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Les 150 de la Convention des entreprises pour le climat viennent de secteurs différents, de milieux entrepreneuriaux variés… Mais ils sont tous soumis à la comptabilité et au contrôle de gestion, des exercices identifiés comme étant des leviers de la transition écologique par les cofondateurs du mouvement. "Apprendre à compter ce qui compte vraiment" était donc la thématique principale de cette troisième session qui s’est tenue du 2 au 4 décembre 2021 sur le campus d’Audencia. Autre temps fort : la venue de Barbara Pompili qui lance un mouvement de "coconstruction politique" désiré par la CEC.
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Barbara Pompili s'exprime devant la Convention des entreprises pour le climat, vendredi 3 décembre 2021 à Audencia. Droits réservés - DR - Twitter Audencia
Couchés tard, levés tôt. Ils se mêlent au flux étudiant. Mais dans les couloirs d’Audencia, on les distingue sans trop de peine. En ce vendredi matin, les 150 dirigeants qui ont décidé de participer la Convention des entreprises pour le climat (CEC) cheminent vers le grand auditorium de l’école de commerce nantaise. C’est leur troisième session de travail, après s’être retrouvés à Paris en septembre (lire sur AEF info) et à Lille en octobre (lire sur AEF info). Au programme cette fois-ci, la valeur financière et extrafinancière des entreprises, leur mesure et leurs indicateurs. Tels des cours d’amphi, les assemblées plénières ont des thématiques ardues : comptabilité, contrôle de gestion, réglementation européenne.
"Mener une révolution comptable"
Les experts académiques et financiers se succèdent au pupitre, devant le kakémono qui avertit de l’ambition de la CEC : "Placer les entreprises au cœur de la transition." Professeur en sciences de gestion, spécialisé en comptabilité environnementale, Nicolas Antheaume explique aux patrons que "le contrôle de gestion tel qu’il est construit aujourd’hui permet de mesurer les progrès de 'productivité écologique' [consommer moins de matière première par unité produite, rejeter moins d’émissions dans l’eau ou dans l’air] mais ne permet pas d’appréhender les impacts et de baisser les émissions de CO2". C’est pourquoi il faut inventer de "nouvelles formes" de comptabilité, où il faut considérer que "la nature et la société, au sens large du terme, sont des actionnaires comme des autres".
"Il faut compter ce qui compte vraiment", résume Hélène Le Téno, ingénieure, spécialiste des transitions écologiques et numériques. Or "nous n’avons toujours pas les bonnes boussoles comptables : ce sont toujours celles de l’économie de prédation". "Puisque nous sommes à la Convention des entreprises pour le climat, nous pourrions ne parler que de comptabilité CO2, mais ce serait une erreur", estime-t-elle. Car investir dans la formation de tous, dans l’autogestion "sont des leviers de transformation assez profonds pour l’entreprise". "Je vous invite donc à mener une révolution comptable environnementale et CO2 et à ne pas la dissocier d’une révolution comptable sociale !"
Cette comptabilité du futur "déborde de potentiels et de zones de créativité pour peu qu’on libère les professions du chiffre", glisse-t-elle. "Tout ce que vous faites aujourd’hui sera utile et vous sera demandé dans les années qui viennent" en raison des évolutions de réglementation européennes, encourage également Emmanuelle Cordano, expert-comptable et membre du groupe de travail de l’Efrag dédié à l’élaboration des normes de reporting de durabilité.
L’expert-comptable, cet homme des Lumières
"Il est évident que si l’on a créé de la valeur différemment, il faut la compter différemment ! La question de l’évaluation de la comptabilité est un sujet de sécurité économique mais aussi un sujet de modèle de société dans lequel on veut vivre. Rien n’est neutre et la perspective anglo-saxonne n’épouse absolument pas les contours de nos acquis sociaux et environnementaux sur lesquels nous pourrions capitaliser pour un capitalisme à l’européenne", lance Geneviève Férone, en présentant son étude "Entreprise et post-croissance : réinitialiser nos modèles économiques, comptables et de gouvernance".
La cofondatrice du cabinet de conseil Prophil indique aux 150 studieux qu'"il y a un véritable enjeu autour de l’expert-comptable, le parfait homme des Lumières du XVIIIe siècle : il doit s’y connaître en physique, en chimie, en biodiversité, sur la question des droits humains… Et savoir comment appréhender tout ça dans un modèle économique et en rendre compte dans une création de valeur qui parfois relève du commun".
