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Si deux lois centrées sur la formation (loi ORE) et la recherche (LPR) ont marqué le quinquennat d’Emmanuel Macron, sa ministre Frédérique Vidal a aussi instauré de nouveaux outils pour poursuivre la structuration du paysage de l’ESR et répondre à la fois aux exigences d’intégration du jury idex-isite et aux souhaits du gouvernement de voir la France mieux placée dans les classements internationaux, le tout en tentant de rapprocher au mieux universités, grandes écoles et organismes. C’est ainsi qu’après les PRES et les Comue, le ministère ouvre la voie à de nouvelles formes de rapprochement avec l’ordonnance de décembre 2018 et les EPE. Et que parallèlement, il s’engage dans un renforcement de la différenciation des établissements à travers l’appel à projets "Excellences sous toutes ses formes". De nouveaux outils pour affirmer leur "signature", comme aime à le dire la ministre.
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Frédérique Vidal, ministre de l'ESRI, à la sortie du conseil des ministres sur le perron de l'Elysée, le 6 avril 2022 MaxPPP
Le paysage universitaire n’en finit pas de se structurer… On a presque du mal à suivre le fil : qui fusionne avec qui ? Qui se rapproche de qui ? Qui divorce et se remarie ? Qui prend quel statut ? Depuis 15 ans, gouvernements après gouvernements, les objectifs restent sensiblement les mêmes : rapprocher universités, grandes écoles et organismes et briller dans les classements internationaux.
Cela a d’abord été la mission des PRES créés par la loi recherche de 2006 (gouvernement Villepin, ministre François Goulard) et prolongés sous les gouvernements Fillon lorsque Valérie Pécresse a été ministre ; une mission reprise par les Comue créées par la loi Fioraso en 2013, sous le quinquennat de François Hollande. Et parallèlement, des universités font le choix de fusionner, Strasbourg ouvrant la marche en 2009, suivie par Aix-Marseille, Lorraine, Bordeaux, Montpellier, Grenoble, Clermont, Lille et Sorbonne U.
Résultats des courses, lorsque Emmanuel Macron arrive au pouvoir en mai 2017, les trois premières idex confirmées définitivement sont portées par des universités fusionnées (AMU, Strasbourg, Bordeaux) suivies par Sorbonne U en 2018, quand les autres sites, notamment franciliens, sont à la peine pour trouver un modèle suffisamment intégratif pour répondre aux exigences du jury sans faire fuir les grandes écoles qui se méfient du modèle universitaire. Et parallèlement, la plupart des Comue ne sont pas reconnues par les organismes de classements internationaux, en particulier par celui de Shanghai, et ce sont certains de leurs membres – ce qui les arrange bien parfois – qui restent classés.
une nouvelle méthode : l’expérimentation
Pour tenter à nouveau de remplir ces objectifs de lisibilité, de visibilité internationale et d’attractivité, une nouvelle étape s’ouvre en 2018 avec un changement de méthode : l’expérimentation. C’est l’objet de l’ordonnance du 12 décembre 2018 (ratifiée par la LPR en décembre 2020) "relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche". Une "boîte à outils" juridiques qui vise, selon la ministre, à offrir aux sites "le bon outil à mettre au service du projet", car, estime-t-elle, "si vous entrez par le projet, vous décrispez complètement le système". Et d’ajouter que l’ordonnance doit permettre à chaque site de "trouver sa signature" et de ne plus se demander "qui va être le chef de l’autre" (lire sur AEF info).
Ce texte permet ainsi de déroger au code de l’éducation à deux échelles :
Toutes les combinaisons sont donc désormais possibles, ou presque :
une nouvelle valse statutaire
Depuis quatre ans, on assiste donc à une nouvelle valse statutaire, à des recompositions d’alliance et des tentatives de (re)construction de site… (voir le point d’étape en 2019, un an après l’ordonnance). S’il est clair que la volonté du ministère est de laisser la main aux sites à travers cette possibilité d’expérimentation, il lui arrive tout de même de siffler la fin de la partie, une fois que le jury idex-isite a constaté l’incapacité de certains sites à faire naître un projet collectif. On pense à Lyon, Nantes (temporairement) ou Bourgogne Franche-Comté.
