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Si le "mouvement de désindustrialisation" affecte davantage la France que d’autres pays, c’est que son économie "souffre de handicaps structurels qui grèvent sa compétitivité hors coût", estime la Cour des comptes dans une note publiée le 14 décembre 2021, intitulée "Adapter la politique industrielle aux nouveaux enjeux". "Le principal défi à cet égard est d’assurer la diffusion de la recherche dans le tissu industriel", souligne-t-elle. Elle recommande notamment de mieux coordonner les politiques industrielles, sectorielles et de la recherche, et de "cibler davantage les soutiens publics".
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Poursuivant la publication d’un "ensemble de travaux" sur "les principaux défis auxquels seront confrontés les décideurs publics au cours des prochaines années et les leviers qui pourraient permettre de les relever", la Cour des comptes fait paraître le 14 décembre 2021 une note rassemblant plusieurs suggestions pour "adapter la politique industrielle aux nouveaux enjeux"
L’ACCUEIL D’ACTIVITÉS DE R&D SE DÉGRADE MALGRÉ LE CIR
Le constat que dressent les magistrats est que "la France a, davantage que ses principaux partenaires, souffert du mouvement de désindustrialisation qui affecte la plupart des pays avancés". L’une des raisons, souligne-t-elle, tient à ce que "l’économie française souffre […] de handicaps structurels qui grèvent sa compétitivité hors coût". À commencer par sa R&D, qui "se traduit insuffisamment en innovations industrielles", comme la Cour l’observait déjà en mai dernier dans un rapport sur "les aides publiques à l’innovation des entreprises" (lire sur AEF info).
"Entre 1990 et aujourd’hui, la France est passée de la quatrième à la sixième place dans le classement des pays de l’OCDE par le nombre de brevets déposés", illustre la note. Par ailleurs, sa "position relative […] comme pays d’accueil pour les activités de R&D des multinationales étrangères se dégrade", quand bien même elle dispose avec le CIR (crédit d’impôt recherche) du "dispositif de soutien le plus généreux de l’OCDE, dont 61 % reviendraient au secteur industriel" et dont "les entreprises apprécient son impact important sur le niveau de fiscalité global".
RECHERCHE PARTENARIALE : IL FAUDRA ÉVALUER LES MESURES DE LA LPR
Pour autant, la Cour des comptes rappelle que la Cnepi (Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation) a montré que "le CIR n’aurait qu’un effet positif modéré sur les activités de R&D et que son impact, significatif sur la performance économique des microentreprises et des PME, serait sensiblement moindre sur celle des grandes entreprises et des ETI" (lire sur AEF info).
D’autres éléments du constat font ressortir que si la France arrive au 10e rang mondial à l’index mondial de l’innovation 2021 pour sa production d’innovations, elle y est aussi "au 31e rang en ce qui concerne les collaborations entre industrie et universités en matière de R&D" (lire sur AEF info). Par ailleurs, "les questions de propriété intellectuelle restent souvent une source de tensions entre industriels et laboratoires publics de recherche" et l’impact des mesures prises par la loi de programmation de la recherche pour y remédier (lire sur AEF info) "devra être évalué dans les années à venir".
LE SOUTIEN AUX START-UP N’A PAS ENCORE DE RETOMBÉES INDUSTRIELLES SIGNIFICATIVES
Si la R&D diffuse insuffisamment dans l’industrie, c’est aussi parce que la phase d’industrialisation de l’innovation s’avère "risquée" et que cette "étape clef" du développement des start-up "souffre de failles de marché affectant les mécanismes de financement privé". Bpifrance a certes prévu de "faire émerger chaque année 70 à 100 usines de start-up industrielles" grâce au PIA (programme d’investissements d’avenir). Elle a aussi créé une SPI (société de projets industriels) pour y aider, mais celle-ci "n’a réalisé que 16 opérations depuis 2015" (lire sur AEF info).
En définitive, "le soutien apporté au cours des dernières années aux start-up n’a pas encore eu de retombées significatives pour l’industrie", retient la Cour. Elle constate d’ailleurs que "les investisseurs institutionnels qui se sont engagés en 2019, à la suite du rapport de Philippe Tibi sur le financement des entreprises technologiques françaises, à consacrer 6 Md€ au financement d’entreprises (lire sur AEF info ici et ici), ont une préférence marquée pour l’économie numérique plutôt que pour les start-up industrielles".
ÉVITER LA CAPTATION DES AIDES PAR CERTAINS ACTEURS
Pour adapter et renforcer l’efficacité de la politique industrielle, la Cour des comptes estime qu’il faudrait "cibler les soutiens publics". Elle retient notamment un "bilan nuancé du PIA en matière industrielle", tel que l’a dressé le comité de surveillance des investissements d’avenir, en 2019 (lire sur AEF info ici, ici et ici). "Le PIA a soutenu l’innovation et la modernisation des secteurs historiques de l’industrie française (aéronautique, automobile, nucléaire, spatial) et pallié les failles de marché dans le domaine du financement des start-up", admet-elle.
