En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
En 2018, en réponse à une crise évoluant en grève nationale dans les Ehpad, le président de la République s’engage sur une réforme d’ampleur du secteur du grand âge en promettant la création d’un nouveau risque Autonomie et un financement pérenne des besoins. Quatre ans plus tard, et alors qu’un nouveau scandale de maltraitance en Ehpad nourrit l’actualité, qu’en est-il de ces promesses de réforme structurelle ? Des premières annonces de 2018 aux rapports Libault et El Khomri, AEF info revient sur les grands enjeux de prise en charge de la perte d’autonomie durant ce quinquennat et tente d’évaluer ce qui a changé, et ce qu’il reste encore à faire, en attendant notamment une possible nouvelle loi grand âge, promise par certains candidats à l’élection présidentielle.
Cette dépêche est en accès libre.
Retrouvez tous nos contenus sur la même thématique.
Une des questions non traitée est celle du reste à charge en Ehpad (atelier d'animation avec des jeunes du service civique dans un Ehpad mutualiste). Droits réservés - DR - Gregoire Faney
D’une crise à l’autre. C’est sur un mouvement dans les Ehpad que la question du grand âge fait irruption dans le quinquennat d’Emmanuel Macron, et c’est sur un scandale dans les Ehpad - engendré par les révélations du livre ''les Fossoyeurs '' - que s’achève ce quinquennat. Entre ces deux moments, la promesse présidentielle d’une grande réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie - un sujet d’ampleur sur lequel ont buté les deux précédents présidents. Au-delà des crises conjoncturelles nourrissant l’attention médiatique, qu’en est-il au final de ces promesses de réforme structurelle pour améliorer l’accompagnement du grand âge ?
Le premier tour de l’élection présidentielle 2022 se tiendra dimanche 10 avril. Durant les deux semaines qui précèdent, la rédaction Social-RH d’AEF info fait le point sur les grands dossiers sociaux en cours : ceux qui ont occupé l’exécutif au cours des cinq années écoulées, ceux qui restent à traiter par la prochaine équipe au pouvoir. Après un retour en 50 dates sur les principaux événements sociaux de la période 2017-2022 (lire sur AEF info), une vingtaine de dépêches passeront au crible les sujets du moment : retraites, droit du travail, formation professionnelle, missions des agents publics, protection sociale complémentaire, lutte contre la pauvreté… Pour compléter ces analyses, vous pouvez également consulter les comparateurs de programme réalisés par AEF info.
Après un rapide retour sur les origines du projet de réforme de la dépendance, AEF info vous propose de revenir sur certaines thématiques et indicateurs clés permettant de mesurer l’ampleur des progrès réalisés - ou non - depuis 2017. Ce qui permet aussi en creux d’esquisser ce qu’il reste encore à faire à l’aune d’un nouveau quinquennat.
une définition progressive d’une réforme de la dépendance
Au commencement du quinquennat, la question du grand âge et de la perte d’autonomie est relativement absente des priorités du nouvel exécutif. Il n’a d’ailleurs pas de secrétariat d’État dédié. Contrairement à François Hollande qui avait construit tout un pan de propositions dans le cadre de son programme électoral de 2012 (ayant ensuite débouché sur la loi ASV), son successeur n’a pas fait de cette thématique l’un des axes de sa campagne de 2017. Le sujet revient toutefois très rapidement sur le devant de la scène, dès l’été 2017, à l’occasion d’une série de reportages mettant à jour des cas de maltraitance en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Ces différentes enquêtes médiatiques nourrissent à la rentrée 2017 les revendications d’une intersyndicale du secteur qui s’appuie sur ces cas très médiatiques pour dénoncer un persistant manque de moyens (lire sur AEF info). De mois en mois, la parution de différentes enquêtes maintient cette attention médiatique et renforce les revendications syndicales. Ce qui finit par aboutir en janvier 2018 à un appel à la grève national dans les Ehpad - phénomène inédit pour ce secteur (lire sur AEF info).
