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"La SNCF traverse une période de transformation accélérée, liée à l’ouverture à la concurrence. Nous sortons du monopole dans lequel nous étions, avec l’arrivée de plusieurs acteurs ferroviaires", rappelle François Nogué, le directeur des ressources humaines du groupe SNCF, dans une interview à AEF info. Face à ces changements "potentiellement anxiogènes pour les salariés, l’enjeu de l’accompagnement des femmes et des hommes est absolument majeur", ajoute-t-il. La SNCF a lancé le "programme Humain" pour répondre à ces enjeux, et vient de conclure deux accords, l’un unanime en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, l’autre visant à mieux accompagner les salariés en situation de handicap signé par trois organisations syndicales représentatives. La direction et les syndicats vont désormais s’attaquer au dossier de la mobilité et des parcours professionnels.
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François Nogué, DRH du groupe SNCF Orano - Frédérique Veysset
AEF info : "Les salariés doivent pouvoir s’épanouir dans leur travail et vivre le temps qu’ils passent dans l’entreprise comme un moment positif de leur vie", a déclaré le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, en septembre 2021. Cette déclaration se matérialise dans le "programme Humain" que vous avez lancé en fin d’année. Dans quel contexte s’inscrit ce programme ?
François Nogué : Il existe des grands programmes transverses dans l’entreprise, sur la régularité, sur l’information des voyageurs, ou encore la sécurité… Nous avons considéré que l’humain était un sujet fondamental dans le projet d’entreprise de la SNCF. C’est un marqueur fort de la SNCF, qui une entreprise de femmes et d’hommes, de service et de production.
Par ailleurs, la SNCF traverse une période de transformation accélérée, liée à l’ouverture à la concurrence. Nous sortons du monopole dans lequel nous étions, avec l’arrivée de plusieurs acteurs ferroviaires. Tout cela entraîne des modifications, par exemple depuis janvier 2020 la fin du recrutement au statut et le recrutement de contractuels, au nombre de 29 000 aujourd’hui et qui seront 70 0000 dans dix ans, soit autant que de statutaires. Nous mettons en place des normes conventionnelles de branche, qui viennent se substituer aux règles classiques historiques de la SNCF. C’est le cas avec la nouvelle classification des emplois, signée au sein de l’UTP en décembre 2021 (lire sur AEF info). De la même façon, les règles de rémunérations des contractuels évoluent et sont harmonisées, les facilités de circulation qui étaient l’apanage de la SNCF vont devenir un avantage en nature pour l’ensemble des salariés de la branche, la caisse de retraite et de prévoyance des cheminots va devenir une caisse de Sécurité sociale pour tous les salariés de la branche… Tous ces changements de repères sont importants pour les cheminots.
De plus, l’ouverture à la concurrence va se traduire par le transfert des contrats de travail vers d’autres sociétés, soit vers des concurrents, soit vers des filiales de la SNCF. Face à ces changements potentiellement anxiogènes pour les salariés, l’enjeu de l’accompagnement des femmes et des hommes est absolument majeur, et conditionne l’engagement des salariés et leur confiance dans l’entreprise. C’est pour cela que l’on a créé ce "programme Humain", dont le nom est "SNCF et moi", pour souligner l’attention que nous souhaitons porter à chacun.
AEF info : Pouvez-vous détailler le contenu de cette feuille de route ?
François Nogué : Le programme rassemble une dizaine de chantiers de travail que l’on a organisés autour de quatre écosystèmes qui renvoient à l’expérience salariée dans l’entreprise :
AEF info : L’accord en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de la mixité, signé à l’unanimité des organisations syndicales le 9 novembre 2021, s’inscrit dans le troisième volet, relatif au "salarié au sein de la SNCF". Pouvez-vous détailler son contenu ?
François Nogué : L’accord a été signé par nos quatre organisations syndicales représentatives le 9 novembre 2021. Il y a dans cet accord des objectifs quantifiés (amélioration des recrutements féminins, égalité des promotions ou des rémunérations, etc.), qui se traduisent par des chiffres au niveau de l’Index de l’égalité, qui est désormais de 88/100, contre 80 il y a trois ans. Nous nous engageons à recruter 25 % de femmes en 2024, contre 20 % en 2020. C’est un objectif très ambitieux, car nos recrutements se font dans des métiers très techniques, avec des contraintes importantes (travail de nuit, 3x8, travail le week-end…).
Par ailleurs, l’accord prévoit que tous les objectifs sont déclinés en feuilles de route annuelles dans chacune de nos cinq SA. Dans le cadre de ces feuilles de route, il y aura des comités de suivi avec les organisations syndicales, ce qui constitue un véritable engagement.
L’accord met en place la démarche "Optimixte", qui permettra d’engager un audit d’ici fin 2022 dans tous les établissements sur les conditions de vie et de travail. L’idée est de savoir si l’accueil des femmes se fait dans de bonnes conditions sur le terrain (y a-t-il des vestiaires ou douches séparés ? Des EPI adaptés ?). Cela se traduira par des programmes d’amélioration des conditions de travail.
Enfin, nous allons travailler sur les biais et trois éléments en particulier : les biais de recrutements, les biais concernant le plafond de verre, et la question de la parentalité. L’accord prévoit des mesures nouvelles pour encourager la parentalité, par exemple en étudiant les freins à la prise des congés de paternité et les solutions pour y remédier. Des mesures visant à lutter contre le harcèlement sont également prévues, avec des moyens supplémentaires en cas de harcèlement pour accompagner les femmes et la création de deux référents harcèlement par CSE, disposant de 50 heures de délégation pour exercer leur mission.
