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"En trois ans, j’estime que nous avons trouvé notre place, en répondant à ce défi de s’imposer sans imposer. Nous sommes ancrés dans le paysage et nous gérons un budget qui va atteindre 1 Md€ en 2022", déclare Emmanuel Chiva, directeur de l’AID (Agence de l’innovation de défense). Il s’exprime dans le cadre d’une interview à AEF info, alors que s’ouvre la troisième édition du forum innovation défense du 25 au 27 novembre 2021. "L’objectif n’est pas de centraliser l’innovation en matière de défense mais bien de jouer un rôle de chef d’orchestre et de fédérateur", fait-il valoir. Emmanuel Chiva revient sur l’apport de la Red Team Défense, un concept lancé par l’Agence et fait part de sa volonté "d’accélérer encore la rapidité d’instruction des dossiers", l’agence étant "victime de son succès". Enfin, il dit vouloir augmenter le budget du fonds innovation de défense, de 200 à 400 M€.
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Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence de l'innovation de défense. Droits réservés - DR - JB Legendre (DGA/COMM)
AEF info : L’Agence de l’innovation de défense célèbre ses trois ans. Comment a-t-elle trouvé sa place dans un écosystème riche et complexe ?
Emmanuel Chiva : L’objectif de l’Agence de l’innovation de défense n’est pas de centraliser l’innovation en matière de défense mais bien de jouer un rôle de chef d’orchestre et de fédérateur. Comme nous ne pouvons pas le faire seuls, nous devons trouver une articulation avec le ministère des Armées pour créer un réseau global de l’innovation de défense et l’animer. C’était le défi de notre première année, en 2018. Ainsi, nous dirigeons ce réseau, identifions les synergies avec les labs d’armée, les pôles techniques d’innovation de la DGA et tous nos partenaires telles les écoles dont nous avons la tutelle (Ensta Paris, Ensta Bretagne, l’Isae-Supaéro et l’École polytechnique) et les organismes de recherche (l’Onera, l’ISL ainsi que le Cnes et le CEA) pour lesquels nous assurons la cotutelle pour les applications duales). En outre, nous finançons 100 nouvelles thèses par an présentant un intérêt défense.
En trois ans, j’estime que nous avons trouvé notre place, en répondant à ce défi de s’imposer sans imposer. Nous sommes ancrés dans le paysage et nous gérons en effet un budget en augmentation de 25 % qui passe de 750 M€ en 2019 à 1 milliard en 2022. Mon objectif est de parvenir à aller au-delà de ce budget. Même s’il paraît conséquent, il n’est pas pour autant suffisant. Il nous appartient de continuer à poursuivre cette dynamique de l’innovation de défense. L’agence compte environ 110 personnes, de tous les milieux (officiers, ingénieurs civils et militaires, entrepreneurs, chercheurs) mais nous souhaitons augmenter et faciliter l’embauche de profils atypiques.
"Sur les politiques publiques, je dirais que nous sommes associés à tout. Quoi qu’il en soit, nous n’innovons pas pour le simple plaisir d’innover. La finalité reste l’intérêt du soldat."
AEF info : L’une des marques de fabrique de l’agence est d’aller vite dans ses prises de décision. Comment aller vite tout en conservant cette exigence de l’excellence ?
Emmanuel Chiva : Cette volonté d’aller vite a été impulsée dès le début par la ministre des Armées, Florence Parly. L’agence a été annoncée en mars 2018 puis créée en septembre, c’est dire ! Une des qualités nécessaires pour le poste que j’occupe est d’être impatient et je suis très impatient. Il faut aller vite et c’est pourquoi nous avons créé un guichet unique au sein de l’agence avec un portail de démarche simplifiée. Nous essayons d’instruire rapidement les dossiers.
Nous sommes victimes de notre succès et recevons une trentaine de projets par mois. C’est pourquoi nous allons essayer d’augmenter la bande passante sur ce guichet unique pour aller encore plus loin et plus vite. Depuis la création de l’agence, 400 projets d’innovation ont été accélérés et plus de 700 PME référencées, un chiffre en augmentation quotidienne. Chaque semaine, nous recevons des start-up et des PME pendant une heure et demie pour les challenger sur leurs projets, leur business plan, leur équipe, la concurrence, etc.
Enfin, nous nous appuyons sur l’Innovation Defense Lab, situé en dehors du ministère, pour ce qui concerne les projets issus de l’innovation ouverte. C’est un tiers-lieu favorisant les échanges et facilitant la créativité et la coconstruction entre acteurs internes et externes autour de l’écosystème de défense (labs, PME, start-up, monde académique/universitaire). Une quinzaine de personnes issues de l’état-major des armées, de la direction générale de l’armement et du secrétariat général pour l’administration constituent le cœur du Lab. Elles sont chargées de mener les projets (depuis la créativité jusqu’à la concrétisation d’expérimentation) et d’animer le réseau interne et externe.
AEF info : L’agence s’est fortement mobilisée pendant la pandémie avec le lancement d’un appel à projets pour faire émerger des solutions innovantes pour lutter contre le Covid. Où en est-on aujourd’hui ? Plus largement, comment l’agence s’empare-t-elle des politiques publiques actuelles et des différents plans de financement (PIA, France 2030, etc.) ?
Emmanuel Chiva : L’appel à projets portait sur la recherche de solutions innovantes, qu’elles soient d’ordre technologique, organisationnel, managérial ou d’adaptation de processus industriels. Au total, 2 580 projets ont été soumis et devaient satisfaire trois critères : le sérieux, la faisabilité et le calendrier. Nous avons financé 36 projets pour 10 M€ dont certains sont devenus de vrais succès : les tests PCR rapides développés par la société BforCure, les premiers tests antigéniques dérisqués par le ministère des Armées, des tests salivaires, etc. Beaucoup de projets ne répondaient pas au critère de la contrainte de temps. Nous les avons "poussés" vers les ministères concernés (Santé et MESRI) afin qu’ils soient examinés quand même.
