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"L’encadrement excessif des négociations nationales interprofessionnelles par le gouvernement nuit à la qualité de la négociation", estiment aujourd’hui les partenaires sociaux. Le quinquennat de la présidence d’Emmanuel Macron aura été celui d’un changement de paradigme en matière de relations tripartites, avec un exécutif qui aura laissé nettement moins de place que par le passé aux organisations syndicales et patronales. Après un début de quinquennat très directif de la part du gouvernement d’Édouard Philippe, la crise du Covid-19 a été l’occasion d’un retour en grâce des partenaires sociaux. Ainsi, malgré une tentative avortée en début de quinquennat, syndicats et patronat finissent le quinquennat en reprenant une part d’autonomie avec l’adoption et la mise en œuvre d’un agenda social et économique paritaire.
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Régulièrement invités à l'Élysée, les partenaires sociaux auront vu leurs marges de manœuvre se réduire durant le quinquennat. MaxPPP - IP3 PRESS/MAXPPP
"La loi posera le socle commun auquel la négociation ne peut déroger, socle qui constitue les droits essentiels communs à l’ensemble des salariés de notre pays ; pour toutes les autres règles du travail, je laisserais la plus grande liberté à la négociation collective d’entreprise, de groupe ou de branche." Telle est la réponse faite par Emmanuel Macron, à un questionnaire de la CFDT transmis dans le cadre de la campagne électorale de 2017. Pour le candidat de l’époque, la place des partenaires sociaux est avant tout dans les entreprises, voire dans les branches, le tout dans un cadre défini par la loi. D’emblée, la méthode est affichée : la négociation nationale interprofessionnelle ne doit pas être un passage obligé et il est hors de question de reproduire la méthode adoptée lors du quinquennat précédent, avec des conférences sociales destinées à fixer le programme de travail paritaire. Il faut aller vite et être efficace, quitte à éloigner les acteurs sociaux.
De fait, il s’agit clairement de la méthode adoptée pour la réforme du code du travail qui aboutira aux ordonnances de septembre 2017. Certes, le gouvernement consulte les partenaires sociaux, mais fort de sa légitimité issue des récentes élections présidentielle et législatives, l’exécutif considère qu’il n’y a pas lieu d’associer particulièrement les acteurs paritaires. Et ceci d’autant plus que d’une part, ces ordonnances constituent une étape supplémentaire dans la logique de décentralisation de la négociation lancée depuis une quinzaine d’années, et que d’autre part, après les lois Rebsamen de 2015 et El Khomri de 2016, les positions des uns et des autres sont connues. La réforme structurelle de début de mandat ne passe donc pas par la négociation nationale interprofessionnelle comme durant les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande -avec les ANI des 11 janvier 2008 et 2013 sur la modernisation du marché du travail et sur la sécurisation de l’emploi-, mais directement par ordonnances. Et les mobilisations de certaines organisations syndicales ne pèseront ni sur la forme, ni sur le fond de la réforme.
Le premier tour de l’élection présidentielle 2022 se tiendra dimanche 10 avril. Durant les deux semaines qui précèdent, la rédaction Social-RH d’AEF info fait le point sur les grands dossiers sociaux en cours : ceux qui ont occupé l’exécutif au cours des cinq années écoulées, ceux qui restent à traiter par la prochaine équipe au pouvoir. Après un retour en 50 dates sur les principaux événements sociaux de la période 2017-2022 (lire sur AEF info), une vingtaine de dépêches passeront au crible les sujets du moment : retraites, droit du travail, formation professionnelle, missions des agents publics, protection sociale complémentaire, lutte contre la pauvreté… Pour compléter ces analyses, vous pouvez également consulter les comparateurs de programme réalisés par AEF info.
