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"Il faut que les services rectoraux aient clairement une politique de proximité pour tous les personnels, quel que soit leur lieu d’exercice" : telle est l’ambition de la "feuille de route pour les ressources humaines" de l’académie de Nancy-Metz, souligne le recteur Jean-Marc Huart, dans un entretien accordé à AEF info en juillet 2021. Décliner cette stratégie implique de "faire le choix de l’humain et de la confiance", dit-il. Concrètement, il s’agit à la fois de "digitaliser plusieurs process RH" et de développer le réseau dédié à l’accompagnement des personnels (au sein de la DRH et dans les départements). Le recteur Huart et le DRH Laurent Seyer précisent les changements engagés en termes d’organisation et de formation, en revenant sur la volonté de "créer une dynamique en interne". Côté syndicats, des interrogations subsistent, notamment sur les moyens d’application.
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Le recteur de Nancy-Metz Jean-Marc Huart (également recteur de la région académique Grand-Est) et le DRH Laurent Seyer, présentant les premières étapes de déclinaison de la "feuille de route pour les ressources humaines", au siège du rectorat à Nancy (juillet 2021). Droits réservés - DR - P. Marion - AEF info
AEF info : Dans le cadre des mesures annoncées par le MEN après le Grenelle de l’éducation, vous avez élaboré la feuille de route RH académique, que vous pilotez. Avec quelles spécificités pour Nancy-Metz ?
Jean-Marc Huart : Nous avons deux problématiques particulières, qui sont liées à la géographie. La première est la question de l’attractivité de notre académie au plan national… D’autres académies bénéficient d’un climat plus chaud ! Cela pose la nécessité de fidéliser nos personnels, afin qu’ils restent sur notre territoire. Cela passe par une politique RH adaptée.
Le deuxième enjeu est l’éloignement des services gestionnaires qui peut être ressenti par une partie des agents, dans un contexte de très grande ruralité. Cette particularité a été au cœur du projet académique 2021-2025 "l’école sur tous les territoires" (lire sur AEF info). Nous l’avions pensé à la fois pour les élèves et pour les personnels. Il faut que les services rectoraux aient clairement une politique de proximité pour tous les personnels, quel que soit leur lieu d’exercice sur le territoire.
AEF info : D’ailleurs, "l’accompagnement des personnels" est le 3e axe de ce nouveau "projet académique" annoncé au printemps…
Jean-Marc Huart : Nous ne pouvons plus avoir de projet académique sans avoir une dimension RH. Le ministre, au travers des conclusions du Grenelle de l’éducation, nous y invite. Et en effet cela me semble fondamental, et peut-être encore plus dans nos territoires où les acteurs peuvent sentir encore plus un sentiment d’isolement. Lorsque nous nous sommes rendus à Montmédy [Nord Meusien], un élu m’a dit : "merci de ce que vous faites pour la Meuse." Lorsque j’étais au lycée de Saint-Avold pour le grand oral, un professeur m’a dit : "merci de venir en Moselle-Est."
"On peut être à distance, mais proches des besoins des agents."
Jean-Marc Huart, Recteur de Nancy-Metz
Le projet académique et la feuille de route RH visent à rompre avec ce sentiment d’isolement, réel ou ressenti. Mais, être dans la proximité, c’est quoi ? Cela désigne, certes, la proximité physique, mais aussi la manière d’accompagner depuis le rectorat chaque personnel. On peut être à distance, mais proches des besoins des agents. C’est l’enjeu au cœur des nouvelles démarches que le DRH a engagées dans le suivi des demandes et des situations individuelles.
Pour permettre une plus grande proximité, nous passons aussi davantage par le numérique pour certaines tâches. Dans une grande académie comme la nôtre, avec 40 000 personnels, les services académiques peuvent être perçus comme une espèce de boîte noire… Mieux informer les agents, c’est le sens de ce qui va être engagé dans toutes les académies à travers l’application Colibris : à chaque étape du traitement d’une demande, l’agent pourra savoir où en est son dossier (lire sur AEF info).
Si nous progressons aussi sur la digitalisation, c’est pour pouvoir suivre mieux humainement chaque situation. Le temps que les agents des services RH gagnent sur les opérations de gestion, ils peuvent le consacrer à réaliser un accompagnement individuel plus marqué.
AEF info : Par quelles premières actions concrètes cette transformation passera-t-elle ?
Jean-Marc Huart : Nous avons prévu de digitaliser plusieurs process RH, comme le suivi du compte épargne temps, les démarches formation, ou encore les demandes de télétravail, qu’elles émanent du rectorat ou des établissements.