Sur les politiques publiques, je dirais que nous sommes associés à tout. Nous sommes impliqués dans les stratégies d’accélération du PIA 4 (maladies infectieuses émergentes ou l’IA), et avons été consultés pour France 2030, etc. Nous venons d’ailleurs de recruter une coordinatrice pour animer la relation entre l’agence et l’écosystème de l’innovation. Quoi qu’il en soit, nous n’innovons pas pour le simple plaisir d’innover. La finalité reste l’intérêt du soldat.
"Nous devons poursuivre la dynamique engagée par Florence Parly afin d’aller au-delà du milliard de budget pour faire comprendre que l’innovation de défense concerne tout le monde et qu’elle a un rôle à jouer, notamment dans le cadre de la présidence française de l’UE."
AEF info : Le fonds innovation défense a été lancé récemment. Quelle est sa complémentarité avec le fonds Definvest lancé en 2017 ? (lire sur AEF info)
Emmanuel Chiva : Le fonds innovation défense a été lancé cet été, opéré par Bpifrance. Definvest, dont la dotation va passer de 50 à 100 M€, permet de financer et de sécuriser des entreprises critiques pour la base industrielle et technologique de défense. Or, critique ne veut pas dire innovant. C’est pourquoi le fonds innovation défense est complémentaire et pourra co-investir sur certains projets avec Definvest. Doté de 200 M€, il permet d’investir dans des entreprises qui ont déjà un marché primaire en dehors du secteur de la défense. Nous pouvons investir jusqu’à 20 M€ en minoritaire en compagnie d’autres investisseurs.
Le fonds innovation défense a investi, aux côtés du fonds d’investissement spécialisé dans le quantique Quantonation, dans la start-up Pasqal qui développe un ordinateur quantique (levée de fonds de 25 M€). Mon ambition est de porter le fonds à 400 M€. Je serai heureux que des entreprises du CAC 40 y participent, ce qui leur permettrait d’avoir une vision sur des technologies transverses qu’elles ne pourraient soutenir en vertical. En outre, ça leur donnerait accès à des innovateurs de premier plan.
AEF info : Quel est l’apport de la Red Team Défense, concept innovant lancé par l’Agence de l’innovation de défense ?
Emmanuel Chiva : Si l’on cherche la rupture et l’innovation, il faut répondre avec de la rupture et de l’innovation. L’apport de la Red Team Défense est très concret. Programme classifié de l’Agence de l’innovation de défense conduit avec l’état-major des armées, la DGA et la DGRIS (direction générale des relations internationales et de la stratégie), il vise à mettre en relation des auteurs et autrices, dessinateurs et scénaristes de science-fiction, avec des experts scientifiques et militaires pour imaginer les menaces futures visant la France ou ses intérêts. La mise en œuvre de cette initiative (constitution des équipes, animation, restitution des travaux) est confiée à l’université PSL.
La Red Team Défense est confrontée à une Blue Team du ministère des Armées (composée d’ingénieurs de la DGA, etc.) et son objectif est de lui faire peur en lui proposant des scenarii prospectifs à échéance 2060. Elle doit notamment permettre d’anticiper les aspects technologiques, économiques, sociétaux et environnementaux de l’avenir qui pourraient engendrer des potentiels de conflictualités à horizon 2030-2060. La Blue Team joue le rôle de garde-fou. Tout l’art réside dans sa capacité à animer sans censurer ni trop guider. Nous évitons les sujets comme la téléportation et le voyage dans le temps à titre d’exemple…
Plusieurs scenarii ont déjà été développés autour des réseaux sociaux et des réalités alternatives poussées à l’extrême, et sur le combat haute intensité du futur. Quand j’ai lancé l’idée, j’ai pu ressentir un peu de défiance. Aujourd’hui, l’adhésion de l’ensemble du ministère à cette démarche est réelle.
AEF info : Quels sont les objectifs de l’agence pour 2022 ?
Emmanuel Chiva : La ministre va faire des annonces sur d’autres projets disruptifs lancés par l’Agence de l’innovation de défense lors du forum innovation défense (voir encadré). Il s’agit d’essayer d’expérimenter d’autres moyens de soutenir l’innovation de défense. En outre, il faut renforcer l’information aux innovateurs pour accélérer encore la rapidité d’instruction des dossiers, ce qui est un vrai défi pour nous. Plus globalement, nous devons poursuivre la dynamique engagée par Florence Parly afin d’aller au-delà du milliard de budget pour faire comprendre que l’innovation de défense concerne tout le monde et qu’elle a un rôle à jouer, notamment dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.
Enfin, nous souhaitons développer l’innovation incrémentale et mettre encore plus d’innovation ouverte dans l’innovation planifiée et faire en sorte que les start-up et les PME participent davantage aux grands programmes d’armement de cycles long.
Le forum innovation défense se déroule du 25 au 27 novembre 2021 à l’Espace Champerret à Paris. Vitrine de l’innovation de défense, cet événement réunit tous les acteurs ministériels et tous les acteurs de l’écosystème de l’innovation de défense autour des meilleurs projets soutenus par le ministère des Armées.
Trois ans après la création de l’Agence de l’innovation de défense, le FID met en avant les "actions engagées ainsi que les produits et services créés au profit des forces et des utilisateurs du ministère". Le FID 2021, c’est à la fois :
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
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Julien Jankowiak,
journaliste