non-respect des compromis paritaires
Comme lors des précédents quinquennats, après la réforme du marché du travail, vient le temps des réformes de la formation professionnelle et de l’assurance chômage (lire sur AEF info). Plus classiquement, sur la base du programme de campagne d’Emmanuel Macron, l’exécutif saisit les partenaires sociaux qui ouvrent des négociations et aboutissent à deux ANI, le 22 février 2018. Ce matin-là, alors que les partenaires sociaux prévoient une dernière relecture de l’ANI formation avant de l’ouvrir à la signature, c’est la douche froide. Invitée sur un plateau de télévision, la ministre du Travail de l’époque, Muriel Pénicaud, dit avoir un "avis contrasté" sur le texte, regrettant l’absence de "big bang" structurel du système de formation professionnelle appelé de ses vœux par le gouvernement.
En réaction, les organisations syndicales conditionnent leur signature de l’ANI sur l’assurance chômage au respect du texte par les pouvoirs publics. Le niveau de confiance réciproque entre partenaires sociaux et exécutif est alors au plus bas. La transcription des mesures dans la loi "Avenir professionnel" et la décision visant à encadrer formellement les négociations d’assurance chômage ne vont pas vraiment apaiser les relations.
tentative avortée d’autonomie paritaire
Si les pouvoirs publics ne comptent pas sur les partenaires sociaux, c’est peut-être le moment pour ces derniers de relancer des travaux paritaires autonomes. Telle est en substance l’analyse des organisations syndicales et patronales qui décident d’une rencontre entre numéros un, le 11 juillet 2018. C’était sans compter sur l’Élysée qui, la veille, annonce l’organisation d’un sommet social pour le 17 juillet. En pratique, cette initiative coupe l’herbe sous le pied des partenaires sociaux et il faudra attendre 2021 pour que syndicats et patronat se lancent à nouveau dans une démarche autonome des travaux souhaités par l’État.
Organisée fin août-début septembre 2018 sous l’égide du Premier ministre, Édouard Philippe, la série de réunions bilatérales aboutit à un nouveau programme de travail "pour poursuivre la rénovation de notre modèle social". Retraite, santé au travail ou encore assurance chômage sont inscrites à l’ordre du jour. Cette nouvelle négociation sur l’assurance chômage aura été caractéristique des relations contrariées entre la sphère politique et la sphère sociale. Le document de cadrage de Matignon très contraint et les interférences médiatiques régulières du président de la République expliquent en partie l’échec de la négociation en février 2019.
émergence des "gilets jaunes"
Fin 2018, émerge une nouvelle forme de contestation sociale avec le mouvement des "gilets jaunes". Parallèlement à un Emmanuel Macron dont le début de mandat a été caractérisé par une verticalité de la prise de décision et des propos qu’il jugera lui-même maladroits plus tard, les contestataires interpellent directement au chef de l’État. En outre, organisée de manière très horizontale et médiatisée par quelques leaders disant ne représenter aucune organisation, cette contestation ne passe pas par les syndicats, voire, à quelques exceptions territoriales près, les rejette complètement. Des semaines durant, la tension va croissant avec des violences entre manifestants et forces de l’ordre.
Face aux revendications principalement axées sur le pouvoir d’achat, l’exécutif ne s’encombre pas de concertations avec des partenaires sociaux peu influents sur le mouvement et répond avec la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.
une réforme des retraites stoppée par le covid
Dans un autre registre, la gestion par l’exécutif de la réforme des retraites en dit beaucoup sur le poids que représentent les partenaires sociaux aux yeux du gouvernement de l’époque. Censée être la "mère des réformes", ce dossier constitue un des plus gros ratés du quinquennat. Naturellement, malgré les très nombreuses concertations, les oppositions sont nombreuses que ce soit vis-à-vis de la réforme systémique en tant que telle et/ou des dispositions paramétriques destinées à dégager des marges de manœuvre financières.
