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Opportunisme ou réelle mutation, quel bilan environnemental pour Bercy durant le quinquennat ?

Bercy a-t-il fait sa révolution verte durant le quinquennat ? La réponse ne pourra être que fortement nuancée, l’État dans son ensemble accordant encore une place limitée à la lutte contre le changement climatique et aux autres enjeux environnementaux. Mais les progrès de ce ministère sont indiscutables. En raison à la fois d’une forte pression de ses jeunes hauts fonctionnaires (en particulier à la DG Trésor) et d’un intérêt de son ministre Bruno Le Maire. Si cette double dynamique a abouti à l’éclosion de nombreux outils de transparence, elle fait face à des freins beaucoup plus forts dès lors qu’il s’agit de les transformer en outils de pilotage et de prendre des mesures contraignantes. Une nouvelle étape sera-t-elle franchie dans le prochain quinquennat ? La seule certitude est que la transition écologique ne pourra pas se faire sans ce ministère.

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Les 30 Md€ du plan de relance dédiés à l'écologie sont à mettre à l'actif de Bruno Le Maire (ici le 22 juillet 2020) MaxPPP - IP3 PRESS/MAXPPP

Commençons par tuer tout faux suspense : non, Bercy n’est pas devenu le meilleur allié du climat et de la biodiversité sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Oui, les ministres de la Transition écologique ont continué à batailler en réunions interministérielles et à essuyer de très nombreux échecs lorsqu’ils ont tenté d’imposer des mesures qui ne plaisaient pas à leurs homologues du ministère de l’Économie et des Finances.

La transition, "nouvelle modalité des affaires"

Cependant, un certain verdissement s’est produit ces cinq dernières années du côté du ministère le plus puissant du gouvernement. "Il y a eu une vraie inflexion", témoigne ainsi un ancien du cabinet de Nicolas Hulot. "Au début, c’était du très classique, avec une véritable guerre de tranchées. Nous nous raccrochions au programme du président de la République, c’était très dur. Cela a pas mal évolué au moment du grand débat national. Les sujets environnementaux sont montés fortement. Les élections européennes ont été un succès pour les Verts. Mais la vraie bascule a eu lieu au moment de la crise du Covid, avec le plan de relance. Nous n’avions jamais eu autant d’argent sur la transition écologique. C’était assez spectaculaire."

Un autre acteur cite 2019 comme la véritable année d’accélération : "Cela a dépassé Bercy, l’ensemble du monde économique a pris conscience du fait que la transition allait se faire, qu’on ne pouvait plus la retarder et qu’elle devenait une nouvelle modalité des affaires."

Bruno Le Maire écolo ?

Autre explication : le flair politique de Bruno Le Maire, qui a vu, contrairement à ses prédécesseurs, l’intérêt de se positionner sur ses sujets. "La volonté globale de Bruno Le Maire quand il est arrivé à Bercy était de mobiliser son ministère à l’ensemble des sujets de préoccupation des Français, dont le climat", explique Bercy à AEF info. Le ministre "a rapidement fait le lien avec la finance durable", sentant l’appétence à la fois des acteurs français, dans un contexte de Brexit où il fallait attirer des investissements étrangers, et des acteurs anglo-saxons, à l’image de l’évolution du plus puissant d’entre eux, BlackRock.

Philippe Zaouati, dirigeant de Mirova, rappelle ainsi les "déclarations très fortes" de l’homme de droite, telle que "la finance sera verte ou ne sera pas' (1) ou encore "il faut un renouvellement en profondeur du capitalisme".

Les "techniques de gangsters" des jeunes recrues

Surtout, plusieurs témoignages récoltés par AEF info au sein de la DG Trésor évoquent une véritable mutation de la part d’une partie de l’administration la plus prestigieuse de l’État, avec de jeunes recrues convaincues de l’importance du sujet climatique. Notamment nichés dans les "pol sec" (les sous-directions des politiques sectorielles), ils bénéficient de beaucoup d’autonomie et tentent par tous les moyens de faire avancer leurs dossiers, quitte à recourir à des "techniques de gangster" ou à passer "par la porte arrière".