En parallèle, le gouvernement - en la personne principalement de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn - est de plus en plus amené à se positionner sur le sujet (lire sur AEF info) et propose une série de mesures techniques, notamment par le biais du dispositif de convergence tarifaire, pour tenter d’améliorer la situation. Le sujet prend toutefois une nouvelle ampleur politique le 15 avril 2018, à l’occasion d’une longue interview accordée par Emmanuel Macron à BFM et Mediapart. Lors de cet échange, le président de la République s’engage sur plusieurs points fondamentaux, en reconnaissant tout d’abord le manque de personnel dans les Ehpad et la nécessité ''d’investir'' pour poursuivre la médicalisation (et donc la dotation en personnel soignant) de ces établissements. Emmanuel Macron admet aussi qu'"'aujourd’hui le risque dépendance n’est pas assuré'' et qu’il faut donc trouver ''un financement pérenne'' pour ce qui relève d’après lui d’un ''cinquième risque'' devant être assumé par la collectivité nationale. ''C’est un nouveau risque qu’il nous faut construire'', annonce alors le chef de l’État, franchissant par là même une étape symbolique demandée de longue date par le secteur médico-social (lire sur AEF info).
Voir le passage sur la dépendance dans cette vidéo à partir de 1''11''35 :
Cette interview historique marque réellement le début du projet de réforme de la dépendance pour le quinquennat du président Macron. Mais dans le même temps, le locataire de l’Élysée évite de s’engager sur des objectifs trop précis, notamment en termes de chiffrage des besoins de financement, et renvoie ces éléments pourtant centraux à une définition ultérieure.
Du fait de la volonté de l’exécutif de mener un grand débat national sur le sujet - à l’instar de ce qu’avait voulu Nicolas Sarkozy durant son propre quinquennat - cette définition d’objectifs concrets pour la grande réforme annoncée prend du temps. Résultat : ce n’est qu’en mars 2019, soit près d’un an après les annonces du président, qu’une seconde étape majeure est franchie avec la remise du rapport piloté par le directeur de l’EN3S, Dominique Libault (lire sur AEF info). Ce rapport, issu d’une large concertation, établit une première évaluation globale des besoins du grand âge, en dépassant notamment la seule focale des établissements. Il aboutit également à une première estimation détaillée des besoins de financement, avec un besoin estimé à 6,2 Md€ supplémentaires d'ici 2024. Les annexes financières du document permettaient également de dégager certaines priorités de financement, avec deux points se dégageant particulièrement : la question du taux d’encadrement et celle de la maîtrise du reste à charge des personnes âgées et de leur famille.
Quelques mois plus tard, un octobre 2019, un second rapport commandé par le gouvernement à l’ancienne ministre du Travail, Myriam El Khomri, vient compléter le rapport Libault en proposant une estimation complémentaire des besoins spécifiques cette fois-ci aux professionnels du secteur. Dans ce second rapport, l’ancienne ministre estime notamment à près de 92 300 le nombre de postes devant être créé d’ici à 2025 dans les Ehpad et les services d’aide à domicile pour répondre aux besoins. Le coût annuel est estimé à près de 825 M€.
Même si d’autres rapports ont été publiés en parallèle avec des estimations qui diffèrent parfois, ces deux-là constituent le socle de ce qui aurait dû définir les objectifs de la grande réforme annoncée pour la fin du quinquennat. Mais entre fin 2019 et début 2022, la crise sanitaire a toutefois grandement rebattu les cartes, en mettant plus que jamais en évidence le besoin de revalorisation des professions… besoin nécessitant une réévaluation complète des estimations financières des précédents rapports
Un effort budgétaire incontestable
Si l’attention s’est beaucoup focalisée au cours de l’année 2021 sur la parution ou non d’une ''grande loi Autonomie'', il faut toutefois aller au-delà de cette seule question et mesurer l’ampleur de l’effort - en premier lieu financier - consenti progressivement tout le long du quinquennat. Sans énumérer l’ensemble des mesures prises - allant des importantes mesures de revalorisations salariales dans la foulée du Ségur de la santé aux investissements immobiliers et numériques (lire sur AEF info), en passant par le développement de l’habitat inclusif et la création de l’aide à la vie partagée (lire sur AEF info) ou l’aide aux aidants (lire sur AEF info) - il est possible de mesurer certaines évolutions dans les lois de financement de la sécurité sociale. Ces évolutions donnent, sinon un panorama complet, du moins une idée de la dynamique des dépenses consacrées au grand âge sous ce quinquennat.
