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En France, le programme Pause, créé il y a 4 ans pour soutenir les chercheurs et les artistes en exil, lance un appel à la mobilisation financière pour maintenir ses capacités d’accueil : la convention renouvelée avec le MESRI, qui annonce le 15 septembre 2021 une rallonge de 0,5 M€ en plus de sa subvention annuelle de 2 M€, ne suffit pas à compenser la fin de la subvention européenne touchée pendant deux ans. Par ailleurs, la solidarité de la communauté scientifique vis-à-vis des chercheurs, universitaires et étudiants afghans se heurte aussi à la difficulté de les faire venir en France.
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Frédérique Vidal, ministre de l'ESRI et Thomas Römer, administrateur du collège de France et président du comité de direction du programme Pause Droits réservés - DR - MESRI
Le 26 août, au dernier jour des évacuations menées par la France depuis l’aéroport de Kaboul à la suite de la prise du pays par les talibans dix jours avant, trois étudiants en master et le doyen de la faculté de pharmacie de l’université de Kaboul ont pu prendre place dans l’avion, in extremis donc. "Ils viennent de sortir de quarantaine et sont accueillis, très bien accueillis, par l’université Paris-Saclay", explique Annick Suzor-Weiner.
Professeure émérite de l’université Paris-Saclay, elle intervient lors du colloque organisé par le programme Pause sur la stratégie de solidarité scientifique internationale de la France "face à la crise afghane", le 15 septembre 2021. Son témoignage donne une idée des difficultés à surmonter pour les scientifiques et étudiants afghans qui cherchent à quitter le pays depuis un mois : si ceux qui arrivent sont dignement accueillis, combien cherchent encore une issue ?
Une trentaine d’étudiants n’ont pas pu rejoindre leur université
"Désormais, cela va prendre du temps, on espère pouvoir y arriver avant qu’il ne soit trop tard pour eux", poursuit-elle, en aparté, évoquant la trentaine d’étudiants, régulièrement inscrits dans des universités françaises qui n’ont pas pu quitter le pays et dont la liste a été communiquée au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Coordinatrice du programme Aimes de l’AUF, destiné à aider les établissements à intégrer dans leurs formations des étudiants en exil, et vice-présidente du réseau Mens qui œuvre à améliorer l’accueil des étudiants et chercheurs en exil dans l’enseignement supérieur et la recherche, elle a connaissance d’une soixantaine d’autres étudiants, qui se sont déclarés en danger et désirent de rejoindre la France. "Nous avons énormément d’universités prêtes à les accueillir, mais ce n’est pas encore la question : comment les faire venir ? cela va prendre du temps." Chaque jour, les universités et la CPU reçoivent en outre de nouvelles demandes d’étudiants afghans, rapporte-t-elle.
Une trentaine de chercheurs afghans éligibles à Pause
Du côté des chercheurs, une trentaine sont éligibles au programme national d’accueil en urgence des scientifiques en exil, connu sous le nom de Pause. "Huit ont un institut prêt à les recevoir et une dizaine est en attente d’une réponse", résume Marion Gues, responsable des projets européens et internationaux. Elle fait état d'une "forte mobilisation de la communauté scientifique", tout en précisant que les équipes de Pause veillent à "trouver le bon laboratoire en fonction des profils des chercheurs".
Une fois cette étape accomplie reste une inconnue : comment faire venir ces chercheurs, dont la plupart sont encore en Afghanistan – quelques-uns ayant réussi à rejoindre des pays limitrophes d’où, espère l’équipe, il leur sera plus facile d’obtenir un visa ?
Concernant les chercheurs, les requérants à l’exil sont bien plus nombreux. Difficile, toutefois, de savoir combien : interrogée, Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, ne donne aucun chiffre mais souligne que "la France est entrée dans une phase de négociation pour continuer les évacuations". Ils seraient plusieurs centaines, "voire plusieurs milliers" à avoir formulé des demandes auprès des établissements de recherche, estime de son côté Amir Moghani, maître de conférences à l’Inalco, évoquant la difficulté d’arrêter un chiffre au risque de basculer "dans la surenchère comme lors des libérations d’otages".
2 M€ encore nécessaire pour la continuité des activités de Pause
Dans ce contexte d’urgence, le ministère a renouvelé pour cinq ans sa convention annuelle de 2 M€ avec le programme Pause et annoncé "l’octroi de 500 000 € supplémentaires", à quoi s’ajoute une dotation de 90 000 € de la Fondation d’entreprise Michelin qui a renouvelé son soutien au programme. Or, depuis 2018, le budget annuel du programme était de 5 M€ : pendant deux ans, la Commission européenne a abondé à hauteur de 3 M€ par an via son fonds Asile, migration et intégration.
"Le financement s’est arrêté en juin et le calendrier des appels et les délais d’instruction sont tels que cela peut prendre plusieurs mois à un an avant d’espérer le toucher à nouveau", déclare Laura Lohéac, la directrice du programme qui plaide pour "la création d’un mécanisme financier au niveau européen". "La présidence française de l’Union européenne sera l’occasion de mettre en avant une coordination européenne", fait valoir la ministre Frédérique Vidal.
En attendant, "afin de pouvoir maintenir sa capacité d’accueil et assurer la continuité de ses activités, en particulier celles destinées à favoriser l’insertion professionnelle des lauréats", le programme a besoin de lever 2 M€. Pause lance donc "un appel à la mobilisation auprès des établissements d’accueil pour accueillir leurs collègues en danger mais également auprès des mécènes pour qu’ils prennent part à cette indispensable mobilisation collective".
Afghane, Belgheis Jafari a vécu la majorité de sa vie en exil, en Iran, où elle a fait ses études - ses parents s’y étaient réfugiés pour protéger leurs enfants de la guerre et leur assurer une éducation. En 2010, l’universitaire a fait le choix de venir s’installer à Kaboul, "avec joie et espoir", enseignant le français à l’Institut français d’Afghanistan et à l’université américaine d’Afghanistan tout en menant un doctorat à distance à l’université de Tours.
Mais quelques années plus tard, la situation sécuritaire dans la capitale afghane a commencé à prendre un tour dramatique – l’université américaine a ainsi été l’objet d’une attaque mortelle sur son campus en 2016. En 2018, une connaissance lui a fait connaître le programme Pause : sept mois après, Belgheis Jafari arrivait en France avec sa famille et rejoignait l’Inalco, pour enseigner le persan et poursuivre ses recherches dans le cadre du projet ANR Liminal.
"Grâce au programme et au soutien de mon référent à l’Inalco, j’ai pu me concentrer sur mes recherches et participer à des colloques", explique-t-elle. "Mais je ressens une responsabilité de plus en plus importante pour mon pays, mes compatriotes et le monde universitaire afghan. Je suis décidée à contribuer, à distance ou sur place si un jour mon pays est libéré : l’Afghanistan aura alors besoin de ses intellectuels pour se redresser." Son mari bénéficie lui aussi du programme Pause et commence une thèse en anthropologie à l’EHESS.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
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Anne Roy,
journaliste