Des "atouts green" qui ne seraient pas restés dans cette administration il y a une décennie, du fait d’un manque de perspectives professionnelles, et qui y trouvent désormais leur place. Même si certains se disent "démoralisés" lorsqu’on leur ordonne de rendre des avis systématiquement défavorables aux amendements au projet de loi climat et résilience qu’ils approuvent à titre personnel.

"Les jeunes au Trésor poussent énormément le sujet. Les échelons inférieurs font des notes qui montent plus ou moins les étages. Désormais, certaines notes écolos remontent en haut, y compris celles sur la sobriété. Cela aurait été impensable il y a quelques années", confirme un économiste qui a ses entrées à Bercy.

"Nous étions très peu il y a cinq ans à nous intéresser à ces sujets, nous sommes maintenant plus nombreux. J’observe aussi un gros intérêt de la hiérarchie. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’évolution est forte, mais elle est positive", témoigne une haute fonctionnaire de la DG Trésor.

"pas de résistance de la hiérarchie"

Interrogé à ce sujet, Bercy observe chez ses troupes "une conscience totale que la transition écologique est un enjeu structurant. Les jeunes sont plus sensibles et plus formés, mais il n’y a pas de conflit générationnel, il n’y a pas de résistance de la hiérarchie".

Ce que confirme Michèle Pappalardo, ancienne haute fonctionnaire et désormais présidente du label ISR (géré par Bercy) : "Lorsque j’ai quitté le cabinet de Nicolas Hulot puis de François de Rugy [en novembre 2018], la DG Trésor m’a invitée pour un séminaire. Elle se rendait compte qu’elle traitait les dossiers environnementaux sous de nombreux angles différents (commerce, finance, prévisions économiques) et n’avait pas la certitude de traiter le sujet de la même manière dans tous les services. Elle souhaitait s’assurer de la cohérence de ses positions, ce qui n’est pas si simple pour un sujet transversal. J’avais trouvé cette démarche intelligente et pragmatique."

Par la suite, la DG Trésor a créé le poste de "délégué aux enjeux climatiques et environnementaux", occupé depuis septembre 2020 par Stéphane Cieniewski. Agnès Bénassy-Quéré, la cheffe économiste de la direction, s’intéresserait désormais aussi à ces sujets. Emmanuel Moulin, ancien directeur de cabinet de Bruno Le Maire et actuel directeur général du Trésor, participe également de cette ambiance plutôt favorable.

"climato-je-m’en-foutistes"

Il n’en reste pas moins que la majorité des fonctionnaires, s’ils ne sont pas à proprement dits des climatosceptiques, sont des "climato-je-m’en-foutistes", comme Benoît Leguet, directeur général d’I4CE, qualifie les personnes qui relativisent l’enjeu climatique. "Le virus du climat est arrivé au niveau des adjoints et des chefs de bureau, mais cela a encore du mal à percoler chez les sous-directeurs. Dans cinq ans, on y sera", juge une autre source.

Pour Charlotte Gardes, ancienne adjointe au chef de bureau sur la finance durable à la DG Trésor, "le sujet fait peur à beaucoup de gens car il est complexe et nécessite une réflexion technique, sur l’ensemble des mécanismes économiques : parler de CO2 et de méthane, de modélisation et de scénarios énergétiques, ce n’est pas dans le logiciel d’une majorité de l’administration. Il y a surtout un manque de formation, et donc de connaissances suffisamment précises, et fondées sur la science, sur les enjeux climatiques. Or, sans une formation poussée sur ces sujets, on prend des décisions réglementaires peu efficaces, et les réformes sont peu abouties".

La piste européenne

Autre explication à ne pas négliger dans cette évolution positive, la dimension européenne. Bercy est très lié à la machine bruxelloise, et a observé la révolution opérée par la Commission européenne depuis 2019 sous l’impulsion d’Ursula von der Leyen, qui voit le green deal comme la "nouvelle stratégie de croissance" de l’Union européenne. Le ministère a d’ailleurs été très actif sur plusieurs dossiers clés : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, la finance verte (dont la fameuse taxonomie) ou encore le reporting de durabilité. "En créant des normes, l’Europe est très aidante sur ces sujets", confirme une fonctionnaire de Bercy.

