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Alors que la deuxième année scolaire marquée par la crise sanitaire s’achève et que la rentrée de septembre se prépare dans l’incertitude, la formation à distance semble avoir fait durablement son entrée dans les CFA. Dans cette première dépêche d’une série de cinq, AEF info sonde les têtes de réseau de CFA sur les usages du distanciel amenés à perdurer. Les quatre autres volets se pencheront sur la manière dont elles ont soutenu les CFA dans le déploiement d’outils et la formation des formateurs, et dont le distanciel permet de mieux accompagner les jeunes et d’accroître les effectifs.
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Tout l'enjeu pour les CFA est de trouver le bon équilibre entre le présentiel et le distanciel. Droits réservés - DR - CFA académique Poitou-Charentes
"La crise a été un accélérateur incroyable en termes de pédagogie, d’outils et d’évolution du rôle des centres de formation", résume Julien Gondard, le directeur général de CMA France, avec près d’un an et demi de recul sur la crise sanitaire. Les mesures prises par le gouvernement pour tenter d’endiguer l’épidémie ont en effet conduit les têtes de réseau à déployer en urgence des solutions de formation à distance dans les CFA.
Si certains avaient déjà engagé des démarches de digitalisation avant la crise, d’autres partaient de zéro. La plupart des CFA, en revanche, entendent tirer profit des avancées réalisées depuis mars 2020 et envisagent de conserver une part de distanciel - y compris hors contexte de crise sanitaire - en le mêlant au présentiel.
Former plus… et mieux
"Avant crise, on était déjà sur du positionnement 'blended learning' [formation combinant présentiel et distanciel] dans certains territoires et pour certains apprenants", rappelle Delphine Billaux, chargée de mission formation professionnelle à CCI France, qui observe que la crise en a fait une norme. "L’ensemble des organismes de formation réfléchit à présent au blended learning, poursuit-elle. Certains centres sont dans l’optique d’inclure 40 % de distanciel dans les parcours, voire plus, même si tout revient à la normale."
L’intérêt d’une telle démarche est double. "Avec ces pédagogies, nous répondons mieux aux besoins de chaque apprenant, estime Julien Gondard. Nous pouvons nous adapter à son rythme, son niveau ou aux difficultés propres auxquelles il est confronté." Autre avantage : "Cela permet aux CFA de ne pas limiter l’accueil des apprenants et de ne pas se mettre de barrière à l’ouverture d’une formation supplémentaire", souligne Delphine Billaux qui voit aussi le distanciel comme une réponse à la saturation des salles de cours.
ouverture du champ des possibles
Ce déploiement de l’hybride permet également aux CFA de capitaliser à la fois sur les outils dont ils se sont dotés en urgence et sur la formation des formateurs à l’enseignement à distance. "La crise a permis aux équipes et au conseil d’administration de voir que c’était possible de mettre en œuvre la formation à distance", note Évelyne Coré, directrice du Centre national pédagogique des MFR, qui anticipe une poursuite de cette pratique.
"Il faudra sans doute revoir le rythme et repasser la courbe de la concentration au filtre du distanciel, prévoit toutefois Pascal Picault, premier vice-président de la Fnadir. Peut-être que sur un cours de trois heures, on peut imaginer que la première heure soit dédiée à des recherches et que les deux heures suivantes permettent la participation et la transmission. Les classes inversées et la co-construction de certains cours permettent aussi de faire passer les apprenants du côté du formateur et de maintenir leur attention."
maintien du distanciel pour des enseignements généraux
En outre, tout l’enjeu pour les CFA sera de trouver le bon équilibre entre la part de présentiel et de distanciel. "Il y a un postulat qu’on essaye de garder chez nous : c’est que l’apprentissage dans nos métiers ne pourra pas être que du digital", relève Julien Gondard. "On réfléchit pédagogiquement parlant est-ce que c’est adapté ou pas, selon qu’on est sur une formation très technique ou généraliste, selon les typologies de publics et de niveaux", renchérit Delphine Billaux.
D’une manière globale, le distanciel semble ainsi plus adapté pour les enseignements généraux. À tel point que certains centres pourraient dispenser ces disciplines uniquement par ce biais. "Nos CFA utilisent à présent à plein régime les webinaires pour les cours magistraux d’enseignement général", observe à ce sujet Julien Gondard. Toutefois, la crise a également conduit les réseaux de CFA à innover pour dispenser les enseignements techniques à distance.
digitalisation de certains enseignements techniques
C’est le cas de l’Anfa qui a déployé un programme pour digitaliser certains enseignements techniques supposant de créer des contenus spécifiques. "Nous avons lancé des expérimentations qui sont en cours dans le cadre desquelles les CFA créent des séquences pédagogiques sur les bonnes pratiques, explique Andreas Gabriel, chef du service de l’accompagnement des établissements de l’Anfa. Nous avons notamment financé un outil pour tous, Electude, qui permet de simuler des interventions sur les véhicules, et nous avons développé d’autres outils en test où l’on peut programmer des pannes à distance."