"Cependant, les pouvoirs publics ne sont pas toujours parvenus à éviter la captation des aides par certains acteurs ni la reconduction de choix favorables aux secteurs industriels issus des grands programmes historiques […], au risque de négliger d’autres acteurs ou secteurs et de mal anticiper les ruptures technologiques. Les effets du PIA sur la spécialisation productive de l’économie, l’industrialisation et la compétitivité apparaissent ainsi limités."
PIA 4 : L’APPROCHE "PROMETTEUSE" DES STRATÉGIES D’ACCÉLÉRATION
S’intéressant aux leçons tirées de cette évaluation pour bâtir le PIA 4, la Cour des comptes retient tout d’abord que ce PIA "renforce la dimension sectorielle et verticale de ses interventions, en consacrant 12,5 Md€ (dont 2,5 Md€ en fonds propres) à l’innovation dirigée", contre 7,5 Md€ à "l’innovation structurelle, pour le financement de l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la valorisation" (lire sur AEF info).
Le choix de fonder les priorités de "l’innovation dirigée" sur des "stratégies d’accélération" découlant du rapport remis en 2020 par le collège d’experts présidé par Benoît Potier (lire sur AEF info) retient l’attention de la Cour des comptes. Elle juge en effet "prometteuse" cette "approche du PIA 4, consistant à mettre en œuvre des stratégies d’accélération qui se veulent transversales et décloisonnées, en procédant régulièrement à leur évaluation". "Elle constitue cependant aussi un défi, nuance-t-elle, car la gouvernance des politiques industrielles en France demeure profondément marquée par une logique verticale de pilotage des filières par les grands groupes et le secteur public."
INSTAURER UNE GOUVERNANCE "COLLÉGIALE" ET "LA PLUS INDÉPENDANTE POSSIBLE"
Parmi les autres évolutions notées par les magistrats : "le déploiement des soutiens à l’innovation structurelle du PIA 4 […] confié à Bpifrance" – de même que "le pilotage du programme des Satt" –, ainsi que le "volet régionalisé, copiloté avec les régions, qui a pour objet de financer l’innovation, la structuration des filières industrielles et la formation professionnelle" (lire sur AEF info). La Cour relève aussi que les 34 Md€ du plan France 2030 "viendront compléter le PIA 4, dont le plan […] reprend par ailleurs les priorités sectorielles, en les élargissant".
Pour autant, la Cour insiste sur le fait que "l’objectif de développement de nouveaux secteurs industriels d’avenir et, in fine, d’augmentation de la croissance potentielle, ne sera atteint qu’en s’assurant de la qualité des investissements". Aussi prévient-elle que "la concentration sur un nombre limité de priorités et de défis transversaux doit faire l’objet d’une attention constante des pouvoirs publics". Et "pour éviter la captation des soutiens publics par certains acteurs, au profit des solutions technologiques qu’ils proposent, les soutiens publics doivent être encadrés par une gouvernance collégiale, la plus indépendante possible et faisant appel à des expertises diverses".
COMMENT RÉSOUDRE L’ÉCLATEMENT DES COMPÉTENCES ENTRE MINISTÈRES ?
À cet égard, la Cour observe qu’il y a eu "de récents progrès dans la gouvernance de la politique industrielle" : les CSF (comités stratégiques de filières), qui "ont permis de structurer et renforcer le dialogue avec les pouvoirs publics", et la création du Conseil interministériel de l’innovation, associant onze ministères, qui "vise à renforcer la capacité de pilotage transversal de la politique de l’innovation et des stratégies du PIA en s’appuyant notamment sur le SGPI" (Secrétariat général pour l’investissement).
Il n’en demeure pas moins qu’aux yeux de la Cour des comptes, les synergies entre acteurs publics sont "encore insuffisantes". Face à "l’éclatement des compétences entre ministères (défense, transports, santé, agriculture, énergie, environnement, recherche, économie)", elle estime qu’il faut aller vers "une coordination renforcée des politiques de l’énergie, de la recherche et de l’innovation, du commerce extérieur et des politiques sectorielles".
Elle ne tranche toutefois fois pas entre les deux méthodes possibles pour parvenir à cette "coordination renforcée" : soit une "coordination transversale" des directions ministérielles intervenant dans la politique industrielle, soit une "réorganisation administrative" autour d’un ministère de l’Économie indépendant et "en charge, selon les cas, de la politique énergétique, du commerce extérieur ou de la politique de recherche et d’innovation".
Dans sa conclusion, la Cour des comptes retient trois "défis" pour "adapter la politique industrielle aux nouveaux enjeux" :
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René-Luc Bénichou,
journaliste