En dehors du Trésor, la transformation n’est, selon nos sources, pas aussi forte. Même si elle est réelle à la DGE (direction générale des entreprises), qui a "historiquement une vision défensive", selon un observateur, mais a su accompagner l’enthousiasme du secteur privé sur le volet décarbonation des industries du plan de relance. "Elle commence à avoir une vision de long terme et à voir le climat comme un facteur de compétitivité pour demain. Je ne sais pas si elle est convaincue mais elle y voit son intérêt."

Les autres administrations ont aussi des compétences environnementales, ce qui fait dire à un haut fonctionnaire que Bercy est "le vrai ministère de la Transition écologique" : la direction du budget, qui a participé à l’élaboration du budget vert, la DGCCRF, très impactée par la mise en œuvre de la loi Agec et en charge de réprimer les tentatives de greenwashing sur les produits (lire sur AEF info), l’Agence de participation des entreprises, dont le portefeuille couvre EDF, Framatome, Areva ou encore Engie et qui a travaillé sur l’écoconditionnalité des aides publiques (lire sur AEF info), ou encore le secrétariat général qui met en œuvre la circulaire relative aux "services publics écoresponsables" (lire sur AEF info). Sans oublier la direction des achats de l’État concernée par la politique des achats responsables, la direction générale des douanes impliquée dans la mise en œuvre de la Cites, ainsi que l’IGF et le CGE, les deux inspections du ministère, qui travaillent régulièrement sur des sujets en lien avec l’énergie et l’environnement.

Olivia Grégoire a mis "Un pied dans la porte"

 

L’un des marqueurs de la montée en puissance des sujets de développement durable au sein de Bercy a été la nomination en juillet 2020 d’Olivia Grégoire comme secrétaire d’État à l’Économie sociale, solidaire et responsable. Pour la première fois, une membre du gouvernement a eu explicitement la RSE dans son portefeuille, afin d’animer, notamment, les travaux de gouvernance (en lien avec la loi Pacte, Olivia Grégoire ayant présidé la commission spéciale en charge de son examen à l’Assemblée nationale), de reporting des entreprises et de finance durable.

"Olivia Grégoire a apporté une visibilité politique à la RSE, ce qui a facilité la montée à bord de tous les acteurs. Le rôle de la ministre a été de les convaincre – leur dire que la RSE est une chance pour les entreprises françaises, y compris les PME qui sont plutôt bonnes sur ces sujets – mais aussi de les rassurer : on est là pour défendre leurs intérêts", explique son cabinet à AEF info. "Ce secrétariat est un pied dans la porte pour dire que l’écologie est aussi à Bercy."

"Dire que l’écologie n’est pas une contrainte mais peut avoir un effet positif sur la compétitivité, c’est un discours que pouvait avoir Nicolas Hulot en 2017", note un ancien du cabinet de l’ancien ministre de la Transition écologique à propos d’Olivia Grégoire.

La transparence "vue comme une fin en soi"

Mais quel bilan peut-on tirer de ce verdissement ? L’exemple le plus parlant est probablement celui de la finance durable. Avec la mise en œuvre de l’article 29 de la loi énergie-climat sur le reporting ESG du secteur de la finance, le soutien à la création d’un observatoire de la finance durable et de comités climat à l’AMF et à l’ACPR, la mise en place de stress-tests climatiques, l’élaboration de la taxonomie verte européenne auxquels s’ajoutent, du côté des émetteurs, le rapport Cambourg, la conception de la plateforme impact.gouv.fr, la réforme du Beges et le fort soutien politique à la directive CSRD et aux travaux de l’Efrag pour créer des normes européennes de reporting de durabilité, Bercy n’a clairement pas chômé.

