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Présentée début 2018, déployée à la rentrée 2019 avant d’être "percutée" par la crise sanitaire, la réforme de la voie professionnelle s’apparente au fil rouge des transformations intervenues ces cinq dernières années pour les acteurs des lycées professionnels. Si les acteurs sont partagés sur le fond de la réforme, Olivier Beaufrère, du SNPDEN-Unsa, relève la nécessité "d’un cycle complet" de mise en œuvre de cette réforme avant d’en faire un bilan. Pascal Vivier, du Snetaa-FO, regrette le manque d’accompagnement et de formation des enseignants aux nouveautés introduites par la réforme. "L’empilement" de nouveaux dispositifs "contribue" à "la perte de sens du métier", avance Philippe Dauriac de la CGT Educ’action. Celle-ci a fait l’objet d’un comité de suivi dont le fonctionnement, selon Axel Benoist, du Snuep-FSU, est "une vitrine" où seules les "choses positives sont montrées".
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Les représentants des personnels sont partagés sur la réforme de la transformation de la voie professionnelle, engagée à la rentrée 2019. Droits réservés - DR
Impulsée à partir du rapport Calvez-Marcon présenté en février 2018 et mise en œuvre à la rentrée 2019, la réforme de la voie professionnelle instaure, notamment, des "familles de métiers" en 2nde, des modules de co-intervention et la réalisation d’un chef-d’œuvre (lire sur AEF info). Elle s’accompagne également de grilles horaires rénovées et de nouveaux programmes, conçus alors dans "la précipitation" selon les syndicats enseignants (lire sur AEF info).
"Un cycle complet" nécessaire pour évaluer la réforme
Au terme du quinquennat, la réforme a-t-elle "transformé" la voie professionnelle comme le souhaitait le ministère (lire sur AEF info) ?
Le lycée professionnel a été "pleinement animé par la transformation de la voie professionnelle", reconnaît Olivier Beaufrère qui voit là "un projet important dans son ampleur". Sa mise en œuvre a toutefois été "téléscopée par la crise sanitaire", souligne le secrétaire national éducation et pédagogie au SNPDEN-Unsa. "Nous avons besoin d’un cycle complet" afin "de voir le fonctionnement d’ensemble" de la réforme pour en "faire une analyse" et "voir les leviers à actionner" pour l’affiner, explique-t-il.
Perçue comme "la" réforme du ministre, elle a permis de "mettre en avant" la voie professionnelle, estime Pascal Vivier, secrétaire national du Snetaa-FO. Sur le fond, le représentant de la première organisation syndicale de la voie professionnelle juge que la réforme a entraîné une "vraie transformation de la pédagogie", notamment en passant de cours traditionnels à la co-intervention". S'"il n’y a donc pas eu de perte d’heures de cours", l’enseignant pointe toutefois le manque d’accompagnement, sur le terrain, aux "pédagogies nouvelles". À son sens, "la réforme s’est faite très vite, sans que les inspecteurs aient été formés eux-mêmes".
Des personnels mis "sur la touche" (Snuep)
Entre la "dégradation des conditions de travail des PLP et d’étude des élèves", c’est "plutôt un mauvais bilan" que dresse Axel Benoist, co-secrétaire général du Snuep-FSU. Selon lui, Jean-Michel Blanquer n’a pas écouté les acteurs de terrain, tentant de "mettre les représentants des personnels sur la touche". "Nous n’avons pas été confortés par ce ministre pendant le quinquennat", regrette-t-il.
"Notre bilan est très sévère", indique Philippe Dauriac, secrétaire national de la CGT Educ’action. Pour le représentant de la 2e organisation syndicale dans la voie professionnelle, "derrière le slogan d’une voie professionnelle 'd’excellence et d’avenir', Jean-Michel Blanquer a poursuivi le démantèlement de l’enseignement professionnel sous statut scolaire".
Un appauvrissement des contenus de formation (CGT Educ’action)
"La co-intervention permet une autre construction de l’équipe pédagogique, avec l’élève au cœur du dispositif", relève Olivier Beaufrère. Le chef-d’œuvre est, à ses yeux, "intéressant" en ce qu’il se concrétise, selon les familles de métiers, par la production d’un "objet fini". L’introduction de ces deux nouveautés "consacre la vision utilitariste du français et des mathématiques", balaie Philippe Dauriac. La "diminution drastique" des heures d’enseignement disciplinaires liée aux nouvelles grilles horaires appauvrit "les contenus de formations", poursuit-il.