AEF info : De même, l’accord en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap, signé par trois organisations syndicales sur quatre (Unsa Ferroviaire, SUD Rail et CFDT, à l’exception de la CGT) le 31 janvier 2022, est une déclinaison du "programme Humain". Comment comptez-vous faire progresser la part des travailleurs en situation de handicap, actuellement de 5 % ?
François Nogué : Pour ce quatrième accord, nous avons à la fois des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Nous nous engageons à un rythme de recrutement important de personnes en situation de handicap, ce qui passe par l’information et la sensibilisation du management et l’animation d’un réseau de correspondants handicap, qui jouent un rôle très fort dans cette sensibilisation et dans l’écoute des salariés handicapés. Nous voulons aussi mieux reconnaître le handicap chez les salariés en place, alors que le handicap n’est pas visible dans 80 % des cas. Cela nécessite d’aller se déclarer et demande de l’accompagnement et à être sécurisé.
L’objectif est d’atteindre les 6 % légaux, alors que nous sommes aujourd’hui à 5 %. C’est un objectif ambitieux. Nous ne sommes pas encore à 6 % en raison de la particularité de nos métiers (conduite des trains, travaux d’infrastructure, entretien des matériels roulants…). Les trois quarts de nos métiers, qui sont exposés, sont soumis à une habilitation de sécurité. Certains étaient exclus dans le passé de l’assiette de calcul, mais ont été réintégrés.
En outre, nous nous sommes engagés avec les organisations syndicales à faire des études ou audits dans deux domaines : sur les éventuels écarts d’évolution professionnelle, pour voir pourquoi et comment ces écarts existent, et sur les processus de recrutement et de reconversion interne, afin de nous assurer qu’il n’existe pas de biais en lien avec le handicap dans le traitement des candidatures et d’y remédier le cas échéant.
AEF info : D’autres sujets, découlant du programme "SNCF et moi", vont faire l’objet de négociations cette année. Quel sera l’agenda social pour 2022 ?
François Nogué : Un sujet va être au cœur de nos travaux cette année. Il s’agit d’un projet de négociation sur la mobilité et les parcours professionnels. Ce sujet va nous occuper une partie de l’année, jusqu’aux élections professionnelles prévues en novembre 202. Nous allons essayer d’aborder plusieurs sujets : l’évolution des métiers dans l’entreprise (avec une cartographie des métiers en évolution et en récession), les parcours professionnels (avec la mobilité dans les SA et entre les SA, et les passerelles entre métiers), la question de la promotion sociale, la formation et l’articulation entre l’orientation professionnelle et la formation et l’utilisation du CPF (déclinaison de la "loi avenir professionnel"). Il y aura aussi une réflexion sur les seniors. Cette négociation va être d’autant plus importante dans le contexte actuel que l’entreprise évolue, y compris en termes organisationnels. Une des grosses interrogations des syndicats est comment garantir qu’on appartient à la même famille, et qu’on pourra continuer à évoluer dans le groupe au sein des sociétés et d’une société à l’autre.
D’autres chantiers, sur les conditions de travail et l’aménagement des locaux de travail, sur les questions relatives à la parentalité notamment pour les couples homoparentaux, ou sur les parcours syndicaux ou encore sur la prévoyance seront aussi à l’agenda.
Seules deux organisations syndicales, l’Unsa Ferroviaire et la CFDT Cheminots, rassemblant 42,72 % de représentativité syndicale, ont signé le projet d’accord sur les salaires que leur avait soumis la direction de la SNCF le 17 novembre 2021 (lire sur AEF info). La CGT Cheminots et Sud Rail ont refusé de parapher ce texte. Dans un courrier adressé à la CFDT le 9 décembre, le DRH groupe, François Nogué, indique toutefois que la SNCF appliquera l’accord NAO 2021-2022 "dans son intégralité", "considérant la valeur, pour les salariés, de la mise en œuvre de l’ensemble des propositions du projet d’accord". Ainsi, le montant maximal de la prime de pouvoir d’achat sera versé, tout comme celui de la "prime de travail" (lire sur AEF info). D’autres mesures, concernant les grilles de salaire ou le déroulement de carrière, seront également appliquées.
L’UTP ouvre à la signature des syndicats, du 6 au 15 décembre 2021, un nouveau projet d’accord de branche relatif aux classifications et aux rémunérations, apprend AEF info. La négociation sur le sujet, ouverte en 2018, a repris le 30 novembre, à la demande des quatre organisations syndicales représentatives (CGT, Unsa, Solidaires et CFDT). Elle a permis de déboucher sur un texte, qui reprend le contenu de celui de janvier 2020 (lire sur AEF info) - signé par deux syndicats mais frappé d'opposition majoritaire par les trois autres (lire sur AEF info) - enrichi de deux dispositions : l’une complète les paliers d’ancienneté à 27 et 30 ans, l’autre introduit des mesures très attendues relatives aux facilités de circulation pour les salariés et leurs ayants droit. Si l’accord est valide, l’ordonnance n° 2021-49 du 20 janvier 2021 et le décret n° 2021-1120 du 25 août 2021 seront caducs.
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Sixtine de Villeblanche,
journaliste