récent "de la présence publique dans les territoires (Maisons France Services, redéploiement d’antennes de la DGFiP en région)" et le "développement récent d’une approche qualité (service public+) et design (design+)" et l’extension récente du rôle des préfets "à la coordination de l’action gouvernementale en région".
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Clarisse Jay,
journaliste