Le travail en cordée
Entre ces moments d’acculturation aux nouvelles formes de comptabilité, les dirigeants se retrouvent en petits groupes pour avancer sur leur feuille de route et sur les propositions sectorielles lors des ateliers "besoins humains" (initialement dénommés "biens communs"
Puis une cloche virtuelle sonne. Chaque cordée doit restituer ses avancées. Chez "se loger" (participent à cet atelier des entreprises du bâtiment, un cabinet d’architectes, une entreprise de jardins paysagers…), on avance l’idée d’un guide ou d’un outil pour mesurer l’impact d’un bâtiment avec une finalité de comparaison ou d’un "business case" pour montrer "le chemin de croix que peut représenter un acte de rénovation". L’exercice semble difficile. Laura Thierry, coach facilitatrice du groupe, le confirme : "Dans les grandes lignes aujourd’hui, on sait quelle méthodologie utiliser pour transformer une entreprise… Ce n’est pas encore le cas pour transformer un écosystème."
La Fresque du climat donne des idées… La chaire "performance globale multicapitaux" d’Audencia a ainsi inventé en trois semaines pour la CEC un jeu appelé "Sustain' Pursuit". Afin de tester pour la première fois ce "serious game", les dirigeants sont regroupés en fonction de l’un des quinze camps de base.
Mathilde Pernias, doctorante sur la comptabilité multicapitaux des grands groupes, indique que l’objectif est de construire un tableau de bord avec des indicateurs pour "suivre la performance extrafinancière d’une entreprise dans le contexte de l’anthropocène". Dans une première phase, les joueurs sont invités à construire des "arbres de la soutenabilité" en répondant à des questions sur le climat, la gouvernance… Dans une deuxième phase, ils doivent identifier des indicateurs de suivi adaptés aux arbres construits. "L’idée, c’est que ce tableau de bord peut être dupliqué pour être inséré dans une feuille de route. Il doit aider à penser à tous les enjeux, à tous les partenaires. C’est un guide", considère la doctorante.
Ouverture au monde politique
Mais cette troisième session est surtout "celle de l’ouverture au monde politique, dans un esprit de coconstruction", insiste Eric Duverger, l’un des cofondateurs de la CEC. La veille, Laurence Maillart-Méhaignerie, députée LREM, présidente de la commission développement durable de l’Assemblée nationale, a été "un peu bousculée" par l’audience entrepreneuriale, précise Yannick Servant, l’autre cofondateur de la convention. "La première question qui lui a été posée était assez critique de la loi climat", reprend Eric Duverger. Si elle reflétait l’avis d’une partie des participants "qui trouvait utile de secouer le politique", une autre estimait qu’il fallait "rester dans une tonalité de coconstruction".
"C’est une vraie question, fondamentale, pour la transition : si on est dans la culpabilisation, dans la critique des petits pas, tout le monde se braque et on perd de vue l’objectif", poursuit Eric Duverger. La convention est un "mouvement émergent qui apprend et essaye de trouver son identité en tant que convention, tout en laissant de la liberté à ses participants", reconnaît le cadre de Michelin. "Nous voulons positionner la convention comme un lobby positif, un acteur crédible, qui au lieu de bloquer le politique vient le pousser et embrayer avec des idées". Dans cet esprit, une audition à l’Assemblée avec la commission des affaires économiques et celle du développement durable est prévue, de même qu’une intervention au Sénat. Et attention, quand "nous invitons Barbara Pompili, ce n’est pas la personne mais la ministre de l’Écologie que nous invitons", prévient Yannick Servant. "Nous continuerons de coopérer avec le prochain ministre."
Ni Extinction Rebellion, ni le Medef
En déplacement dans la région Loire-Atlantique, Barbara Pompili a accepté de rencontrer la CEC (Bruno Le Maire était également convié mais a décliné l’invitation) pour se livrer à un jeu de questions-réponses avec les dirigeants. "Depuis septembre, je travaille avec mes 299 copains de la CEC [les 150 dirigeants sont accompagnés d’un 'planet champion'] pour changer radicalement de modèle économique […] Mais nous avons besoin de logiques incitatives pour intégrer l’ensemble des filières. Vous avez donc ici 150 boîtes prêtes à accélérer : comment peut-on vous aider à ne pas craindre cette vélocité indispensable à la survie de l’espèce humaine ?", demande par exemple Sophie Robert-Velu, DG de Mustela.