Et pourtant. "Beaucoup aujourd’hui se joue sur la transparence. C’est politiquement assez facile. Oui, plus de transparence et un reporting de qualité, c’est très important, et on en est encore loin. Sans cela, on ne peut pas profondément modifier les pratiques de financement et d’investissement. Mais la transparence est parfois vue comme une fin en soi, surtout dans son 'habillage' politique. Ce n’est pas parce qu’il y a de la transparence que, comme par magie, tout va changer, surtout dans le laps de temps très court que nous a récemment rappelé le Giec. Le mur se rapproche, et il faudrait réfléchir plus sérieusement encore à d’autres leviers réglementaires, à accompagner plus concrètement les entreprises, et à mieux contrôler aussi", juge une source "verte" du ministère. "Ce travail est encore balbutiant. Il faut désormais que ces outils de transparence deviennent des outils de pilotage", abonde une autre source interne.

Le "budget vert", qui permet d’identifier les dépenses de l’État vertes et brunes, et le "jaune budgétaire" sur la transition écologique sont deux autres exemples de cette volonté de transparence. Mais ces documents sont davantage le fruit de la pression de députés LREM (dont Bénédicte Peyrol) que d’une motivation interne à Bercy. Surtout, aucun des deux documents n’a été suivi d’effets. La planification de la suppression des subventions néfastes à l’environnement n’a notamment jamais réellement été à l’ordre du jour depuis la crise des gilets jaunes, note Benoît Leguet.

"Certes, la transparence ne suffit pas", répond le ministère. "Mais on ne fait pas que ça. On a établi des feuilles de route de décarbonation de l’industrie. On est allé assez loin dans le diagnostic des sources d’émissions, l’identification des réductions d’émissions de gaz à effet de serre qu’on peut opérer, l’identification des technologies manquantes et des outils pour affranchir les acteurs de la volatilité des prix carbone."

De la difficulté de sortir du soutien aux fossiles

Néanmoins, plusieurs dossiers montrent bien que Bercy reste au milieu du gué. En annonçant en 2020 la fin des aides à l’export des infrastructures de gaz pour 2035 (cette date tardive ayant été néanmoins abandonnée fin 2021 sous la pression internationale, lire sur AEF info). En se positionnant en faveur de la possibilité d’acheter des véhicules hybrides rechargeables neufs après 2035, dans le cadre des négociations européennes sur le paquet "Fit for 55". En refusant d’être plus directif vis-à-vis de la Place de Paris qui échoue toujours à se doter d’une trajectoire crédible de sortie des hydrocarbures (conventionnels ou non). Ou encore en acceptant d’intégrer le gaz dans la taxonomie verte afin d’obtenir l’inclusion du nucléaire. Et ce en dépit des maintes alertes du Giec, de l’Agence internationale de l’énergie et du Haut Conseil pour le climat sur la nécessité de sortir le plus rapidement possible des énergies fossiles.

Dans le cas de la taxe carbone, Bercy a accéléré dès 2017 la trajectoire décidée sous le quinquennat Hollande, y voyant un moyen de combler le déficit public, sans identifier l’énorme risque social qu’il prenait. Celui-ci s’est rapidement manifesté sous la forme du mouvement des gilets jaunes et a abouti au gel de la hausse de ce signal prix, sur lequel aucune personnalité politique ne semble prête à revenir.

S’agissant de la question de l’écoconditionnalité des aides publiques, cheval de bataille des ONG lors du débat sur le plan de relance, le ministère confirme son opposition : "La transition écologique comme l’égalité hommes-femmes sont des politiques trop importantes pour être reléguées à de la conditionnalité. Elles méritent leurs propres lois. Nous restons également très réservés car l’écoconditionnalité signifie plus de paperasse et de procédures administratives pour les entreprises et suppose un processus de contrôle complexe par les services de l’État."

Le sujet du financement de la transition écologique, lui, continue à être difficilement appréhendé. D’ailleurs, les travaux du think tank I4CE restent la référence en la matière, Bercy ne publiant rien à ce sujet. "La transition écologique va coûter cher", reconnaît le ministère, mais "l’État doit veiller à limiter le coût de la transition pour les Français, et déclencher les investissements publics comme privés. L’État contribue de manière ciblée au financement des investissements, il ne lui revient pas de financer seul l’ensemble des investissements de transition écologique". Avant le plan de relance, dont la transition écologique a bénéficié à hauteur de 30 Md€ — davantage sous l’impulsion d’Emmanuel Macron que de Bercy, selon les sources d’AEF info —, il y avait d’ailleurs "zéro argent additionnel", se souvient un membre du cabinet de Nicolas Hulot.