Une hausse sans précédent des Ondam personnes âgées. Sur le plan macro-économique, un indice de l’effort de l’État en faveur du secteur tient dans l’évolution annuelle de la contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées, figurant dans chaque loi de financement de sécurité sociale sous la forme d’un sous-Ondam. Ce premier indicateur confirme les efforts financiers consentis. Entre la LFSS 2018 et la LFSS 2019, le sous-ondam personnes âgées rectifié (2) est ainsi passé de 9,2 Md€ à 9,6 Md€, soit une hausse de +4,35 %. À partir de la LFSS 2020, les montants rectifiés explosent du fait des conséquences de la crise sanitaire : par rapport à la LFSS 2019, les dépenses fléchées vers les personnes âgées progressent de près de 25 % en un an seulement, atteignant les 12 Md€. La croissance des dépenses est à nouveau très importante entre les exercices 2020 et 2021. Sur 2021, les dépenses définitives montent ainsi jusqu’à 14,2 Md€, soit une progression de +18,33 % du sous-ondam. Pour 2022, la dernière LFSS fixe a minima un montant presque équivalent, devant atteindre les 14,3 Md€.
En se basant sur cette seule croissance des dépenses, tirées en partie par les conséquences de la crise sanitaire, il semblerait possible au premier abord de conclure que les objectifs assignés, notamment l’effort de 6,2 Md€ évoqué dans le rapport Libault, sont quasiment atteints au crépuscule de ce quinquennat. Mais un examen des différents indicateurs servant à mesurer les objectifs fixés en 2019 aboutit à d’autres conclusions.
des objectifs peu lisibles ou loin d’être atteints
Le taux d’encadrement en Ehpad. Sur la question centrale du taux d’encadrement tout d’abord, le rapport Libault de 2019 préconisait une hausse de 25 % du taux d’encadrement en Ehpad. Sachant que le rapport se basait sur les données Drees de 2015, cet objectif équivaut à atteindre à horizon 2024 un ratio moyen de 75,8 salariés à plein temps pour accompagner 100 résidents d’Ehpad (75,8 ETP/100 résidents).
Cet indicateur du taux d’encadrement - apparemment objectif et pris en exemple dans de nombreux rapports ainsi que comme repère par l’intersyndical de 2017-2018 - pose toutefois de multiples problèmes d’analyse. Le premier étant le manque de données actualisées pour mesurer son évolution. Contacté par AEF info, le ministère de la Santé et des Solidarités n’a pas été en mesure de donner une estimation actualisée de ce taux à fin 2021. De même, les principales fédérations d’établissements renvoient elles-mêmes aux travaux de la CNSA qui se fondent sur des données avec un important décalage temporel. À ce jour, les dernières estimations remontent ainsi à … 2018, soit au début de l’annonce d’un projet de réforme. Dans son rapport de février 2022, la Cour des comptes semble toutefois avoir obtenu des précisions supplémentaires auprès des autorités publiques : ''Selon le ministère, la réforme tarifaire instaurée par la loi ASV et la modification des modalités de calcul des dotations ont permis une augmentation du taux d’encadrement de 3,76 ETP pour 100 lits entre 2015 et 2021''. En se fiant à cette déclaration et en partant de l’indicateur estimé en 2015 par la Drees - à savoir un ratio moyen de 63 ETP/100 places - il serait alors possible d’avancer que ce ratio aurait donc grimpé en moyenne globale aux alentours de 66,7 ETP/100 résidents à fin 2021… soit encore très loin de la cible théorique des 75 ETP fixée par le rapport Libault.