Inversement, il peut aussi inciter plus ou moins subtilement à l’utilisation de la boîte à outils pour répondre à une commande élyséenne… comme il l’a fait pour suggérer la transformation de Toulouse-I Capitole en EPE pour permettre à TSE d’avoir la personnalité morale sans sortir de l’université (lire sur AEF info), suscitant l’ire du président de l’université en question (lire sur AEF info) mais aussi de France Universités (lire sur AEF info).
Retrouvez ici toutes les fiches d’identité des sites et EPE réalisée par la rédaction d’AEF Data Sup-Recherche
Saluée par les chefs d’établissement, l’ordonnance est accueillie plus froidement par les organisations syndicales qui voient dans les EPE une dérégulation de la gouvernance des universités et un recul de la démocratie universitaire (lire sur AEF info). Un point de vue partagé par Sébastien Bernard, professeur de droit public et ancien président de l’université Grenoble-II, qui estime aussi que cela complexifie les structures internes (lire sur AEF info). Et, avant d’accoucher des premiers décrets, il a fallu passer du temps à rassurer les écoles, créer un climat de confiance, ajuster les règles, notamment sur la signature des diplômes des écoles d’ingénieurs (lire sur AEF info), trouver un terrain d’entente sur la tutelle des UMR…
EPE : un effet immédiat sur les classements…
Toujours est-il que l’effet sur les classements – à la faveur aussi du changement de règle d’affiliation des chercheurs hautement cités (lire sur AEF info) – et notamment sur celui de Shanghai est assez immédiat : créées en janvier 2020, l’université Paris-Saclay rafle la 14e place mondiale (et la 13e l’année suivante), PSL atteint la 36e place (et redescend à la 38e en 2021) et l’université de Paris (aujourd’hui Paris Cité) se hisse à la 65e place (et redescend à la 73e en 2021). Ainsi, en 2020, 7 des 9 EPE créés font leur entrée dans le classement (lire sur AEF info).
Cela n’était pas gagné d’avance : il a fallu assurer un travail d’explication auprès de l’organisme de classement chinois (Arwu) pour qu’il considère les EPE comme des universités à part entière. Frédérique Vidal s’est même rendue à Shanghai début 2020 et le MESRI a dû prouver sa bonne foi en actualisant la "fameuse" liste des établissements habilités à délivrer le doctorat sur son site, dans laquelle ne figurent plus les établissements-composantes (lire sur AEF info). Reste à savoir aussi si l’effet sera durable.
… et une clé pour être labellisé idex ou isite
Côté idex-isite, l’effet est tout aussi immédiat : PSL et Saclay décrochent (enfin) leur label définitif en novembre 2020. Elles sont suivies par Grenoble et Nice (EPE également) et Lorraine en juin 2021, et enfin par l’université Paris Cité et les sept derniers projets d’isite en mars 2022 (retrouvez l’intégralité du processus dans la frise chronologie interactive).
Malgré ce succès, le jury, qui vient tout juste d’achever ses travaux au bout d’un processus de 11 ans, émet quelques réserves sur le modèle EPE et sur l’intérêt des personnalités morales. Car, pour Jean-Marc Rapp, son président, si "l’EPE est une des clés du succès pour ce qui est de la structuration du site et de la gouvernance", il souligne que toutes les possibilités d’intégration offertes par l’ordonnance n’ont pas été utilisées et soutient que "la personnalité morale et juridique ne dit rien, en soi, de l’autonomie". Au contraire, "la gestion d’une pluralité de personnes morales accroît la complexité".