"Problème de logiciel"

Tous ces exemples montrent que "Bercy n’a pas encore fait sa mutation intellectuelle", tranche une fonctionnaire de la DG Trésor. Et que la transition écologique, si elle n’est plus vue "comme une niche", n’est toujours pas considérée comme "ultra-sérieuse", selon un autre. "Bercy a une vision opportuniste du climat, dans le sens où il voit l’intérêt de travailler sur ce sujet, mais n’a aujourd’hui pas de vision stratégique", analyse Benoît Leguet. "On le voit notamment dans son plan climat, très descriptif. On sent qu’il cherche à circonscrire le périmètre de sa responsabilité à l’industrie alors que cet exercice aurait dû mettre sous tension le ministère sur tous les sujets qui le concernent."

"Les mécanismes de décision restent extraordinairement orthodoxes. Le ministère a rajouté une couche verte, à la marge, comme le fait le secteur de la finance. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant : ce sont les mêmes personnes des deux côtés", complète Philippe Zaouati. Qui se veut pourtant optimiste : "Bercy est une machine qui peut bouger. Il a un problème de logiciel mais la pandémie a montré qu’il pouvait utiliser sa puissance pour faire l’inverse de sa raison d’être en ouvrant les vannes dans tous les sens."

Un ministère de l’économie et du climat ?

De fait Bercy semble plus mûr que d’autres ministères (au hasard le ministère de l’Agriculture) pour poursuivre sa mutation. Au jeu de la "politique-fiction", certains lorgnent sur l’exemple du ministère allemand de l’économie et du climat dirigé par le Vert Robert Habeck. Une configuration qui n’a pas échappé à Bruno Le Maire, rêvant dans son dernier ouvrage de créer un ministère de l’Économie, des Finances et du Climat (qui serait encore plus puissant qu’en Allemagne, Robert Habeck n’ayant pas les finances publiques dans son portefeuille).

Plus que le climat, la priorité de Bercy reste de récupérer l’énergie, compétence qu’il a perdue en 2007 et qu’il n’a retrouvée que de manière éphémère de 2010 à 2011 (2). Entre la relance annoncée du nucléaire et les conséquences de la guerre en Ukraine, le ministère y voit un sujet de souveraineté, industriel et économique, qui aurait davantage sa place dans ses locaux qu’à l’hôtel de Roquelaure. Si cette hypothèse est vue comme favorable par la filière nucléaire, qui considère que les ministres de la Transition écologique la maltraitent, elle est davantage crainte par la filière renouvelable. L’éolien et le photovoltaïque sont en effet vus à Bercy comme coûtant trop cher à l’État et participant peu à la réindustrialisation de la France.

Au-delà de ces enjeux de périmètre, l’enchevêtrement de compétences entre les deux ministères montre qu’un meilleur dialogue devra émerger entre eux si la France veut enfin se mettre sur une trajectoire compatible avec l’accord de Paris (et le futur cadre mondial post-2020 sur la biodiversité, qui sera négocié en septembre à Kunming). Or pour l’heure, s’il y a bien une révolution que Bercy n’a pas encore menée, de l’avis de tous les acteurs interrogés par AEF info, c’est celle de dépasser son immense "condescendance" vis-à-vis de ses collègues de la Tour Séquoia.

(1) Discours du 3 mars 2021.

(2) Pour rappel, la DGEC (direction générale de l'énergie et du climat) a été créée en 2007, au moment de la création du grand ministère de l'environnement de Jean-Louis Borloo, en fusionnant la puissante DGEMP, placée auprès de Bercy, et l'administration du "petit" ministère de l’Écologie en charge du climat. L'énergie a connu depuis un seul aller-retour dans le XIIe arrondissement, avec le passage d'Eric Besson comme ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique de 2010 à 2011.

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Claire Avignon, journaliste