La difficulté est alors de choisir les modalités distancielles adaptées. "Il y a les serious games, la réalité virtuelle avec un casque, la réalité augmentée avec des lunettes où des informations s’ajoutent à la vision, détaille Jacques-Olivier Henon, le directeur de l’innovation pédagogique du CCCA-BTP. Ces technologies sont efficaces par exemple pour apprendre le fonctionnement d’une vanne, ou celle d’une électrode de sécurité pour une installation thermique. Les environnements 3D, comme ils existent dans les jeux vidéo, permettent sur certains sujets un apprentissage aussi rapide que profond. En plus, ils coûtent 7 à 8 fois moins cher que la réalité virtuelle."
D’autres réseaux n’ont pas nécessairement mis en œuvre d’actions particulières à destination des CFA pendant la crise sanitaire. Ainsi, l’UIMM n’a pas souhaité répondre aux questions d’AEF info sur cette problématique, tandis que l’Umih reconnaît ne pas avoir mené d’initiatives spécifiques, ce qui s’explique notamment par la fermeture des entreprises de l’hôtellerie-restauration pendant toute cette période. "Nous avons peu de retours sur la manière dont les CFA ont exploité le plan pédagogique face à ce contexte inédit que nous avons connu, explique le président de l’Umih Nouvelle-Aquitaine, Laurent Barthelemy, qui est également vice-président d’Akto. C’est plutôt logique dans un secteur où les jeunes n’étaient ni en cours, ni en entreprise."
L’Umih a néanmoins soutenu les CFA pour acquérir du matériel, ainsi que les entreprises pour mettre en œuvre le "click and collect" jusqu’au troisième confinement. "Nous continuons à équiper nos élèves en matériel pour suivre en distanciel, précise Laurent Barthelemy. Nous accompagnons les établissements pour s’adapter au 'click and collect' et aux nouveaux métiers qui émergent dans le secteur. La question pour nous est plutôt 'comment j’adapte la formation aux nouveaux besoins en compétences des entreprises ?'"
recours à la vidéo en présentiel
Les solutions les plus simples, gratuites et qui sont dans les usages de la vie quotidienne des alternants sont par ailleurs parfois les plus efficaces et s’avèrent être un soutien précieux aux enseignements techniques. "Nous avons réalisé des vidéos de gestes professionnels et nous nous rendons compte que les formateurs techniques s’en emparent car qualitativement elles sont meilleures qu’une démonstration, note Bruno Aubry, directeur de la formation chez les Compagnons du devoir. Pour les jeunes, ça permet d’avoir un geste métier générique fait dans les meilleures conditions de sécurité, de dextérité." Ces vidéos sont utilisées en soutien des formations assurées à distance, mais aussi dans le cadre des formations sur site. "Le geste est idéal, nous voyons de plus près, nous pouvons faire des arrêts sur image, poursuit Bruno Aubry. Ça ne dispense pas de la démonstration, mais ça constitue une bonne préparation."
Si certains enseignements techniques ont ainsi pu être digitalisés, l’acquisition d’une majorité de gestes professionnels passe néanmoins par une pratique concrète. "La crise a fait que nous nous sommes adaptés, et que par nécessité nous sommes allés parfois sur du 100 % digital, mais ça ne doit pas être la totalité de l’enseignement, prévient Julien Gondard. On a trouvé des moyens d’apprendre à peindre une voiture avec un casque virtuel, à utiliser des logiciels pour apprendre la découpe… Mais rien ne remplacera la pratique du geste sur site, cela reste des métiers manuels."
limites du distanciel
La présence en CFA restera également nécessaire pour l’acquisition de toutes les autres compétences que celles strictement liées au métier visé. "Un grand enseignement des confinements, c’est que le CFA comme l’entreprise construit des citoyens, détaille à ce sujet Jacques-Olivier Henon. C’est une évidence qu’on avait oubliée. On ne peut aiguiser la curiosité, le sens critique, créer un recul sur la portée des actes et engagements sans avoir les jeunes en face-à-face. Le temps dont on dispose pour les jeunes doit être aussi consacré à la construction de la socialisation, y compris citoyenne. C’est une des premières demandes des entreprises : les softs skill."
Une dernière limite vient s’ajouter au maintien du distanciel à grande échelle, à savoir la capacité des apprentis à suivre à distance. "Sur les premiers niveaux de qualification, on peut envisager du distanciel, mais dans une toute petite proportion, 20 % maximum en général, au-delà, c’est difficile pour eux, explique Delphine Billaux. Par contre, pour les autres niveaux de qualification, on peut se permettre d’aller beaucoup plus loin." Reste à avoir les bons outils.
AEF info sonde les têtes de réseau de CFA dans le cadre d’une enquête consacrée à l’innovation dans les CFA. Cette dépêche est le premier volet d’une série de cinq :
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Astrid Gruyelle,
journaliste