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Le 42e congrès de la Fédération nationale des agences d’urbanisme, qui se déroule à Dunkerque du 1er au 3 décembre sur le thème "Cohabitons", tente de prendre la température du territoire français sur le sujet de la lutte contre l’artificialisation des sols. Il s’est ouvert par un procès de l’étalement urbain, les territoires devant, selon les participants, se réinventer pour ne plus freiner la transition écologique.
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Le procès de l'étalement urbain au 42e congrès de la Fnau, ce jeudi 2 décembre à Dunkerque Droits réservés - DR - AP
Le 42e congrès de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau) s’est ouvert ce jeudi 2 décembre 2021 par le procès de l’étalement urbain. Un "véritable" procès, dans lequel Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la fédération, tenait le rôle de la présidente de séance, Jérôme Grange, directeur de l’agence de développement et d’urbanisme du grand amiénois, celui d’avocat de la défense, et Gilles Périlhou, directeur de l’agence de Rhône Avignon Vaucluse, celui de procureur général. Ce format inhabituel, inspiré des tribunaux des générations futures, a permis de juger le dénommé 'Urbain Étalé' sur quatre chefs d’accusation : division des citoyens, accélération des inégalités, freinage de la transition écologique et "mochisation" (enlaidissement) des territoires.
"Nous voulions mettre en situation et questionner les enjeux liés à l’étalement urbain dans un cadre différent. Car c’est un thème qui, même parmi les agences d’urbanisme, reste controversé", explique à AEF info Brigitte Bariol. "Les débats sur l’étalement urbain se concentrent souvent sur un seul aspect du phénomène : on l’a accusé, après l’épisode des gilets jaunes, de fragmenter la société, ou d’appauvrir ses habitants. Le faire passer en procès, c’est l’occasion de tout mettre sur la table et d’objectiver les problèmes, dans un contexte où le périurbain fait autant débat qu’il est attractif, particulièrement depuis le début de la pandémie", poursuit la déléguée générale de la Fnau.
Inégalités
Dans un contexte d’injonctions contradictoires, entre la nécessité de construire ("le premier défi à relever, c’est celui de la construction", a rappelé Emmanuelle Wargon, ministre en charge du logement, dans une allocation retransmise au congrès de la Fnau) et celle d’épargner les terres agricoles, le procès d’Urbain Étalé a été en effet l’occasion de passer en revue les réquisitoires et les plaidoiries dont cet espace de franges fait l'objet. "Urbain Étalé fait disparaître 28 000 ha de terres agricoles par an, il fait disparaître des zones humides, il sectionne les continuités écologiques", accuse Pascale Poupinot, directrice de l’agence d’urbanisme d’Oise-la-Vallée. "Les communes périurbaines attirent des ménages grâce à une fiscalité avantageuse et ne participent pas aux charges de centralité que doivent payer les villes centres pour financer des services, comme des stades, musées ou transports, qu’utilisent les ménages périurbains", enfonce Frédéric Bossard, directeur général de l’Epures, l’agence d’urbanisme de l’agglomération stéphanoise.
En guise de circonstances atténuantes, Patrice Vergriete, maire (DVG) de Dunkerque, tente d’expliquer comment l’étalement urbain s’est auto alimenté depuis cinquante ans, avec la complicité des élus locaux : "les maires des franges rurales des métropoles sont obsédés par une question : celle de la fermeture de leur école. Ils doivent attirer de nouveaux ménages pour l’éviter. Or, quel est leur avantage comparatif, par rapport à une commune plus centrale ? C’est la taille de la parcelle. Ils doivent créer de vastes lotissements pour y attirer les ménages qui scolariseront leurs enfants sur la commune. C’est ainsi que ces élus font la promotion de ce que nous combattons au niveau national".
Un choix collectif
Philippe Schmit, ancien secrétaire général de l’ADCF (lire sur AEF info), appelé à la barre à la demande de la défense, a tenté "d’atténuer la charge contre Urbain Étalé", en pointant également la responsabilité de ceux qui l’ont laissé faire. "Nous sommes dans un pays qui a toujours autorisé la construction. Il n’y a pas une maison, un édifice construit sans autorisation. Personne n’a été forcé d’aller vivre en périurbain. Urbain Étalé a commencé ses méfaits au moment où Georges Pompidou a été largement élu président de la République, portant un projet politique et collectif d’aménagement du territoire autour de l’automobile", assure-t-il, pointant la responsabilité partagée, non pas par les élus, mais par la nation entière. "Fallait-il contraindre ce mouvement, ou, au contraire, l’accompagner ?", s’interroge Philippe Schmit. Sur le procès en enlaidissement des paysages, enfin, "l’avocat général" Jérôme Grange pose la question : "peut-on être beau quand on est le fruit de la quête de facilité, de la cupidité et de la croissance économique ?"
Le public, composé des membres des cinquante agences d’urbanisme françaises, et faisant office de jurés, a voté en direct la culpabilité d’Urbain Étalé sur deux des quatre chefs d’accusation retenus contre lui : celui de freiner la transition énergétique et de "mochiser" les paysages français. Il ne le tiendra pas coupable, en revanche, de fragmenter la société et d’augmenter les inégalités.
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Arnaud Paillard,
journaliste