Pour lui, "l’emboîtement des personnalités morales et juridiques, qui concerne en général les grandes écoles, ne devrait être qu’une étape intermédiaire" et la "lourdeur introduite par les EPE n’est pas très favorable dans cette compétition internationale". Il se demande même si "les organismes de classement accepteront durablement la situation actuelle d’universités avec des PMJ".
un premier bilan des EPE et des premières sorties d’expérimentation en préparation
Si l’effet marque semble indéniable, lourdeur et complexité des prises de décision font aussi partie des constats des acteurs (juristes, DGS et présidents) quand parfois l’effet de la fusion/transformation pèse sur le modèle économique comme à Grenoble (lire sur AEF info) ou sur les personnels comme à Saclay (lire sur AEF info) ou l’université Paris Cité (ex-université de Paris, lire sur AEF info).
C’est dans ce contexte que se prépare, au bout de trois ans, la première vague de sortie de l’expérimentation pour PSL, Cergy, Grenoble et Nice d’ici fin 2022-début 2023. Après une évaluation par le HCERES, ces établissements expérimentaux pourront prendre le statut de grand établissement et conserver leurs établissements-composantes avec PMJ, le tout sans passer devant le Conseil d’État. En revanche, toute modification ultérieure des statuts devra lui être soumise. Ce qui fait dire à la Dgesip qu’il est important "de prendre le temps d’avoir des statuts bien adaptés".
Quant au droit de sortie des établissements-composantes des futurs grands établissements, si le ministère semble estimer que "rien n’est irréversible", le juriste Sébastien Bernard souligne le risque, en cas d’alternance politique, d’un "droit de sortie relativement simple". Reste à voir jusqu’où le ministère voudra contraindre cet aspect dans les futurs statuts.
Une différenciation de plus en plus assumée aussi via les PIA
Au-delà de cette focalisation sur les universités dites de recherche et leur positionnement dans la compétition internationale, la politique de différenciation des établissements et des sites est ouvertement assumée. Sous le quinquennat Hollande, le PIA 2, lancé en 2014, avait enrichi la palette de l’excellence avec les isite, puis le PIA 3, voté en loi de finances 2017, avait isolé 700 M€ pour soutenir les "grandes universités de recherche" (lire sur AEF info). Sous le quinquennat Macron, la mise en œuvre du PIA 3 et le lancement du PIA 4 actent, d’une certaine mesure, un traitement différencié.
Ainsi, en est-il d’abord de la 2e vague des EUR : tirant les leçons de la 1re vague, deux appels distincts sont lancés en 2018-2019, un dédié aux sites idex-isite qui prend le nom de SFRI pour la structuration et qui est associé à un autre appel à projets intitulé Idées pour la transformation, tous deux dotés de 500 M€ (lire sur AEF info), et un autre dédié aux autres sites, doté de 100 M€ (lire sur AEF info).
Enfin, c’est l’appel à projets "Excellences" du PIA 4, lancé en mars 2021, qui symbolise le mieux cette politique puisqu’il est décrit comme un outil pour "reconnaître l’excellence sous toutes ses formes" et "accompagner la différenciation des établissements" et qu’il réserve la moitié de la dotation de 800 M€ aux idex-isite et l’autre moitié aux autres sites et établissements. L’appel à projets ne fixant pas de "cadre prédéterminé et unique", les candidats peuvent déposer des projets qui s’inspirent des AAP précédents, ou pas. Tout est ouvert. La première vague a abouti, fin novembre dernier, à la sélection de 15 projets sur 35 déposés au total : 8 sur 12 déposés par les idex-isite et 7 sur 23 par les autres établissements (lire sur AEF info).
La 2e vague est en cours : d’après les informations recueillies par AEF info, une quarantaine de projets auraient été déposés. Les résultats devraient être connus en mai ou juin prochain. Une 3e vague est prévue à l’automne, une tâche du futur nouveau gouvernement…
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Anaïs Gérard,
journaliste