Fin 2019, les mouvements sociaux d’ampleur se succèdent, mais l’exécutif maintient son cap, allant jusqu’à invoquer le 49-3 pour contrer la stratégie annoncée d’obstruction parlementaire. Au final, ce ne sont pas les oppositions syndicales ou politiques qui auront raison du projet, mais un coronavirus qui apparaît en Chine avant de se transformer en pandémie mondiale début 2020.
des partenaires sociaux comme relais du terrain
La crise sanitaire liée au Covid-19 et ses conséquences économiques immédiates remettent tout à plat en ouvrant une nouvelle ère pour les relations tripartites. Au plus fort de l’urgence sanitaire, les réunions se multiplient entre ministères et partenaires sociaux qui, à l’instar des anciens délégués du personnel dans les entreprises, sont chargés de faire remonter les difficultés rencontrées sur le terrain.
Le "quoi qu’il en coûte" est alors à l’œuvre et les difficultés sont traitées au fur et à mesure par de très nombreux textes législatifs et réglementaires pris au cours de l’année 2020. Au-delà des réponses pratiques parfois très sectorielles, les partenaires sociaux parviennent aussi à proposer aux pouvoirs publics des dispositifs tels que Transco ou l’APLD.
le retour des conférences sociales…
Mi-2020, l’arrivée de Jean Castex à Matignon se traduit aussi par un changement de méthode. Sous le pilotage de cet ancien conseiller social de l’Élysée au début des années 2010 rompu aux discussions avec les partenaires sociaux, des conférences de dialogue social sont organisées et un nouvel agenda est fixé. Est alors formalisé un programme de travail entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics avec toute la palette des modes d’action :
Le périmètre de travail est particulièrement large et, selon les thèmes, les objectifs apparaissent aux acteurs plus ou moins atteignables. Finalement, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, qualifiera plus tard cet agenda d'"absolument pas réaliste", considérant qu’il était trop ambitieux pour être efficace.
…et de l’agenda social autonome
Juste avant la troisième conférence de dialogue social programmé en mars 2021 par le gouvernement, les partenaires sociaux font un pas de côté d’importance et finalisent un "agenda social et économique autonome" ; seule la CGT refuse d’y participer, estimant que le programme paritaire ne prend pas en compte ses revendications. Si les partenaires sociaux prennent bien garde de ne pas opposer leur initiative aux travaux tripartites dirigés par le gouvernement, il n’en reste pas moins que ce choix s’apparente bel et bien à une pierre jetée dans le jardin de l’exécutif. Officiellement, ce dernier ne réagit pas, mais officieusement, l’agacement est patent.
Désormais donc, il y a deux programmes de travail distincts qui cohabitent dans le champ social et qui parfois se rejoignent. C’est notamment le cas sur la formation professionnelle, avec la conclusion en octobre 2021 d’un accord-cadre national interprofessionnel, puis l’installation par le ministère d’un groupe de travail paritaire pour adapter certaines dispositions en la matière de la loi "Avenir professionnel" de 2018.
consensus paritaire contre "l’encadrement excessif"
Si syndicats et patronat ont retrouvé une forme d’autonomie à l’approche de nouvelles échéances électorales, les premières années du quinquennat ne peuvent qu’avoir laissé des traces. "L’encadrement excessif des négociations nationales interprofessionnelles par le gouvernement nuit à la qualité de la négociation." Cette appréciation est celle des partenaires sociaux dans leur évaluation du paritarisme du 17 décembre 2021 qui a débouché sur l’ouverture d’une négociation prévue dans le cadre de leur agenda social autonome.
Pour les organisations syndicales et patronales, la négociation est désormais "de plus en plus corsetée" par un cadrage tel qu’il ne laisse pas de marges de manœuvre et "par le non-respect des conclusions de l’accord par le gouvernement", comme ce fut le cas sur l’ANI Formation de 2018. S’il y a un point de consensus dans cette négociation, c’est bien celui de la mauvaise articulation entre exécutif et partenaires sociaux. Ces derniers espèrent aboutir à un accord sur le paritarisme le 12 avril prochain et s’ils y parviennent, reste à savoir si le futur exécutif en tiendra compte.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
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Jérôme Lepeytre,
journaliste