Pour le chef d’établissement, "il nous faut encore du temps pour investir l’accompagnement personnalisé des élèves". Aussi, il voit les PFMP, inchangés par la réforme, comme "un levier à travailler".
Les différents aspects de la réforme ont été "discutés, négociés, pour qu’elle ne nous soit pas négative en termes d’emplois", poursuit le représentant du Snetaa. Aussi, il se montre satisfait qu’il y ait "autant d’ETP qu’il y a 5 ans" alors que, rappelle-t-il, la réforme initialement prévue par le ministre couplée à la refonte des grilles horaires devait conduire à la suppression de 1 800 emplois de PLP. En somme, "le taux d’encadrement est meilleur, mais on n’est pas plus heureux."
Une transformation dont les PLP ne sont pas convaincue (Snuep)
"Les enseignants ont été interpellés" par les programmes rénovés et les volumes horaires changés, admet Olivier Beaufrère. Les "temps de formation, d’accompagnement" que ces évolutions ont nécessité "ont été là", assure-t-il, et ce malgré le contexte sanitaire.
Les enseignants ont "le sentiment d’une diminution horaire qui ne leur permet plus d’atteindre les objectifs de formation donnés par les programmes et référentiels", rapporte Axel Benoist à partir d’un sondage conduit par Harris Interactive pour le Snuep. La transformation de la voie professionnelle repose sur des dispositifs dont les PLP "ne sont toujours pas convaincus", complète-t-il : "si à peine la moitié des PLP apprécient la co-intervention, un quart seulement est satisfait du chef-d’œuvre et des familles de métier".
Indemnité de professeur principal, nomination de professeur principal en Segpa et deux professeurs principaux en terminale, obtention de la VAEP (certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive)… En somme, sur l’ensemble du quinquenat, le représentant du Snetaa reconnaît l’obtention de "petites améliorations", y compris salariales. Mais, tempère-t-il, "on ne peut que regretter le gel du point d’indice et l’absence de revalorisation pour les professeurs".
Un manque d’attractivité persistant
Du côté des élèves, la réforme n’a pas suffi à enrayer la baisse des effectifs. Pascal Vivier fait état de 30 000 lycéens professionnels en moins en 5 ans. Pour expliquer cette évolution, outre une "sur-orientation vers le lycée général et technologique", il pointe le "manque d’appétence des familles et des élèves" pour cette voie qu’il rapproche de l’absence de création de diplôme. "Nous n’avons eu que des rénovations alors que France Compétences a validé 1 400 certifications au RNCP", profitant en creux à l’apprentissage, regrette-t-il.
"Il ne faudrait pas oublier la place des lycées dans l’apprentissage", renchérit Olivier Beaufrère. L’attention portée à la réforme du baccalauréat professionnel a peut-être entraîné un délaissement de l’apprentissage, interroge-t-il en substance. Or, pour lui, il est "important" que, parallèlement aux CFA, "le lycée reste central dans l’apprentissage".
Une position que ne partage pas le représentant de la CGT. "L’apprentissage se développe dans les EPLE par la mixité des publics", analyse Philippe Dauriac. Une mixité qu’il considère comme "un non-sens pédagogique qui conduit à l’annualisation de nos services et fragilise le statut". Aussi, il voit deux "freins importants" à son développement infra bac : "absence d’entreprise pour l’accueil selon les territoires et réticences du patronat à recruter des jeunes non productifs pour l’entreprise". "La volonté de développer l’apprentissage au niveau du CAP et bac au détriment de la voie scolaire est une impasse", résume-t-il.
Un comité de suivi diversement apprécié
Tout comme celle de la voie générale et technologie, la réforme de celle professionnelle a fait l’objet d’un suivi par un comité dédié (lire sur AEF info). Il était à "l’écoute" et "sérieux", retient Pascal Vivier. Il regrette cependant qu’il n’ait pas été décliné au niveau des académies.
Cette instance, "réactive", a permis de faire entendre les "retours du terrain", indique Olivier Beaufrère. Il relève le caractère "régulateur" de ce comité au sein duquel Jean-Michel Blanquer a eu l’occasion de s’exprimer.
