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La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, a lancé en septembre 2021 un appel à candidatures pour un nouveau programme de coaching baptisé "Talentueuses". Ce programme, destiné à 50 femmes de la haute fonction publique, "s’inscrit dans la volonté du gouvernement de renforcer des viviers féminins pour former la génération de dirigeantes de demain de la fonction publique". Une commission de sélection réunissant des personnalités des secteurs public et privé s’est réunie la semaine du 11 octobre pour sélectionner les profils retenus. Marie-Anne Barbat-Layani, secrétaire générale du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, en faisait partie. Elle explique à AEF info qu’il faut faire "sauter tous les plafonds de verre" et "l’autocensure des femmes" pour leur permettre d’accéder plus facilement à des postes de direction.
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Marie-Anne Barbat-Layani, secrétaire générale des ministères économiques et financiers. © MEFR
AEF info : Comment la sélection des 50 femmes coachées a-t-elle été effectuée ?
Marie-Anne Barbat-Layani : Ce programme a été présenté en juillet dernier par Amélie de Montchalin pour les femmes susceptibles d’accéder à un premier emploi fonctionnel. Depuis, 374 femmes ont présenté leur candidature directement à la DGAFP. L’objectif est de les accompagner à un moment clé de leur carrière, c’est-à-dire au moment où elles souhaitent accéder à un emploi de direction. La DGAFP a fait une première sélection pour vérifier que les dossiers étaient bien recevables. Sur cette base-là, un jury composé de dirigeants publics et de spécialistes RH du secteur privé, comme une chasseuse de têtes, a sélectionné 50 candidatures.
Il n’y avait pas de critères d’âge, même si cela correspond à un certain stade de carrière puisque les candidates devaient avoir au moins six ans d’expérience professionnelle à des postes d’encadrement supérieur. Des femmes assez jeunes ont présenté leur candidature, mais aussi des femmes qui avaient consacré une partie de leur vie à faire d’autres choses, et qui, ayant des enfants maintenant plus autonomes, par exemple, se disaient que c’était le bon moment pour revenir en force dans la vie professionnelle. À mon sens, ce sont des profils extrêmement intéressants. Cela fait longtemps que je considère qu’il faut essayer d’accompagner ce type de profils, en termes de ressources humaines : les carrières dans nos administrations sont très linéaires et pyramidales, ce qui rend plus difficile l’ascension professionnelle des femmes. Et c’était dommage de ne pas avoir de dispositifs d’accompagnement pour celles qui souhaitent donner une nouvelle ambition à leur vie professionnelle.
AEF info : À quoi va servir concrètement cet accompagnement pour les cadres sélectionnées ?
Marie-Anne Barbat-Layani : Est-ce que je vais y arriver ? Est-ce que ça sera compatible avec ma vie personnelle ? Est-ce que j’ai toutes les compétences nécessaires ? Les femmes se posent souvent plus de questions que les hommes. Je suis toujours frappée par l’autocensure des femmes dans leur carrière. Nous l’avons beaucoup vu dans les motivations qui étaient exprimées dans les candidatures : elles se posent beaucoup de questions, notamment sur leur légitimité, et il est important de lever ces freins par des formations adaptées à leurs situations. Il faut les aider à surmonter ces autocensures. Tout le monde n’est pas obligé d’avoir une carrière très ambitieuse, mais pour celles qui le veulent, il faut faire définitivement sauter tous les plafonds de verre.
Ce programme va donc changer beaucoup de choses car il s’agit d’un vrai accompagnement. Les 50 femmes qui ont été sélectionnées vont bénéficier d’un accompagnement individuel sur six mois, avec des formations en leadership, en gestion d’équipe, en prise de parole. Elles pourront aussi rencontrer des "rôles modèles" qui leur expliqueront que ce n’est pas impossible, et qu’elles peuvent y arriver.
La parité est un objectif important des politiques publiques. C’est même une loi : la loi dite Sauvadet prévoit une obligation de primo nommer au moins 40 % de femmes à des postes de direction. Néanmoins, l’expérience montre qu’il n’est pas si facile de la respecter, parce qu’on n’a pas forcément identifié les viviers nécessaires pour trouver les candidatures féminines. Ce programme sera donc également très utile pour les ministères employeurs, parce qu’il nous permettra d’identifier les femmes susceptibles d’accéder à un premier emploi de direction.
AEF info : À Bercy, qu’avez-vous déjà mis en place pour promouvoir la carrière des femmes ?
Marie-Anne Barbat-Layani : Depuis plusieurs années, nous avons conclu des accords avec les syndicats pour promouvoir l’égalité professionnelle. Nous avons obtenu le label égalité professionnelle, en 2018, maintenu en 2020 à la suite d’un audit intermédiaire. Nous agissons en faveur d’un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle - on peut le déplorer, mais c’est une question qui se pose plus pour les femmes que pour les hommes - notamment par la mise en place de chartes sur le temps de travail ou sur la déconnexion. Nous portons également une attention particulière aux promotions : aujourd’hui, le taux de femmes promues dans le ministère est de 60 %, ce qui est légèrement supérieur au taux de féminisation du ministère qui est, lui, de 55 %. Il y a un volontarisme réel.
Les comités de sélection qui auditionnent les candidats aux postes de direction ont également été féminisés. Avoir des femmes dans ces jurys permet d’avoir différentes sensibilités autour de la table et de limiter les phénomènes de reproduction. Par ailleurs, le secrétariat général, que je dirige, n’accepte plus de réunir les jurys d’audition lorsqu’il n’y a pas assez de candidates. Et cela fonctionne pour faire émerger plus de candidatures féminines ! Pour autant, certains domaines restent très peu féminisés, donc nous restons pragmatiques. Suspendre les auditions n’est pas possible à chaque fois. Mais dans tous les cas, les directions qui recrutent sont sur le mode "comply or explain"
Nous développons nos propres viviers, avec un accompagnement interne et des partenariats. Nous avons par exemple conclu un accord avec l’association pour la promotion de la mixité #JamaisSansElles, qui vise à sensibiliser les organisateurs d’événements et les médias à la parité dans les prises de parole publiques, pour renforcer la visibilité de nos talentueuses.
AEF info : Malgré ces actions menées en faveur de l’égalité professionnelle, quelles sont les difficultés auxquelles vous faites encore face ?
Marie-Anne Barbat-Layani : Même si nous avons beaucoup progressé au sein du ministère des Finances, nous avons encore du mal à respecter la loi Sauvadet. Dans certains domaines, les viviers sont limités car nous intervenons, en tant qu’employeurs, après la formation initiale. Plus nous disposerons de viviers identifiés, formés, accompagnés, et qui se mobiliseront lorsque des postes se libéreront, plus nous aurons de facilité à respecter cet objectif de 40 % de femmes primo nommées à des postes de direction. Au cours des dernières années, nous avons déjà vu des femmes accéder à des postes de directrices ou directrices générales en administration centrale, postes historiquement masculins. Nous avons une directrice générale des douanes, eu successivement deux directrices du budget, ou encore une directrice générale du trésor, qui est maintenant la présidente de la Berd. La personne à la tête de l’inspection générale des finances est aussi une femme (alors que l’inspection n’a été ouverte aux femmes qu’en 1974 !).
C’est très important : aujourd’hui, lorsque des agents entrent dans une direction qui est dirigée ou a été dirigée par une femme, il est tout à fait naturel que les femmes se projettent plus facilement vers des postes de direction. C’est aussi une manière de faciliter la promotion des femmes et l’égalité dans les états-majors.
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Gaëlle Sheehan,
journaliste