Mais outre les problèmes de fiabilité d’estimation de cet indicateur et de ses évolutions, se pose aussi la question de sa pertinence. Plusieurs rapports estiment en effet que ratio n’est pas le plus pertinent (3) et qu’il vaudrait mieux mesurer la proportion de personnel soignant auprès des résidents - un indicateur n’étant par contre pas intégré dans le rapport Libault et ne faisant pas ainsi l’objet d’objectifs consensuels. Cet indicateur sur les personnels soignants est cependant repris comme objectif cible dans certains programmes électoraux de 2022, notamment celui de Jean-Luc Mélenchon qui propose de faire passer ce ratio personnel soignant à 66 salariés temps plein pour 100 résidents (4). Chez d’autres candidats, cette notion de taux d’encadrement est abandonnée, notamment dans le programme d’Emmanuel Macron qui raisonne plus en augmentation globale du nombre de soignants avec la volonté de recruter 50 000 soignants supplémentaires d'ici 2027. Dans ses propres analyses, la Cour des comptes propose quant à elle une inversion totale du raisonnement à partir de l’indicateur de taux d’encadrement : ''plutôt qu’un ratio de personnel global, ou même ciblé sur les personnels de soins, il pourrait être pertinent de définir, à la manière de la règlementation relative à l’accueil des jeunes enfants, des ratios du nombre maximum de résidents à prendre en charge par professionnel de soins qualifié, en fonction du niveau d’autonomie et construire une pluralité de ratios sous forme de référentiels de bonnes pratiques''.
Au final, sur ce premier indicateur - pourtant central et au cœur des revendications de 2017-2018 - il est donc extrêmement difficile d’établir un bilan clair du quinquennat. Le gouvernement avance toutefois le fait que, grâce aux différentes mesures (dont la convergence tarifaire entre Ehpad sur les tarifs soins), la situation s’est globalement améliorée et près de 20 000 soignants supplémentaires auraient été recrutés au cours des 5 dernières années. Le nombre de soignants en Ehpad aurait ainsi augmenté de près de 10 % durant le quinquennat. De manière plus ciblée, le cabinet de Brigitte Bourguignon souligne aussi le renforcement de la présence des médecins coordonnateurs en établissement - un facteur important dans le suivi médical des résidents.
Cette croissance des effectifs a notamment été rendue possible par la réforme de la tarification des soins qui a contribué à renforcer les dotations soins des Ehpad. Dans son rapport, la Cour des comptes observe ainsi que, entre 2017 et 2021, ce sont près de 762 M€ qui ont été consacrés à cette revalorisation du financement soins des Ehpad. Le rapport souligne toutefois que, pour de multiples raisons, ces efforts budgétaires ne se traduisent pas systématiquement sur le terrain par une augmentation effective des recrutements - en partie du fait des problèmes d’attractivité.
Le reste à charge. Le reste à charge en Ehpad constituait l’une des autres priorités se dégageant du rapport Libault. Sur ce point, les conclusions sont beaucoup plus simples à tirer puisque, malgré de nombreuses propositions (lire par exemple les propositions du HCFEA) et une problématique largement documentée (relire notre décryptage de 2019), aucune avancée notable n’a été enregistrée. Les pouvoirs publics ont cependant mis en place un annuaire public permettant aux familles de mieux comparer les prix et d’anticiper leur reste à charge.
Le domicile. La question de l’aide à domicile est relativement absente des premières étapes du quinquennat puisque la mobilisation des pouvoirs publics a été impulsée en grande partie en réponse à une crise liée aux questions de maltraitance en Ehpad. La problématique de l’aide à domicile n’est vraiment abordée dans toute sa complexité qu’à partir du très complet rapport de Myriam El Khomri (lire sur AEF info). Dans ce rapport, l’ancienne ministre du Travail proposait plusieurs objectifs ambitieux dont une hausse du personnel pour permettre une hausse de 20 % du taux d’encadrement en Ehpad et dans les services d’aide à domicile.
