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Réforme de l’inspection générale, nouveau Conseil d’évaluation de l’école, création d’un Conseil scientifique de l’Éducation nationale… En 5 ans, le MEN a mis en place de nouvelles organisations dans le cadre de l’évaluation du système éducatif, une activité que Jean-Michel Blanquer souhaite "mieux ancrer" dans la culture de l’Éducation nationale. Autre marqueur de ce quinquennat en matière de pilotage du système éducatif : le choix de procéder par expérimentations sur certains territoires avant de généraliser éventuellement la mise en place d’une mesure. C’est le cas des "écoles du futur" à Marseille, des contrats locaux d’accompagnement, des territoires numériques éducatifs et des territoires éducatifs ruraux. Le fonctionnement de la chaîne de décision et l’organisation des acteurs de l’éducation, face au numérique en particulier, ont par ailleurs été questionnés par la crise Covid.
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L'exécutif a fait plusieurs fois le choix de tester une réforme par expérimentations sur les territoires, avant de l’élargir.
Lors de sa nomination en mai 2017 comme ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer est inconnu du grand public mais bien connu des acteurs de l’Éducation nationale : ancien recteur, ancien directeur de cabinet de Gilles de Robien et ancien Dgesco pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il fait partie des ministres des gouvernements d’Édouard Philippe puis de Jean Castex reconnus comme "experts" de leur domaine, qui connaissent bien le fonctionnement de l’Éducation nationale (lire sur AEF info).
Alors que dans son ouvrage l’École de demain écrit en 2016, Jean-Michel Blanquer plaidait pour "une véritable déconcentration dans le cadre d’une autonomie des établissements" (lire sur AEF info), quelles sont les principales actions de son ministère depuis 5 ans concernant l’organisation du système éducatif et de l’administration de l’Éducation nationale ?
une culture de l’évaluation que le ministre veut faire progresser
Jean-Michel Blanquer a plusieurs fois répété son souhait de "faire entrer l’évaluation dans la culture de l’Éducation nationale". Sur le volet pédagogique, il met ainsi en place notamment des évaluations systématiques des élèves en CP, CE1, 6e et 2nde (lire sur AEF info) et sur le volet plus institutionnel, remplace le Cnesco par un Conseil d’évaluation de l’école (CEE).
Installé en juin 2020, ce CEE doit organiser l’évaluation du système éducatif et mettre en place l’évaluation des établissements scolaires (lire sur AEF info). Celle-ci n’en est, à ce jour, qu’à ses débuts - la crise Covid ayant retardé les procédures - et ne devrait être réalisée que tous les 5 ans pour chaque établissement. 22 % des EPLE - essentiellement des lycées, publics et privés sous-contrat - ont été ou seront évalués en 2021-2022 (lire sur AEF info). L’évaluation des écoles est expérimentée dans certaines académies depuis septembre 2021 et devrait être mise en œuvre à la rentrée 2022 (lire sur AEF info).
Quant à la partie "inspection générale", comme il l’avait annoncé dans son ouvrage de 2016, Jean-Michel Blanquer procède, avec Frédérique Vidal, à la fusion de l’Igen, l’IGAENR, de l’IGB, de l’IGJS, pour créer en septembre 2019 l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), dirigée par Caroline Pascal (lire sur AEF info). L’objectif affiché est de "mieux articuler les politiques publiques à l’école, de la maternelle au doctorat, touchant aussi bien l’éducation, la formation et l’épanouissement de la jeunesse, l’engagement des élèves et des étudiants dans le sport, la vie associative ou encore la lecture publique". Par ailleurs, à peine mise en place, cette inspection connaît à nouveau des évolutions importantes, dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, avec la fonctionnalisation des inspecteurs généraux, qui soulève des interrogations sur les carrières et l’indépendance des inspecteurs généraux (lire sur AEF info).
Le ministre crée également en janvier 2018 un Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) doté d’un pouvoir consultatif (lire sur AEF info). Composé d’une vingtaine de personnalités reconnues travaillant dans différentes disciplines scientifiques, il peut être saisi sur tous les sujets afin "d’apporter des éclairages pertinents en matière d’éducation". L’idée est de "permettre à l’ensemble de la communauté éducative de bénéficier des dernières avancées de la recherche". Présidée par le neuropsychologue Stanislas Dehaene, cette instance reste critiquée par des acteurs de l’Éducation nationale qui contestent la place des neurosciences dans les réflexions sur l’enseignement scolaire.
Un rapprochement des académies sans réelle mise en cohérence
L’organisation des académies a également été réformée. À l’été 2018, Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal annoncent la fusion de plusieurs académies pour parvenir à une académie par région. Toutefois, un an plus tard, le gouvernement opte finalement pour un "simple" rapprochement entre les académies d’une même région académique, avec un renforcement du rôle des huit recteurs de région (lire sur AEF info). Le sujet de la fusion des académies était sur la table depuis la création des grandes régions en 2016 sous le quinquennat de François Hollande mais Jean-Michel Blanquer y a finalement renoncé après "avoir écouté les acteurs", "pour des raisons pragmatiques et pour avoir plus de proximité avec le terrain" (lire sur AEF info).
