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Dans un rapport publié ce 9 septembre 2021, la Cour des comptes appelle à "renforcer la maîtrise des arrêts maladie de courte durée" dans la fonction publique, notamment en prenant en compte les "petits arrêts" dans la modulation du régime indemnitaire des agents. Les arrêts maladie dans la fonction publique sont en hausse de 21 % entre 2014 et 2019, selon le rapport. Leur coût global s’élèverait entre 11,1 et 11,9 milliards d’euros par an. La Cour des comptes salue par ailleurs le traitement "pragmatique" des absences liées à la crise sanitaire.
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© PHILETDOM - Fotolia - La Cour insiste sur la nécessité de dématérialiser les pièces justificatives des arrêts de travaiL
Suivant une tendance également observée dans le privé, les arrêts maladie dans la fonction publique, parfois assimilés à l’absentéisme
Ainsi, dans l’ensemble de la fonction publique, le nombre de jours a-t-il progressé de 21 %, passant en moyenne par agent de 10 jours en 2014 à 12 en 2019, soit de l’ordre de 11,9 millions de jours d’arrêts maladie supplémentaire. "Cette progression affecte en particulier les fonctions publiques territoriale (FPT) et hospitalière (FPH), qui connaissent déjà les taux d’absence les plus importants", indique la Cour.
sociologies et facteurs divers
De fait, en mesurant le taux d’absentéisme pour maladie avec la part des salariés absents au moins un jour au cours d’une semaine pour raison de santé, il est d’un peu moins d’un point supérieur dans l’ensemble de la fonction publique à celui du secteur privé ; mais celui de la fonction publique d’État (FPE) est inférieur de 0,8 point, alors que celui de la FPT est de 2,3 points supérieur, et celui de la FPH, de 1,3 point supérieur.
Une situation qui tient tout autant à des sociologies différentes dans chacun des trois versants de la fonction publique (pyramides des âges et des catégories professionnelles, taux de féminisation, nature des métiers exercés) qu’à des facteurs très divers, comme la part des emplois contractuels, la taille des structures ainsi que les régimes d’indemnisation des arrêts maladie, tout comme la qualité du management et la satisfaction au travail.
un chiffrage complexe
Reste que le phénomène demeure difficile à mesurer, faute "d’un décompte suffisamment harmonisé et centralisé", regrette la Cour. Se basant sur deux types de sources (l’enquête "Emploi de l’Insee" et les bilans sociaux), elle a calculé que le total des arrêts maladie correspondait à l’activité annuelle de 240 000 à 250 000 agents publics, représentant des rémunérations brutes chargées comprises entre 11 et 12 milliards d’euros. Des chiffres qui, en l’absence de données précises, n’intègrent pas les agents en arrêt maladie rémunérés à demi-traitement, mais comprennent les contractuels à l’ancienneté insuffisante pour bénéficier du maintien de rémunération.
Cette estimation, "probablement supérieure aux montants effectifs" est à rapporter à la masse salariale publique, soit 304 milliards d’euros en 2020. Il faudrait cependant ajouter le coût du remplacement des agents absents, là encore impossible à évaluer, pointent les magistrats financiers, qui rapportent simplement, que pour l’Éducation nationale, le budget annuel consacré aux remplacements est de 2 milliards d’euros.
Cette absence de données consolidées tient à la "grande pluralité de règles de rémunération" – reflet d’une grande diversité de situations entre les trois versants de la fonction publique, les titulaires et les contractuels –, et à la composition de la rémunération entre les parts indiciaires et indemnitaires. Une disparité "qui n’est pas critiquée par la Cour, mais que la "généralisation de la protection sociale complémentaire […] pourrait cependant conduire à atténuer", espère-t-elle, tout comme la mise en place d’indicateurs "harmonisés et centralisés".
Elle se montre en revanche plus critique à l’égard de la complexité et la fragmentation du système de gestion des arrêts, "difficile pour l’employeur" et "peu lisible pour les agents", qui souffrent de "retards peu acceptables" dans le versement de leurs IJ. Absence de transmission dématérialisée des avis d’arrêts de travail par les médecins, non prise en compte de la gestion des arrêts maladie contractuels dans la DSN, défaut d’utilisation des données d’arrêts maladie dans les systèmes d’information des employeurs comme outil d’accompagnement des agents en cas de maladie longue ou à des fins de prévention, absence de statistiques consolidées transmises par les CPAM aux employeurs, etc. : si la Cour reconnaît qu’il sera compliqué de simplifier "substantiellement la réglementation", elle estime nécessaire d’accélérer sur la dématérialisation des flux de données – notamment via la DSN –, et des pièces justificatives des arrêts de travail et de mettre à disposition plus rapidement des employeurs des données statistiques pour les aider à piloter.
saisir l’opportunité de la réforme de la PSC
Au regard de ces constats, la Cour prône "des actions résolues", notamment pour limiter les arrêts de courte durée. Et d’insister sur le fait que "les mesures de responsabilisation financière des agents" et des contrôles accrus "ne sauraient suffire", appelant également à une responsabilisation managériale des cadres publics et des professionnels de santé. Dressant un bilan mitigé du jour de carence (lire ci-dessous), elle propose de jouer notamment sur les mécanismes d’indemnisation. "La possibilité pour les employeurs publics de moduler certaines indemnités en fonction des absences doit être activée lorsque la fréquence des arrêts maladie est trop élevée ou le motif de pure convenance", écrit ainsi la Cour.