"Nous faisons confiance […] à tous ceux qui interviennent dans la gestion RH."
J.-M. Huart
Certaines modalités énoncées dans la feuille de route pourraient sembler symboliques : par exemple, nous avons généralisé depuis quelque temps l’accusé de réception systématique des demandes. De même, la manière de rédiger les mails fera l’objet d’un travail particulier. Ces éléments sont en réalité extrêmement importants dans la relation à nos agents, qui doivent être suivis comme des usagers. Ce sont des "usagents", en quelque sorte.
Nous mettons ainsi au cœur de cette transformation les 186 personnels gestionnaires RH. Et, de la même façon, nous faisons confiance à chaque strate d’accompagnement des personnels à tous ceux qui interviennent dans la gestion RH : aux inspecteurs, aux chefs d’établissement, aux agents des services en DSDEN, et aussi au DRH et aux agents de sa direction.
Décliner cette feuille de route RH, c’est faire le choix de l’humain et de la confiance.
AEF info : Quelle a été la méthodologie retenue, pour élaborer puis déployer cette feuille de route ?
Laurent Seyer : Dès le séminaire national organisé par le ministre Jean-Michel Blanquer en septembre 2020, nous avons enclenché le processus, et identifié certains chantiers autour desquels bâtir la feuille de route. Nous avons ensuite décidé d’organiser un cycle de séminaires intercatégoriels, afin de créer une dynamique en interne. L’idée étant de réunir le panel le plus large pour échanger en ateliers et faire émerger des propositions.
Jean-Marc Huart : Après avoir dégagé cinq axes forts (cf. encadré), nous avons présenté la feuille de route au CTA, en mars. Aujourd’hui, nous avons commencé à mettre en place ou totalement achevé à peu près 20 mesures sur les 30 listées.
AEF info : Comment cette stratégie va-t-elle impacter l’organisation en matière de gestion RH ?
Jean-Marc Huart : Le DRH a une équipe qui se restructure, autour d’un pôle de direction étoffé et clair, avec une redéfinition des missions et des fonctions des adjointes et de l’équipe RH. L’autre nouveauté, c’est la mise en place de plans d’accompagnement et de formation pour les gestionnaires, autour des questions évoquées.
Laurent Seyer : Bientôt, l’équipe restreinte "RH" sera composée comme suit : un DRH, deux adjointes et bientôt une troisième personne en charge à la fois de la coordination des conseillers RH de proximité et de la QVT, qui est un axe fort de nos différents chantiers. Il y a également trois CMC (conseillers mobilité carrière), une spécialiste du suivi des situations particulières (au plan disciplinaire) et deux assistantes.
AEF info : Quatre conseillers RH de proximité étaient en place sur l’année 2019-2020, avant un doublement du réseau annoncé l’an dernier (lire sur AEF info). Ce déploiement a-t-il été possible durant cette année encore perturbée, et quel rôle leur assignez-vous ? Pour la FSU, les CRH ne sauraient apporter seuls des réponses aux problématiques des agents : mutations, rémunération, aménagements de fin de carrière, etc.
Jean-Marc Huart : Nous avions en effet huit postes à la rentrée dernière. Mais, leur implantation a pris un peu de retard. Au-delà du Covid, une politique de refonte des bassins de formation est venue perturber le calendrier. Et nous voulions aussi que les nouveaux conseillers RH de proximité soient basés en établissement. Donc, la montée en puissance a connu un petit palier lors de l’année précédente.
Laurent Seyer : Aujourd’hui, nous en comptons 7, pour les quatre départements. Des appels à candidatures ont été lancés, afin d’arriver à 11 conseillers prochainement. Il s’agit principalement de personnels de direction et d’attachés d’administration, des personnes qui ont donc une bonne connaissance du système éducatif.
Jean-Marc Huart : Chaque agent aura la possibilité de contacter son conseiller RH de proximité : c’est donc un échelon de proximité nouveau, qui apporte un plus considérable. Par ailleurs, le conseiller RH n’est pas le passage obligé pour avoir un suivi, ou obtenir une réponse à ses questions. Il n’est pas le seul point d’entrée pour la relation RH. Et, rappelons-nous, en 2018-2019 nous n’avons commencé qu’avec un seul conseiller RH de proximité.
Le CRH de proximité a un rôle d’écoute et de conseil à l’agent, et peut aussi apporter un conseil managérial aux personnels de direction, sur des situations particulières. Et, il a tout à fait la possibilité – cela relève de sa mission – de renvoyer à d’autres les questions qu’il ne peut pas traiter lui-même. Est-ce une perte de temps ? Non, au contraire. Cela implique et permet un contact réel et en proximité, qui permet d’orienter vers les bons interlocuteurs, le cas échéant.