Une appréciation que ne partage pas Axel Benoist : "à l’image de la façon de faire" du ministre, ce comité était "une vitrine de la transformation de la voie professionnelle" où seules les "choses positives étaient montrées". Selon lui, l’instance ne s’est "pas emparée des points à améliorer". Il l’assimile à "un outil de communication qui s’est transformé en faire-valoir de la transformation de la voie professionnelle plutôt qu’en un lieu où chercher à améliorer les choses en fonction des remontées de terrain".
Une perte de sens unanime
Au terme de ce quinquennat, après "les gilets jaunes, les stylos rouges et deux ans de pandémies", les enseignants de LP sont "éreintés", d’après Pascal Vivier. Il évoque leur "perte de sens total de leur métier". D’après le sondage du Snuep, les enseignants considèrent, à 66 %, que les dispositifs de la réforme génèrent une perte de sens du métier. Ils éprouvent "un manque criant de reconnaissance et d’écoute de l’éducation nationale", complète Axel Benoist. Selon lui, les élèves évoquent également "une diminution de sens".
"L’empilement des dispositifs", tels que les modules "insertion professionnelle" ou "poursuite d’études", "contribue dans une large part à la perte de sens du métier exprimée par nombre de collègues", avance Philippe Dauriac.
N’est-ce pas "un état général", questionne Olivier Beaufrère. Si la "complexification des métiers de l’éducation" peut expliquer la situation, il suggère que "retrouver normalement nos élèves" pourrait redonner du sens.
Perçu par la société dans son ensemble car "un lycée de la relégation", "l’enseignement professionnel ne survivra pas si on le laisse en l’état", met en garde Pascal Vivier. À son sens, il faut désormais "une vraie réforme, pas une contre-réforme", conduite "avec les professeurs". "Pour que les choses se mettent en œuvre, il faut travailler avec la profession et mieux prendre en compte ce qu’on porte", renchérit Axel Benoist.
Une quarantaine de LP des académies de Lille, Nantes et Aix-Marseille expérimente, depuis la rentrée 2021, le dispositif des CLA (lire sur AEF info). Alors qu’il devrait être étendu à de nouveaux territoires à la rentrée prochaine (lire sur AEF info), les acteurs de terrain peinent à en mesurer les effets. Olivier Beaufrère, du SNPDEN-Unsa, fait état de "retours pas forcément enjoués". Si les équipes font preuve de "beaucoup d’investissement", il y a "peu de moyens" alloués et "peu d’effets perçus", rapporte-t-il, "à première vue".
Si "certaines équipes ont pu s’investir dans le dispositif", Axel Benoist, du Snuep-FSU, note leur "grand désarroi" : "ça s’est surtout transformé en de nouveaux dossiers à monter", résume-t-il. Selon, les CLA tendent à "justifier des actions qui se font déjà pour avoir des moyens supplémentaires qui ne seront pas suffisants pour faire monter en puissance les projets. Les PLP voient déjà la limite de l’exercice", balaie-t-il.
Opposée à cette "politique de contractualisation" en ce qu’elle vise "à terme, à liquider les REP", la CGT Educ’action apprécie cette expérimentation dans les LP à partir de l’exemple de l’académie d’Aix-Marseille. L’organisation rapporte un "problème évident de méthode" au regard des "moins de deux semaines" accordées aux équipes pour "se positionner" sur le dispositif et "envoyer des projets". Sur les dispositifs pédagogiques, elle déplore que le public visé ne soit pas "l’ensemble de l’établissement ni même un niveau complet mais souvent une classe en particulier voire un groupe d’élèves de plusieurs classes". Lorsqu’il s’agit d’une classe en particulier, le projet est lié "à la volonté spécifique" d’un ou plusieurs enseignants mais "pas nécessairement d’un projet d’établissement" impliquant toute l’équipe éducative. Et quand le projet cible des élèves de plusieurs classes, alors sa mise en œuvre est "encore plus" dysfonctionnelle dans la mesure où "aucune plage horaire ne permet de les réunir tous ensemble". Dès lors, les élèves peuvent avoir à quitter un cours pour mener le projet spécifique puis rattraper les cours, explique en substance l’organisation.
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Luce Burnod,
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