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"En tant qu’employeur, nous devons prendre soin de nos personnels, qui sont notre principale richesse", affirme Valérie Cabuil, rectrice de Lille, lors d’un entretien accordé à AEF info mardi 1er juin 2021, en compagnie de Christelle Derache, DRH. La première feuille de route RH de l’académie met l’accent sur la qualité des réponses apportées aux agents, sur l’accompagnement des personnes fragiles, sur la qualité de vie au travail et sur l’innovation. Un vaste chantier pour cette grande académie qui compte 77 300 agents. Évoquant un "changement de paradigme", Valérie Cabuil promet un renforcement progressif de la direction des ressources humaines et une actualisation régulière de la feuille de route. Interrogés par AEF, l’Unsa et la FSU ne cachent pas leur scepticisme face à cette "commande du ministère", inscrite dans un "cadre daté" et "sans obligation de résultat".
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Valérie Cabuil, rectrice de l'académie de Lille. D.R.
AEF info : Chaque rectorat publie sa feuille de route RH à la demande du ministère. Comment abordez-vous cette nouvelle priorité académique ?
Valérie Cabuil : C’est une manière d’aborder la politique RH de façon différente, non pas comme un acte gestionnaire mais comme un réel accompagnement. En tant qu’employeur, nous devons prendre soin de nos personnels, qui sont notre principale richesse ! C’est un changement de paradigme : la direction des ressources humaines n’existait pas en tant que telle il y a quelques années.
Nous voulons que cette feuille de route soit complètement opérationnelle, ce qui explique qu’elle ne comporte pas de grands développements théoriques. Elle sera revue chaque année, en lien avec les partenaires sociaux. À terme, cette nouvelle stratégie devrait occasionner des réorganisations internes, au sein du rectorat et des DSDEN : il faudra vraisemblablement renforcer la direction RH par des recrutements.
AEF info : Comment a été élaborée cette feuille de route ?
Christelle Derache : Ce document a beaucoup évolué. Ce n’est pas le résultat d’un travail technique mais l’aboutissement d’un chantier porté par la rectrice. C’est aussi le résultat d’un dialogue social riche avec les partenaires sociaux. Nous avons lancé avec eux un travail de fond pour réécrire d’ici l’été notre plan de prévention sur les risques psychosociaux. Nous allons aussi finaliser un accord sur l’égalité professionnelle femmes-hommes qui sera présenté à l’automne aux instances.
Valérie Cabuil : Cette feuille de route n’est pas figée. Nous avons soigné la mise en forme pour que ce soit agréable à lire par les personnels. Ceux-ci peuvent d’ailleurs contribuer en nous écrivant. Nous avons déjà reçu une quarantaine de propositions en quelques jours, qui portent sur des questions de carrière ou encore sur la formation des contractuels. Cela montre un réel intérêt pour la démarche.
AEF info : Quelles sont les priorités de cette feuille de route ?
Valérie Cabuil : Nous insistons sur la nécessité d’écouter les personnels et de leur répondre de manière systématique et bienveillante, dans des délais raisonnables. Nous avons encore tendance à fournir des réponses très techniques. Je souhaite qu’on se mette toujours à la place de celui qui va recevoir le message et que nous ayons des réponses plus empathiques. Nous voulons aussi promouvoir la culture du "merci" pour valoriser la contribution de chacun à l’action collective.
"Je souhaite que nous ayons une attention particulière pour les AESH et AED"
Valérie Cabuil
Un axe important de la feuille de route consiste à mieux accompagner les personnes en situation de fragilité, à titre individuel, de façon plus moins temporaire ou pour une raison plus systémique. Nous avons mis en place dès le 15 février un "groupe d’appui RH" pour impulser un travail pluridisciplinaire autour de ces situations souvent complexes. Je souhaite aussi que nous ayons une attention particulière pour les personnels AESH et AED : leurs parcours professionnels doivent devenir plus attractifs. Nous devons améliorer les modalités de leur recrutement, leur permettre d’augmenter leur quotité de travail (en facilitant aussi l’accès à un deuxième emploi, dans le temps périscolaire en particulier) et leur proposer des formations valorisantes.
Enfin, la crise sanitaire nous a appris que nous pouvions télétravailler. Or, parler de télétravail, c’est glisser très vite sur les questions de qualité de vie au travail, de frontière entre la vie professionnelle et personnelle, de prévention des RPS… La qualité de vie au travail est une priorité de cette feuille de route. Nous voulons avec les partenaires sociaux en faire une priorité à tous les niveaux, de la bonne tenue du registre de santé au travail au sein des établissements à la formalisation d’outils et de procédures au sein du rectorat.