"Nous ne sommes pas Extinction Rebellion mais nous ne sommes pas le Medef non plus : nous sommes un peu plus visionnaires que vos partenaires habituels", ajoute la dirigeante. Barbara Pompili répond avoir "besoin" d’acteurs comme eux car toutes les entreprises "ne sont pas aussi prêtes". "Tout le monde n’est pas au même niveau d’urgence […] La RSE c’est très bien mais il faut passer à la suite. Arrêter les bouteilles en plastique, c’est important mais maintenant il faut aller au cœur du réacteur", ajoute-t-elle.
Quid d’un "quoi qu’il en coûte climatique" ?
Jean-Paul Chapron, à la tête du cabinet ASI et délégué régional de la fédération Syntec, interroge la ministre sur ce que serait un "quoi qu’il en coûte climatique" à l’exemple du "quoi qu’il en coûte sanitaire pour lequel vous avez su prendre des décisions radicales". "L’argent public n’est plus le problème", répond Barbara Pompili. La preuve ? "Un tiers du plan de relance est consacré à la transition écologique", redira-t-elle plusieurs fois. Le problème désormais, c’est qu’il y a "plein d’aides qui ne sont pas utilisées" (voir encadré ci-dessous).
"Nous devons voir ensemble comment déployer à plus grande échelle la transition écologique sur la base de votre expérience, lever les verrous qui subsisteraient, améliorer nos dispositifs d’accompagnement", déclare Barbara Pompili aux dirigeants. La lisibilité de ces dispositifs d’accompagnement "reste un frein à la transition de nos entreprises", admet la ministre. "Nous avons donc travaillé à améliorer leur accessibilité et leur intelligibilité, à travers un guichet unique, le portail 'Mission transition écologique'." Le moteur de recherche doit réunir l’ensemble des aides proposées à la transition écologique des entreprises, de l’État et des collectivités, soit "près de 500 dispositifs". Cette plateforme propose aussi la possibilité d’être "rappelé par un conseiller expert de la transition écologique, qui saura répondre à vos questions et vous réorienter vers les bons contacts". Barbara Pompili invite les entrepreneurs "à utiliser cette plateforme et à faire part" de leurs remarques pour l’améliorer. "J’insiste là-dessus : il ne s’agit pas d’une démarche verticale, mais au contraire d’une coconstruction, avec les représentants des filières économiques, le gouvernement et les représentants des collectivités territoriales. C’est la marque d’une nouvelle forme de relation entre l’État et les entreprises, adaptée aux enjeux de ce siècle."
Autofinancement
L’eurodéputé Pascal Canfin, également membre de la majorité, participera à la prochaine session qui doit se tenir à Lyon du 20 au 22 janvier, sur le thème du "Génie humain" autour de l’innovation et du marketing responsable. Cette quatrième session sera peut-être décalée ou effectuée à distance en raison du Covid. "Ce qui est sûr, c’est que notre point d’arrivée sera fin juin pour remettre les délivrables que nous avons promis", promet Eric Duverger. Les cofondateurs confient que le Covid a déjà bousculé l’organisation de la présente session, avec un nombre de participants et de bénévoles revu à la baisse (–30 %) et un renforcement du dispositif distanciel.
Autre difficulté pour la convention, celle liée au budget. La question a d’ailleurs fait l’objet de l’ouverture de la troisième session. Pour l’ensemble de la CEC, le budget total est évalué à 800 000 euros, soit "huit fois moins que la convention citoyenne pour le climat" met en avant Eric Duverger. Réunir environ 300 personnes pendant deux jours et demi coûte donc 120 000 euros. "Grâce à la générosité des participants, nous avons récolté à date 500 000 euros : quatre sessions sont ainsi assurées." Et pour le reste ? Un appel aux dons a été lancé à l’assemblée. Eric Duverger fait valoir que "tout le monde est traité de la même manière" car sélection des dirigeants et financements sont "complètement décorrélés".
La nuit est retombée sur Audencia. Seules sont encore éclairées quelques salles de classe où des groupes aux noms d’oiseaux essayent de trouver, non pas de nouveaux moyens de financement, mais comment fixer le juste prix de carottes ou comment mieux associer leurs parties prenantes.
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