Assez peu présent dans les priorités du début du quinquennat, l’aide à domicile prend une place croissante au fil de la mandature du fait en partie de la priorité accordée au ''virage domiciliaire''. Cette priorité s’est traduite par des efforts budgétaires croissants via les lois de financement de la sécurité sociale, notamment dans la dernière actant un nouveau tarif plancher et une nouvelle dotation à la qualité (lire sur AEF info), ou encore via certaines mesures telles que l’agrément d’un avenant à la branche aide à domicile permettant de relever de 15 % les rémunérations (lire sur AEF info). Si la plupart des fédérations et représentants de ce secteur saluent les efforts entrepris par les pouvoirs publics au cours des dernières années, une majorité considère également que ces efforts s’avèrent insuffisants pour compenser les difficultés d’un secteur souffrant d’un financement précaire et d’un criant problème d’attractivité encore renforcé par la crise sanitaire.
Que les efforts gouvernementaux - à la fois en termes de financement de nouveaux postes et d’amélioration d’attractivité de la filière - aient été insuffisants ou qu’ils n’aient pas encore porté leurs fruits (notamment concernant l’avenant 43), le fait est que la situation sur le terrain reste encore très dégradée. Dès début 2019, le réseau UNA - l’une des principales fédérations associatives du secteur - avait ainsi commencé à alerter sur les difficultés de recrutement du secteur, et sur ses conséquences en termes de capacité de réponse aux demandes d’aide des personnes âgées (lire sur AEF info). Un an plus tard, UNA estimait que la situation s’est encore aggravée, aboutissant même à de véritables ''déserts médico-sociaux'' (lire sur AEF info). Jointe récemment par AEF info début 2022, la présidente d’UNA, Marie-Reine Tillon confirme que la situation ne s’est toujours pas améliorée et tend même encore plus à se dégrader sur certains territoires. Un constat partagé par Hugues Vidor, président de l’Udes et directeur général de la fédération Adedom, qui estime que près de 20 % des nouvelles demandes d’aide ne peuvent obtenir de réponse faute de personnel suffisant dans les services d’aide à domicile.
Au regard des objectifs fixés par le rapport El Khomri, le bilan dans le secteur de l’aide à domicile semble encore devoir être très largement complété, notamment pour vraiment répondre à l’ambition du ''virage domiciliaire'' mis en avant par les pouvoirs publics. Sur ce point, outre la question de l’amélioration effective de la situation dans les services d’aide à domicile, l’un des indicateurs à suivre durant les prochaines années sera la répartition des bénéficiaires de l’APA entre les domiciles (incluant différentes formules intermédiaires comme les résidences services) et le placement en établissement d’accueil. Actuellement, 61 % des personnes en pertes d’autonomie (GIR 4 à 1) sont à domicile, et 39 % en établissement. Face à la prochaine vague qu’engendrera vers 2030 l’avancée en âge des baby boomers, les prochains gouvernements arriveront-ils à améliorer le maintien à domicile ou faudra-t-il construire massivement de nouvelles places d’Ehpad comme le préfigurent certaines projections ?
D’une cinquième branche à une ''grande loi Autonomie'' ?
Si l’analyse portée précédemment à partir d’une série d’indicateurs semble au final aboutir à un bilan a minima en demi-teinte, l’exécutif peut du moins se targuer d’avoir accompli durant ce quinquennat un pas symbolique avec la création d’une 5e branche et d’un nouveau ''risque Autonomie'' au sein de la Sécurité sociale. Crée par l’article 5 de la loi du 7 août 2020, il s’agit d’une revendication de longue date de l’ensemble du secteur, qui n’a pas manqué d’ailleurs de saluer cette initiative. Au-delà de l’aspect symbolique (non-négligeable), cette loi renforce la position de pilote de la CNSA - encore renforcée depuis par la validation d’une COG augmentant en conséquence ses moyens (lire sur AEF info) - et ouvre la possibilité d’une nouvelle impulsion, tout en permettant une bien meilleure visibilité des efforts budgétaires et des politiques consacrées à l’autonomie (vieillissement et handicap).