AEF info : L’innovation est le quatrième axe de cette feuille de route. Quel bilan tirez-vous de l’expérimentation sur la GRH de proximité ?
Valérie Cabuil : Nous avons évolué sur cette question. C’est très bien d’avoir des conseillers qui vont sur le terrain vers les personnels : ils ont d’ailleurs été très sollicités malgré les confinements. Mais la proximité ne passe pas seulement par la présence géographique. L’acception du terme doit donc être beaucoup plus large ; être proches des personnels, c’est aussi être joignable facilement, apporter des réponses concrètes et empathiques. La crise sanitaire a bousculé la notion de proximité, en développant de nouveaux moyens de communication.
"Nous étendons à tous les types d’encadrants le coaching par les pairs expérimenté avec les chefs d’établissements"
Christelle Derache
Christelle Derache : On peut parler plutôt d’accessibilité. Nous allons renforcer notre équipe RH de proximité par le recrutement d’un psychologue du travail. Nous étendons aussi à tous les types d’encadrants le coaching par les pairs expérimenté avec les chefs d’établissements. Notre réseau de coachs comporte aujourd’hui 8 personnels de direction formés, qui accompagnent dix encadrants (chefs d’établissement, cadres en service académique…)
AEF info : L’académie de Lille (77 300 personnels) a-t-elle de fortes spécificités RH ?
Valérie Cabuil : Sa dimension fait qu’à chaque fois que l’on imagine une politique, il faut se projeter sur des grands nombres et prévoir une déclinaison à des échelles plus fines (infradépartementales). Notre académie présente par ailleurs des défauts d’attractivité : en effet, si la métropole lilloise ou Arras sont très attractifs, d’autres parties de l’académie ont des difficultés à stabiliser les personnels. L’académie se heurte aussi à des difficultés de recrutement sur certains postes d’encadrement. Peut-être est-ce un effet de l’héliotropisme… Et pourtant, nous avons la réputation d’être une académie où il fait bon vivre ! Nous y tenons, en cultivant un humanisme dont témoigne cette feuille de route.
AEF info : Comment inscrire ces nouvelles pratiques RH dans la durée ?
Valérie Cabuil : La politique RH ne dépend pas que des cadres qui la mènent et les organisations syndicales sont là pour veiller à ce que cet état d’esprit perdure. Mais il est vrai qu’il faudrait ajouter des indicateurs à cette feuille de route. Le bilan social pourrait aussi être complété par des enquêtes régulières de climat social pour mesurer le ressenti des personnels. C’est une proposition que je vais faire aux partenaires sociaux.
Nicolas Penin, secrétaire régional de l’Unsa Éducation Hauts-de-France. "Certes, dans l’académie de Lille, la DRH et la rectrice sont dans l’empathie, la bienveillance et l’écoute. Mais elles évoluent dans un cadre daté : le ministre ne parle jamais en conférence de presse de qualité de vie au travail ou du bien-être des personnels. De plus, je m’interroge sur le fait que, ces dernières années, les suppressions de poste réalisées au rectorat aient toutes porté sur des supports RH. Le mammouth ne doit pas être dégraissé mais musclé pour devenir agile, pertinent, réactif ! Cette feuille de route est une commande du ministère. Pour en faire un levier, il faut impulser un vrai changement de culture et de système."
Thierry Quetu, secrétaire régional de la FSU Hauts-de-France. "Nous travaillons depuis le mois de mars sur cette feuille de route avec le rectorat. Mais pour nous, c’est beaucoup d’incantatoire, sans obligation de résultat. Pour les agents, obtenir un RDV avec la DRH de l’académie est excessivement compliqué. Et le service RH compte une vingtaine de personnes seulement. Pour gérer 80 000 personnels, c’est un peu léger ! On nous parle d’évolution de carrière mais c’est un serpent de mer : pour les enseignants, les seules perspectives sont de devenir chef d’établissement ou inspecteur. On nous parle des AESH, qui gagnent entre 600 et 800 euros par mois, mais sans prévoir de leur proposer un plein-temps. On nous parle d’égalité femmes-hommes mais il y a toujours 11 % de différence de rémunération dans la fonction publique. Cette feuille de route est représentative de la politique de Jean-Michel Blanquer : il n’y a jamais de moyens derrière."
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Sylvain Marcelli,
journaliste