En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
"Un enjeu majeur pour l’Éducation nationale est le travail collectif", déclare le 4 juin 2021 à AEF info la rectrice de la Réunion, Chantal Manès-Bonnisseau. Dans sa feuille de route RH, la rectrice met l’accent sur la "coopération", à la fois au sein des établissements mais aussi avec les acteurs extérieurs. "L’Éducation nationale doit mieux associer ces partenaires à la définition des politiques académiques", estime la rectrice. Autre priorité en matière RH : la protection des personnels. La rectrice considère que "le lien de confiance entre le personnel et sa hiérarchie ou l’administration doit être plus fort". Par ailleurs, pour le prochain projet académique, la rectrice fixe deux priorités : élever le niveau des élèves du premier degré et valoriser et diversifier l’enseignement professionnel. Chantal Manès-Bonnisseau évoque également la gestion de la crise Covid à la Réunion.
Cette dépêche est en accès libre.
Retrouvez tous nos contenus sur la même thématique.
Chantal Manès-Bonnisseau, rectrice de la Réunion Droits réservés - DR - Académie de La Réunion
AEF info : Vous êtes en poste depuis près d'un an à la tête de l'académie de la Réunion. Quelles priorités avez-vous fixées ?
Chantal Manès-Bonnisseau : Je suis arrivée dans un contexte de crise sanitaire qui a bien sûr occupé une importante partie de nos actions. Mais nous avons pu avancer aussi sur d’autres thèmes, en particulier à travers deux grandes priorités, qui constitueront deux axes prioritaires du prochain projet académique 2021-2025, en cours de rédaction.
D’abord, nous voulons élever le niveau des élèves dans le 1er degré. Les niveaux de maîtrise des compétences de base des élèves réunionnais (hors éducation prioritaire) sont bons si l’on tient compte de l’IPS, mais restent en deçà du niveau national, en particulier en mathématiques (-10 points pour la compétence "comparer les nombres", par exemple).
L’amélioration de l’apprentissage des fondamentaux doit être conduite en prenant en compte la spécificité de la Réunion. Le créole, qui est la langue première pour 80 % des enfants, demande par exemple que les enseignants soient formés pour avoir des gestes professionnels adéquats afin d’emmener les enfants du créole à la maîtrise du français.
Toujours dans le 1er degré, nous avons lancé plusieurs mesures sur l’égalité filles-garçons, et ceci dans les deux sens ! Il faut encourager les filles à avoir plus d’ambition mais il faut aussi mieux faire réussir les garçons, qui ont des résultats scolaires inférieurs à ceux des filles.
AEF info : Quelle est votre deuxième priorité ?
Chantal Manès-Bonnisseau : La voie professionnelle. Mon objectif est de valoriser cette voie et de la diversifier. Nous avons travaillé sur l’orientation, en organisant par exemple le "printemps de l’orientation", dans le but que cette voie soit réellement un choix de l’élève et non une orientation subie. Nous voulons aussi que les élèves aient une vision concrète des formations possibles, en les mettant en contact de professionnels de ces métiers.
"Je souhaite développer la mobilité des jeunes, en particulier des élèves de la voie professionnelle, vers l’Europe, la zone Océan Indien et l’international."
En lien avec la Région, nous cherchons à adapter les compétences des élèves aux métiers du 21e siècle de la Réunion. Les filières professionnelles dynamiques du territoire comme "l’économie bleue", le sport ou le tourisme par exemple, doivent offrir des chances d’insertion professionnelle pour les jeunes.
Je souhaite également développer la mobilité des jeunes, en particulier des élèves de la voie professionnelle, vers l’Europe, la zone Océan Indien et l’international.
AEF info : La Réunion connaît des inégalités territoriales mais aussi des situations sociales fragiles, avec la moitié des élèves en éducation prioritaire et près de la moitié des familles en dessous du seuil de pauvreté. Comment répondre à cette spécificité ?
