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"Fixer un cadre trop contraignant [pour les employeurs territoriaux] pourrait être contreproductif", estime Estelle Mercier, la nouvelle cheffe de file sur le télétravail de l’association d’élus France urbaine
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Pour Estelle Mercier, référente télétravail à France urbaine, "les questions de mise en œuvre [du télétravail] doivent être réglées par le dialogue social local" Droits réservés - DR - ville de Nancy
AEF info : Les employeurs territoriaux participent à la négociation sur le télétravail dans la fonction publique depuis son lancement en février (lire sur AEF info). Quelles sont les attentes des métropoles en la matière ?
Estelle Mercier : Le télétravail est un enjeu majeur pour les employeurs urbains. C’est un levier pour améliorer la qualité de vie au travail et pour moderniser notre management. C’est aussi un moyen d’attirer davantage de candidats sur nos métiers. Les agents sont aussi très demandeurs. S’agissant du futur accord-cadre, nous attendons du gouvernement de la souplesse afin de tenir compte des spécificités locales. Les métiers sont très variés dans la territoriale et les problématiques de transport peuvent varier selon les régions. Fixer un cadre trop contraignant pourrait donc être contreproductif.
Par exemple, il nous semble compliqué que l’employeur aille vérifier systématiquement l’ergonomie des postes au domicile de chaque agent. Dans le secteur privé, jusqu’en 2017, les contraintes pour les employeurs étaient fortes, et cela a été clairement un frein au développement du télétravail dans les entreprises. Les questions de mise en œuvre doivent être réglées par le dialogue social local, au cas par cas.
AEF info : La DGAFP a proposé début juin de fixer à 10 euros par mois l’obligation de remboursement des frais de télétravail (lire sur AEF info). Qu’en pensez-vous ?
Estelle Mercier : La prise en charge des frais liés au télétravail doit être une possibilité et non une obligation pour les employeurs territoriaux. Plusieurs d’entre eux proposent déjà des aides pour acquérir du matériel voire pour compenser les frais variables, mais c’est loin d’être une majorité. Si c’était une obligation, le surcoût pourrait dissuader les grands employeurs territoriaux de développer le télétravail. Doter les télétravailleurs d’ordinateurs et adapter les systèmes d’information représente déjà un investissement conséquent.
"Nous ne voulons pas susciter un sentiment d’iniquité entre les agents" pouvant télétravailler et recevant une prime "et les autres. L’accord doit permettre la négociation mais pas la contraindre."
À l’échelle d’un agent, travailler chez soi un jour par semaine ne coûte pas grand-chose. À partir de trois jours hebdomadaires, cela peut être davantage justifié. Il peut y avoir des frais de chauffage par exemple, mais on peut imaginer que ce sujet varie entre le Nord et le Sud de la France. De même, il peut y avoir des économies de transport pour l’agent qui dépendent des territoires. Au-delà de ces questions, en tant qu’employeurs, nous ne voulons pas susciter un sentiment d’iniquité entre les agents qui auraient des fonctions télétravaillables, et qui recevraient à ce titre une prime, et les autres. C’est pour cela que l’accord doit permettre la négociation mais pas la contraindre.
AEF info : Autre point qui a été abordé lors de la négociation, les critères d’éligibilité au télétravail…
Estelle Mercier : Nous ne souhaitons pas définir une liste de postes qui seraient éligibles à ce type d’organisation du travail. Il faut pouvoir élargir au maximum cette modalité d’organisation. Par exemple, un technicien peut avoir besoin de traiter ponctuellement des dossiers, ce qu’il pourra faire chez lui. En outre, la réussite du télétravail dépend aussi de critères individuels.
À France urbaine, nous estimons que c’est l’encadrant qui est le mieux à même de décider quels sont les agents suffisamment matures, autonomes et capables de s’autoréguler pour travailler à distance. Il faut faire attention à ne pas vouloir trop en faire et à préserver le collectif de travail. Le télétravail n’est pas un droit. Sinon, le risque est de créer in fine de l’isolement et de la souffrance au travail. Nous avons tous pu constater pendant le confinement les limites du travail à distance.
Dans tous les cas, il nous paraît nécessaire de préserver au moins deux jours sur site par semaine. De plus, les échanges informels entre collègues ou avec des interlocuteurs extérieurs sont très importants. À cet égard, les réflexions que nous menons sur l’égalité femme-homme nous amènent également à être vigilants pour que le télétravail ne conduise pas incidemment à écarter les femmes des bénéfices de ce type de réseautage.
AEF info : Le télétravail représente un vrai changement culturel pour la plupart des collectivités. Comment les aider à y faire face ?
"Il faut aller vers plus de confiance et moins de contrôle, tout en réussissant à garder le lien" avec les agents, "à motiver ses équipes et à gérer les horaires".
Estelle Mercier : La crise sanitaire a permis de lever la plupart des réticences que pouvaient avoir les dirigeants et les élus locaux. Le confinement a montré qu’il était tout à fait possible de maintenir un service public de qualité avec une partie des agents à distance, mais il a aussi montré que la formation des encadrants était indispensable. Ces derniers sont d’ailleurs en général demandeurs.
Il faut aller vers plus de confiance et moins de contrôle, tout en réussissant à garder le lien, à motiver ses équipes et à gérer les horaires. À Nancy, nous allons travailler sur un accord à partir de la rentrée qui devrait prévoir une formation des managers et qui abordera le droit à la déconnexion.
Depuis le renouvellement des exécutifs municipaux en mars et juin 2020, les élus locaux membres de France urbaine ont largement investi les instances de la fonction publique territoriale, la coordination des employeurs territoriaux et les groupes de travail pilotés par le ministère de la Fonction publique, comme celui sur la PSC (lire sur AEF info). L’objectif étant de faire valoir les spécificités des grandes collectivités face notamment à l’AMF, qui détenait jusqu’à présent un quasi-monopole sur la représentation des communes et des EPCI.
Au sein du CSFPT (conseil supérieur de la fonction publique territoriale), Emmanuelle Rousset, l’adjointe aux RH de la maire de Rennes, préside désormais la formation spécialisée n° 4, consacrée aux questions sociales (lire sur AEF info), tandis qu’Estelle Mercier a été élue membre du CA du CNFPT en mai (lire sur AEF info).
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Florianne Finet,
journaliste