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Entre 2017 et 2022, le score de la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen "progresse nettement dans l’ensemble de la fonction publique, y compris dans la catégorie A et chez les enseignants", relève le politologue Luc Rouban, chercheur au Cevipof, interrogé par AEF info le 25 avril sur les résultats de l’élection présidentielle d’avril 2022 (lire sur AEF info)
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Luc Rouban, politologue au CNRS/Cevipof Droits réservés - DR - Elise Colette
AEF info : Le candidat LREM Emmanuel Macron a été réélu président de la République dimanche 24 avril 2022 avec 58,5 % des voix, face à la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen. Quels sont les enseignements du scrutin pour les agents publics ?
Luc Rouban : Nous n’avons pas encore de données détaillées sur les résultats du second tour, mais l’enquête Ipsos-Sopria Steria menée entre le 15 et le 18 avril pour le Monde, la fondation Jean Jaurès et le Cevipof, nous fournit déjà de bonnes estimations. L’information la plus frappante concerne le score de Marine Le Pen, qui progresse nettement dans l’ensemble de la fonction publique, y compris parmi les agents de catégorie A et les enseignants.
Entre les deux seconds tours de 2017 et de 2022, la candidate du RN a gagné dix points pour atteindre 40 % (lire sur AEF info). Elle devient même majoritaire parmi les agents de catégorie C (51 % d’intentions de vote). Chez les agents de catégorie A, on vote de plus en plus pour Marine Le Pen, même si la différence avec les moins qualifiés reste notable (31 % d’intentions de vote pour le second tour de 2022 vs. 18 % en 2017). Même phénomène chez les enseignants, qui constituent pourtant le socle historique des socialistes. 17 % ont voté pour elle dès le premier tour et 27 % se disaient prêts à le faire le 24 avril (contre seulement 14 % cinq ans plus tôt). Il y a peu de différences entre les instituteurs et les professeurs du secondaire.
En revanche, chez les policiers et les militaires, l’augmentation est moins sensible (+ 5 points). Il faut dire que Marine Le Pen commence à faire le plein parmi ces agents qui avaient voté à 64 % pour elle en 2017.
AEF info : Comment expliquez-vous cette forte progression du RN parmi les agents en cinq ans ?
Luc Rouban : Marine Le Pen n’est plus seulement associée à une étiquette d’extrême droite, mais à la droite radicale. C’est un vote protestataire qui peut aussi être lié à un sentiment d’injustice, de blocage dans les carrières et à la dégradation des conditions de travail. Avec la politique du chiffre menée notamment à l’hôpital ou dans la police, les agents ont l’impression de perdre le sens de leur métier.
"Depuis 2017, le RN a infléchi son discours en insistant sur l’importance du service public et sur le rôle des fonctionnaires."
Depuis 2017, le RN a infléchi son discours en insistant sur l’importance du service public et sur le rôle des fonctionnaires, et en abandonnant son projet de sortie de l’euro. Traditionnellement, le FN était un parti de petits commerçants et de travailleurs indépendants qui défendait des valeurs très libérales.
Certains électeurs ont pu être séduits par le discours anti-managérial du RN, qui s’oppose au macronisme. La loi Dussopt de transformation de la fonction publique a largement ouvert l’accès des contractuels à la fonction publique et vise à aligner le régime d’emploi du public sur celui du privé. Et chez les enseignants, la question du respect de la laïcité est un sujet de préoccupations qui a pu durcir certaines positions. Marine Le Pen a aussi bénéficié de l’effondrement du vote de droite classique. N’oublions pas qu’un agent public sur cinq avait voté pour le candidat LR François Fillon en 2017.
AEF info : L’ancrage à gauche des agents publics a-t-il disparu ?
Luc Rouban : Pas totalement. Les fonctionnaires, et surtout les enseignants, restent plus à gauche que le reste du pays. Néanmoins, on retrouve dans la fonction publique le phénomène de droitisation de l’électorat constaté au niveau national. Parallèlement, les agents qui votent traditionnellement à gauche se sont radicalisés. Ils ont d’abord voté pour le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon au détriment de la candidate socialiste Anne Hidalgo. Cette année, l’ensemble de la gauche radicale (Nathalie Arthaud, LO ; Philippe Poutou, NPA ; Jean-Luc Mélenchon, LFI ; Fabien Roussel, PCF) a recueilli 27 % des voix au premier tour, soit quatre points de plus que lors des dernières élections.
Sous le mandat de François Hollande, entre 2012 et 2017, la gauche s’était discréditée aux yeux d’une partie des fonctionnaires en dégelant tardivement le point d’indice, en étant flou sur la laïcité et en adoptant une doctrine libérale.
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Florianne Finet,
journaliste