Le gouvernement a lui-même fait de cette première loi une première étape avant la présentation d’une loi ''Grand âge'' censée pleinement réaliser les annonces de 2018 du président Macron (lire sur AEF info). Reporté de mois en mois, au nom de la crise sanitaire, ce projet de loi est finalement abandonné fin 2021 - un abandon faisant écho à celui de 2011, lorsque l’exécutif avait aussi abandonné la présentation d’un projet de loi d’ampleur en invoquant les conséquences de la crise de 2008. Ce renoncement a créé une large attente au sein du secteur médico-social (lire sur AEF info), qui attend toujours que certaines questions de gouvernance - notamment sur la place des ARS et des départements - soient tranchées par le biais d’une loi dédiée. C’est également la conclusion à laquelle aboutit la Cour des comptes dans son rapport de février dernier en appelant à une ''nécessaire redéfinition du rôle des ARS et conseils départementaux''. Derrière ces questions, des enjeux d’efficacité et d’équité territoriale - mises en valeur dans le dernier rapport Libault sur un "service public de l’autonomie (lire sur AEF info)" qui seront au cœur des problématiques soulevées lors du prochain quinquennat.
En termes encore de gouvernance, l’un des enjeux de cette future loi pourrait aussi consister à élargir le spectre des politiques du vieillissement en favorisant une approche plus transversale et interministérielle, à l’instar de ce qui a été réalisé dans le domaine du handicap. Au-delà des grandes questions posées en 2018 lors de l’interview d’Emmanuel Macron, s’impose comme une évidence depuis de nombreuses années le fait que des politiques du grand âge efficaces ne peuvent se restreindre au seul champ médico-social mais doivent aussi intégrer la stratégie des politiques de transport, de logement, de prévention, de santé au travail, etc. Dans cette logique, l’évolution de certains indicateurs transversaux, comme l’EVSI, mériteraient d’être scrutés et utilisés plus fréquemment pour mesurer les avancées des politiques mises en place.
L’affaire Orpéa : une boucle sans fin de la maltraitance ?
Il est à noter que la question de la perte d’autonomie est revenue dans la campagne électorale de 2022 du fait du choc provoqué par la sortie du livre de Victor Castanet, ''Les fossoyeurs''. À l’instar de la séquence 2017-2018, ce livre a contribué à refocaliser l’attention médiatique sur la question des Ehpad et de la maltraitance. L’angle d’analyse a toutefois évolué puisque la question centrale posée en début de quinquennat tournait autour du taux d’encadrement et des moyens accordés aux établissements. Avec ''Les fossoyeurs'', c’est désormais plus la question des moyens accordés aux superviseurs (principalement les ARS) qui s’est imposée, débouchant au final sur la présentation d’un nouveau plan (lire sur AEF info) centrée sur un renforcement/amélioration des politiques de contrôle et de transparence.
À noter que cette question de la supervision/contrôle du secteur n’était pas absente du débat jusqu’ici, même si elle était loin de tenir la place qu’elle occupe depuis la sortie du livre de Victor Castanet. La problématique est soulevée dès le rapport Libault de mars 2019 et des préconisations sont alors émises (5). Avant que le scandale n’éclate, la HAS était également en train de finaliser une nouvelle procédure pour l’évaluation externe des établissements d’accueil.
Auditionnée dans la soirée du 8 mars à l'Assemblée nationale, la ministre déléguée à l’Autonomie est revenue sur les mesures de contrôle renforcé des Ehpad, annoncées la veille (lire sur AEF info). Brigitte Bourguignon a précisé l’une des mesures phares - un contrôle de tous les Ehpad français dans les deux ans à venir - en indiquant que cette campagne ne serait pas une édition unique mais la nouvelle norme de contrôle biannuelle pour tous les Ehpad. Pour accompagner cette très nette accélération des contrôles, la ministre a indiqué que les équipes d’inspections des ARS ne devraient pas être renforcées de 100 ETP (information délivrée lundi) mais plutôt et progressivement de 150 emplois ETP. En référence à une récente mission flash, la ministre a aussi écarté l’hypothèse de création d’une nouvelle instance de contrôle indépendante, la jugeant non ''nécessaire''.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
Vous souhaitez contacter
Grégoire Faney,
journaliste