Afin que les effets d’une telle mesure ne soient pas amoindris par la possibilité qu’ont les agents publics de souscrire des garanties de prévoyance permettant de conserver jusqu’à 100 % du revenu de l’agent, primes incluses, après passage à demi-traitement, elle suggère aux employeurs, en négociant le contrat de groupe dans le cadre de l’ordonnance du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire, de fixer un taux de couverture "de nature à limiter les risques de désinsertion professionnelle" et de "refuser que les contrats collectifs prennent en charge le jour de carence".
En termes budgétaires, la Cour estime que l’instauration du jour de carence a correspondu à 160,4 millions d’économies en 2012 contre 200 millions d’euros attendus initialement. Pour la période la plus récente, concernant la FPE, il a représenté 127 millions d’euros d’économies en 2018, 159 millions d’euros en 2019 et 114 millions d’euros en 2020. Par ailleurs, selon une étude de la direction générale des collectivités locales (DGCL), 124,3 millions d’euros ont été économisés en 2018 dans la FPT. En revanche, aucune donnée n’est disponible pour la FPH. "Les études statistiques peinent à faire émerger un consensus sur l’efficacité du jour de carence pour réduire les absences pour raison de santé", constatent les magistrats financiers. Selon eux dans l’ensemble, il en ressort que "le jour de carence diminue les arrêts de courte durée dans la fonction publique […] même s’il peut en contrepartie allonger la durée des arrêts".
Vertu préventive des contrôles
"L’efficacité des incitations financières peut aussi être renforcée par des actions de contrôle des arrêts maladie", poursuit l’institution de la rue Cambon. Elle constate que les contre-visites ont essentiellement une vertu préventive des prolongations d’arrêt et des "abus possibles". Mais les employeurs publics peinent "à faire vivre un dispositif efficace et les contrôles […] sont peu nombreux. La Cour encourage le déploiement de services tels que les centres de gestion de la FPT, et estime que, "dans un esprit de mutualisation", les employeurs de la FPE et de la FPH devraient pouvoir y recourir. Autre piste avancée par la Cour pour limiter les arrêts maladie de courte durée : "les activités de prévention primaire – éviter la propagation des maladies saisonnières et proposer la vaccination sur les lieux de travail – menées par les employeurs", sur la base des pratiques instaurées pendant la crise sanitaire.
Concernant les arrêts longue durée, il s’agirait de simplifier le dispositif existant, peu lisible pour les agents, en fusionnant le congé de longue durée et celui de longue maladie. Ce nouveau congé devrait être "mieux adapté aux besoins des agents" (en renouvelant la liste des pathologies y ouvrant droit, en prenant en compte des maladies chroniques, etc.) et "mériterait d’être traité dans les négociations ouvertes sur le champ de la protection sociale complémentaire, qui aura aussi pour vocation d’aborder la situation des agents en situation précaire lors de congés de longue durée".
De même, "si la politique de prévention bénéficie d’un cadre conceptuel adapté et de moyens certains, elle souffre d’un défaut manifeste de mise en œuvre". "La généralisation de la complémentaire santé peut fournir l’occasion de mieux associer les organismes d’assurance complémentaire aux politiques de prévention des employeurs publics", suggère la Cour. Quant à la prévention de la désinsertion professionnelle, elle repose essentiellement sur le "temps partiel thérapeutique" et le fractionnement des congés maladie, une procédure "complexe".
La Cour des comptes accorde un satisfecit aux pouvoirs publics pour leur traitement "pragmatique" des absences liées à la crise sanitaire (dérogations pour l’application du jour de carence, forme grave du Covid-19 ajoutée à la liste des maladies professionnelles, élargissement du périmètre des ASA, etc.). "Même si les données consolidées pour 2020 ne sont pas encore disponibles, la crise sanitaire ne semble pas avoir accru le volume des arrêts maladie déclarés, en raison du recours élargi du dispositif d’ASA", constate-t-elle.
Enfin, la Cour estime nécessaire d’augmenter l’efficacité de l’intervention des professionnels de santé. Le remplacement du comité médical et de la commission de réforme par le conseil médical au 1er février 2022 (via l’ordonnance famille) "doit être mis à profit […] pour organiser la réduction des délais de traitement des dossiers, principale critique formulée à l’encontre des instances médicales. Tout comme la mutualisation des services de santé entre les trois versants de la fonction publique rendue possible par la loi de transformation de la fonction publique en 2019 est jugée souhaitable, via par exemple le fonds interministériel d’amélioration des conditions de travail".
les principales recommandations de la Cour
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Bénédicte Foucher,
journaliste