Les CRH de proximité représentent vraiment un service nouveau, qui est complémentaire des services sociaux, des conseillers mobilité carrière, de ce que peut faire un chef d’établissement, ou encore un inspecteur. Ils contribueront par ailleurs à l’élaboration des plans de formation locaux, qui permettront d’apporter une réponse plus adaptée aux besoins de formation des personnels dans leur territoire, en complément du plan académique.
"Les conseillers RH de proximité sont aussi une façon pour nous d’identifier tous les questionnements des personnels."
Laurent Seyer, DRH de l’académie de Nancy-Metz.
Laurent Seyer : C’est aussi une façon pour nous d’identifier tous les questionnements des personnels, et de leur apporter une première réponse rapide. À partir du travail déjà réalisé
AEF info : Pour "développer les conditions de vie professionnelle agréable" (axe 4), il est prévu de "lutter contre toutes formes de discrimination et promouvoir l’égalité femmes-hommes". Comment comptez-vous procéder ?
Laurent Seyer : Nous sommes en train de désigner des référents académiques. Il y en a d’ores et déjà quatre identifiés, pour chaque département. Et, il y en aura quatre au niveau académique, sur des thématiques croisées concernant à la fois des personnels et des élèves, pour s’enrichir mutuellement. Des groupes de travail sont planifiés pour élaborer et construire un plan académique opérationnel.
Par exemple, la notion d’égalité femmes-hommes passe notamment par le recrutement. Nous devons former nos cadres à recruter dans le respect de cette notion. Ce chantier, qui avait débuté avant la crise sanitaire, avait dû être suspendu. Nous allons le reprendre et le renforcer.
Bruno Henry, co-secrétaire général académique du Snes-FSU Lorraine :
"Globalement, cette feuille de route comporte de très bonnes intentions. Mais nous y voyons aussi des mesures creuses. Et, elle donne l’impression que tout est déjà fait !
Concernant les conseillers RH de proximité, il s’agit de passer à la vitesse supérieure. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas forcément en capacité de répondre aux questions des agents. Ils ne sont pas professionnalisés sur chaque domaine - situation de conflit, mutation, reconversion, etc. Leur travail, en réalité, sera de renvoyer aux agents gestionnaires au rectorat. Ce sera surtout un rôle d’interface.
Par exemple, des collègues les contactent parce qu’ils n’ont pas pu avoir leur affectation, ou telle promotion ; le CRH est incapable de leur dire pourquoi… L’attente des enseignants, c’est de comprendre comment les choses s’organisent, en termes de carrières et mobilités. Le hic ? Il y a beaucoup de souhaits et peu de solutions : dans le 2nd degré, nombreux sont ceux qui voudraient aller enseigner en lycée, mais ne le peuvent pas, par exemple.
Vanter ainsi la proximité, cela donne plutôt l’impression qu’on va renforcer les prérogatives des hiérarchies de proximité : les chefs d’établissement et les chefs de service.
Magali Leclaire, secrétaire régionale adjointe Unsa éducation de l’académie de Nancy-Metz :
"Nous sommes favorables aux objectifs. Mais il ne faut pas que ce soit un coup de com'. De plus, ce document a pu être interprété de façon négative, alors qu’était mise en œuvre la loi de transformation de la fonction publique, avec des droits retirés en matière de représentation des personnels.
Pour l’accompagnement des parcours professionnels, des conseillers RH vont être formés. Il faut qu’ils soient polyvalents, qu’ils connaissent la réalité de tous les métiers pour bien renseigner les personnels. Autre point d’attention : le plan de formation académique semble conçu principalement pour les personnels du 2nd degré… Par exemple, les enseignants du 1er degré ne pourront participer à la formation sur les discriminations que s’ils peuvent être remplacés, ce qui paraît compliqué.
Nous attendons de voir comment les concepts de la feuille de route seront déclinés. Sur "le développement des conditions d’une vie professionnelle agréable" par exemple, le déménagement du rectorat est prévu courant 2022. Sur le nouveau site, il n’y aura que 200 places de parking. Qu’est-il prévu pour ceux qui viennent de l’extérieur de Nancy ? Enfin, nous demanderons qu’un bilan soit présenté en CTA. C’est une feuille de route ambitieuse. La balle est dans le camp du rectorat : il faut qu’il se donne les moyens d’en décliner concrètement les objectifs".
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Pascaline Marion,
journaliste