Chantal Manès-Bonnisseau : Nous avons lancé plusieurs actions afin de renforcer l’égalité des chances : mobilisation des fonds sociaux, petits-déjeuners à l’école, créations de 5 internats d’excellence alors qu’il n’y en avait aucun auparavant. Nous avons aussi doublé le nombre d’élèves suivis par une Cordée de la réussite et créer une CPES pour permettre à des néobacheliers d’avoir une préparation aux concours aux grandes écoles sur 3 ans.
Je souhaite travailler aussi sur l’environnement qui contribue à ce que les élèves et les personnels travaillent dans de bonnes conditions.
AEF info : Justement, vous venez de publier votre feuille de route RH, qui comprend 4 axes, dont celui de "protéger" et de "coopérer". En quoi consistent-ils et quels sont vos objectifs ?
Chantal Manès-Bonnisseau : Après l’assassinat de Samuel Paty, nous avons voulu organiser une politique académique de prévention et de protection des personnels. Je me suis aperçue notamment que beaucoup d’enseignants ne connaissaient pas ou n’utilisaient pas le dispositif de signalements d’incidents au rectorat. Nous avons signé aussi une convention État-Justice pour renforcer la protection des personnels, avec un référent gendarmerie ou policier pour chaque établissement.
Nous devons aussi mieux reconnaître et accompagner les agents victimes d’agression. Il faut désormais que chaque professeur qui porte plainte soit accompagné par son chef d’établissement ou son supérieur hiérarchique. De manière générale, je pense que le lien de confiance entre le personnel et sa hiérarchie ou l’administration doit être plus fort.
Je souhaite aussi renforcer l’accompagnement des chefs d’établissement, qui ont un rôle et des responsabilités de plus en plus importants. Leur formation continue sera développée et ils pourront s’appuyer sur deux piliers : les "cellules de suivi et d’accompagnement des établissements" mises en place au rectorat qui aident les chefs d’établissement en cas de difficultés et le "groupe d’analyse des situations de travail", composé de formateurs qui accompagnent les chefs d’établissement en petits groupes.
AEF info : Autre axe de votre feuille de route RH : la coopération. Quelles sont les mesures prévues ?
Chantal Manès-Bonnisseau : Je pense qu’un enjeu majeur pour l’Éducation nationale est le travail collectif. Cela concerne les équipes dans un établissement mais aussi la collaboration avec les partenaires extérieurs. L’école du 21e siècle est au cœur d’un maillage territorial composé d’un grand nombre d’acteurs : les institutions et organismes publics (Cnaf, armée, collectivités, etc.), les associations et les entreprises. L’Éducation nationale doit mieux associer ces partenaires à la conception et à la définition des politiques académiques. Le développement du travail en équipes est un des axes prioritaires du Grenelle de l’éducation et nous nous inscrivons pleinement dans cette démarche.
"Je veux faire savoir que l’Éducation nationale est une institution qui s’est modernisée et transformée."
Pour arriver à renforcer cette coopération, les actions que nous menons doivent être mieux connues afin que les acteurs extérieurs réalisent à quel point l’Éducation nationale s’est modernisée ! Je veux faire savoir que l’Éducation nationale est une institution qui s’est transformée et qui sait s’adapter aux besoins des élèves et pour les faire réussir.
Nous venons d’organiser par exemple une journée académique pour présenter les actions réalisées dans les établissements scolaires sur l’éducation au développement durable. L’académie de la Réunion est très en pointe sur ce sujet : 72 % des collèges ont mené des actions sur ce secteur, des éco-délégués ont été désignés dans chaque classe de collège et de lycée… La directrice de l’Agence française de développement (AFD), qui ne connaissait pas nos actions en matière de développement durable, a été favorablement impressionnée par la richesse des productions. De notre côté, nous ne l’avions pas associée alors que l’agence est un acteur majeur dans le domaine de l’EDD ! Nous travaillerons ensemble pour la prochaine édition.
AEF info : Y a-t-il d’autres axes spécifiques dans votre feuille de route ?