Avec ce choix d’organisation, le ministère veut maintenir un "cadre cohérent" : la carte des DSDEN et des académies est conservée pour "assurer un pilotage de proximité des établissements et la mise en œuvre des réformes pédagogiques tout en répondant aux contextes territoriaux et aux attentes des usagers, et des partenaires locaux". Mais la gestion des ressources humaines et les responsabilités budgétaires restent à l’échelle de chaque académie.
Dans les faits, si les régions académiques ont mis en place des services communs transversaux pour certains sujets (international, numérique, enseignement supérieur avec la création d’un poste de recteur ESRI, etc. ), le pilotage reste à un niveau académique pour un très grand nombre de dossiers et l’objectif de mise en cohérence des politiques éducatives à l’échelle régionale reste à atteindre.
Concernant les recteurs, les mouvements ont été importants pendant ces cinq ans : seuls quatre recteurs étaient en poste avant le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Jean-Michel Blanquer souhaite diversifier le profil des recteurs et fait porter à 40 % la proportion de recteurs non titulaire d’une HDR. Dans ce cadre, une des nominations marquantes reste celle de Charline Avenel, qui obtient en premier poste la plus grosse académie : Versailles. Le dernier mouvement de mars marque une nouvelle étape dans cette évolution : la nomination pour la première fois d’un préfet comme recteur et inversement (lire sur AEF info). À noter également que plusieurs proches de Jean-Michel Blanquer, comme Jean-Marc Huart (Dgesco), Christophe Kerrero et Raphaël Muller (membres de son cabinet) sont devenus recteurs.
pas de réforme de l’éducation prioritaire mais un nouveau dispositif expérimenté
Concernant le pilotage de l’éducation prioritaire, Jean-Michel Blanquer confie à Ariane Azéma et Pierre Mathiot, en octobre 2018, une mission "Territoires et réussite" pour apporter une vision globale sur l’évolution de la politique d’éducation prioritaire et la définition de politiques dédiées au monde rural, dans le but de réformer l’éducation prioritaire en 2020. Il décide dans un premier temps de reporter à 2021 la modification de la carte des REP (lire sur AEF info).
Finalement, jugeant la période des élections municipales de 2020 peu propice à cette réforme, le MEN décide de maintenir la carte des réseaux actuelle mais de tester des contrats locaux d’accompagnement (CLA) à la rentrée 2021 dans trois académies, dans le but d’introduire plus de progressivité dans l’allocation des moyens (lire sur AEF info). Ce projet est porté par la secrétaire d’État chargé de ce dossier, Nathalie Élimas, nommée à l’été 2020.
Ce dispositif, présenté comme un possible préfigurateur d’une réforme plus large, concerne les écoles et établissements qui peuvent être socialement proches de l’éducation prioritaire ou situés dans des territoires ayant des besoins d’accompagnement particuliers. Sans attendre une évaluation complète du dispositif, le MEN décide d’étendre cette expérimentation à 12 académies à la rentrée 2022 (lire sur AEF info).
La loi "pour une école de la confiance" est discutée au Parlement dans le premier semestre de l’année 2019 et promulguée le 26 juillet. Elle prévoit notamment l’abaissement de l’instruction obligatoire à l’âge de 3 ans, la création du Conseil d’évaluation de l’école, l’obligation de formation jusqu’à l’âge de 18 ans, la mise en place d’un rectorat de plein exercice à Mayotte. La mesure la plus débattue du texte, portant sur le rapprochement de l’école élémentaire et du collège (EPLESF), est finalement retirée (lire sur AEF info).
La loi crée également un "service public de l’École inclusive", qui prévoit la création dans chaque département de pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), chargés de coordonner les moyens d’accompagnement. Dans un rapport, les députés constatent globalement que le pilotage des politiques d’inclusion a été "amélioré" sur 5 ans, tant au niveau national que territorial, mais ces "avancées institutionnelles" peinent encore à être perçues sur le terrain. Plusieurs points restent à améliorer : la simplification du parcours de scolarisation, la formation des enseignants et le lien avec le secteur médico-social (lire sur AEF info).
Autre dispositif de pilotage éducatif conçu pour répondre à des besoins particuliers, en miroir des REP : les territoires éducatifs ruraux. Lancé en 2021 dans trois académies puis étendu à sept, ce programme d’expérimentations (inspiré des Cités éducatives) vise à développer l’ambition scolaire et la mobilité des élèves de zones rurales (lire sur AEF info). Chaque territoire éducatif rural repose sur un réseau constitué d’au moins un collège et de ses écoles de rattachement, au sein d’un bassin de vie, en lien avec différents acteurs (lycées, établissements d’enseignement supérieur, entreprises, associations, services sociaux, etc.).
Les écoles de Marseille, terrain d’expérimentation
L’exécutif veut également réformer le pilotage des établissements scolaires. En septembre dernier, lors de sa présentation du Plan "Marseille en grand", Emmanuel Macron annonçait, sans aucune concertation en amont, sa volonté d’expérimenter le libre recrutement de professeurs pour une cinquantaine d’écoles laboratoires ou "écoles du futur".