Chantal Manès-Bonnisseau : Une autre façon de mieux coopérer est de fluidifier le dialogue entre les différents niveaux d’organisation de l’Éducation nationale : le rectorat, les bassins, les établissements, les écoles… La feuille de route prévoit notamment d’améliorer la traçabilité des réponses qu’on apporte à chaque niveau.
Un chef d’établissement ou une organisation syndicale qui adresse une question au rectorat par exemple doit avoir une réponse dans un délai connu de manière à éviter des dysfonctionnements où la personne pose trois fois sa question à trois personnes différentes et n’obtient jamais sa réponse ! Là encore, il faut changer l’image d’une administration qui ne répond pas rapidement aux demandes.
Nous allons maintenant préciser cette feuille route qui a été communiquée aux partenaires sociaux, à travers un groupe de travail visant à affiner les priorités et les intégrer au projet académique.
AEF info : Comment s’est passée la gestion de la crise Covid dans votre académie ?
Chantal Manès-Bonnisseau : À la Réunion, nous avons une évolution inversée par rapport à la métropole. Nous sommes actuellement au pic le plus haut des taux de contamination (taux d’incidence de 150 actuellement) mais nous avons eu des taux bas précédemment, ce qui nous a permis de garder toutes les écoles et établissements ouverts jusqu’à présent. Certaines classes ont fermé mais tous les établissements sont restés ouverts cette année, avec des lycées en demi-jauge depuis avril.
"Tous les établissements sont restés ouverts cette année."
L’année précédente a été plus difficile car les élèves ont eu les vacances de janvier puis le confinement total. Certains élèves ont suivi seulement la moitié de l’année scolaire en présentiel. Les évaluations de début d’année de CP et CE1 nous ont d’ailleurs aidés à repérer les points d’amélioration à travailler comme la compréhension orale ou les mathématiques.
Deuxième spécificité de la Réunion : une double épidémie. Nous avons non seulement le Covid mais également la dengue qui est très virulente cette année.
AEF info : Quelles sont les conséquences de cette crise Covid sur l’enseignement scolaire ?
Chantal Manès-Bonnisseau : Pour les vacances d’été (d’hiver à la Réunion), nous allons mettre l’accent sur des dispositifs de soutien scolaire, comme les vacances apprenantes ou des écoles ouvertes, pour limiter au maximum les risques de décrochage. Nous préparons aussi des supports télévisuels comme Lumni pour que les élèves fragilisés ne perdent pas trop entre les deux années scolaires.
Globalement, la crise sanitaire a fait évoluer la relation pédagogique, non seulement avec le déploiement de l’enseignement à distance mais je crois que le lien pédagogique a été redéfini. Certains élèves ont été en demi-jauge, d’autres ont vu leur classe fermer… Les professeurs ont dû maintenir ce lien dans différentes configurations et il a fallu travailler sur l’hybridation des contenus. Nous avons fait un réel saut qualitatif dans la formation des enseignants dans ce domaine.
Après une phase de test dans 3 établissements, les 48 lycées de La Réunion sont tous passés lundi 12 avril à l’enseignement hybride. L’organisation, qui vise à limiter le nombre d’élèves dans les établissements, doit garantir au moins 50 % d’enseignement en présentiel pour chacun d’eux, précise le rectorat. Il propose aux enseignants des temps d’échanges quotidiens et des webinaires sur l’enseignement à distance. Le rectorat assure que ses infrastructures centrales informatiques ont été "renforcées", avec en particulier des "serveurs plus nombreux, plus puissants et plus sécurisés". La Région, qui a en charge les connexions internet des lycées, s’engage à "en augmenter les capacités, afin de permettre des usages fluides et hybrides". Lors du confinement du printemps 2020, l’enseignement à distance à la Réunion avait pâti des infrastructures numériques "insuffisantes" (lire sur AEF info).
Vous souhaitez contacter
Cécile Olivier,
journaliste