Vue comme une esquisse du projet pour l’école du candidat Emmanuel Macron (lire sur AEF info), cette expérimentation permet aux directeurs d’école de participer au choix de leurs enseignants et de lancer des projets pédagogiques ou d’organisation innovants (lire sur AEF info).
Les projets sont variés et portent par exemple sur l’organisation des espaces scolaires, le continuum entre temps scolaire et périscolaire, ou encore des pédagogies innovantes telles que la manipulation pour enseigner les mathématiques, les pratiques immersives en langue vivante ou le lien entre structures musicales et apprentissages fondamentaux. 59 écoles candidates ont été retenues pour expérimenter le dispositif, qui ne fait pas l’unanimité auprès des syndicats (lire sur AEF info).
Des relations parfois tendues entre éducation nationale et collectivités
En matière de pilotage des politiques éducatives, les relations entre l’Éducation nationale et les collectivités ont parfois été tendues au cours des cinq ans : réforme de l’orientation, gestion de la crise Covid, etc. À plusieurs reprises, des difficultés de coordination entre les territoires et l’État sur les questions éducatives, déjà rencontrées dans le dossier des rythmes scolaires pour le 1er degré lors du quinquennat précédent, ont été pointées. Les collectivités réclament "un véritable dialogue avec les services de l’Éducation nationale et une plus grande considération", écrivent les sénateurs dans plusieurs rapports (lire sur AEF info).
Sur le sujet de l’orientation par exemple, la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" de septembre 2018 confie aux régions la responsabilité d’organiser des actions d’information auprès des élèves sur les métiers et les formations. La loi prévoit aussi de transférer une partie des Dronisep aux régions. Dans les faits, l’application de cette réforme s’est déroulée lentement, chaque région ayant des pratiques différentes, mais aussi en raison de la crise Covid. Le dialogue pas toujours fluide entre Éducation nationale et collectivités fait partie aussi des freins évoqués (lire sur AEF info).
La gestion de la crise Covid (cf. encadré) a également mis en exergue ce problème, les collectivités regrettant de ne pas être associées plus étroitement et en amont aux décisions concernant l’école (lire sur AEF info).
La crise du Covid-19 a bousculé, comme tous les secteurs d’activité, l’Éducation nationale : fermeture des établissements scolaires, mise en place dans l’urgence de l’enseignement à distance, aménagement des concours et examens, gestion de l’équilibre entre protection sanitaire, lutte contre le décrochage scolaire et reprise de l’activité économique… Les acteurs éducatifs se retrouvent en première ligne dans la gestion de cette crise, devant sans cesse adapter et modifier leur organisation dans l’urgence (lire sur AEF info).
Cette crise a questionné le fonctionnement de la chaîne hiérarchique au sein de l’Éducation nationale, connue pour être très verticale : "Il faut développer une culture de la confiance, de l’autonomie, avec moins de règles mais davantage respectées, et en donnant les outils aux acteurs", déclarait en 2020 à AEF info le ministre Jean-Michel Blanquer (lire sur AEF info), qui pense toutefois que l’organisation des services de l’État, avec "une Éducation nationale relativement centralisée, accompagnée d’une déconcentration du système éducatif, a été un atout" pour la France lors de la crise Covid. Pour l’inspecteur général Aziz Jellab, cette "logique d’accompagnement dans le pilotage de l’Éducation nationale, qui reste à définir et à consolider, représente le défi de l’école à venir".
Sur le numérique, une (re)mobilisation des acteurs
La crise sanitaire a profondément marqué aussi l’organisation des acteurs de l’éducation face au numérique. Avec l’enjeu d’une "continuité éducative" pour tous, les opérateurs de l’Éducation nationale ont dû se repositionner avec en particulier un rôle accru donné au Cned sur l’enseignement à distance (lire sur AEF info) et à Canopé sur la formation des enseignants (lire sur AEF info).
La réorganisation des services de l’Éducation nationale pour mieux appréhender les enjeux du numérique avait d’ailleurs démarré avant la pandémie. La DNE avait ainsi pris un "virage" avec une structuration en trois sous-directions et deux délégations afin de mieux conduire la "transformation numérique" (lire sur AEF info).
Symbole de la "vision partagée sur les grands enjeux du système éducatif" voulue par Jean-Michel Blanquer : "Poitiers capitale de l’Éducation nationale", un "hub" annoncé fin 2017 faisant la part belle au numérique (lire sur AEF info) et qui devait accueillir les "États généraux du numérique", finalement organisés en ligne en raison du Covid-19 (lire sur AEF info).
Dans les territoires, le MENJS souhaite également organiser son action différemment au travers, une nouvelle fois, d’expérimentations TNE inscrites au PIA, et censées placer les collectivités au cœur de l’approche (lire sur AEF info). Après deux démonstrateurs dans l’Aisne et le Val-d’Oise (lire sur AEF info), 10 autres projets sont annoncés (lire sur AEF info).
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Cyril Duchamp,
journaliste