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Le 11 mai 2021, la Mutuelle Générale signait un accord instaurant un télétravail particulièrement souple (lire sur AEF info). Parmi les mesures, la possibilité pour les salariés de ne se rendre sur site que quatre jours par mois ou encore la possibilité de choisir son lieu de travail sous certaines conditions. Construit sur la base de concertations avec les salariés et des groupes de travail dédiés, ce nouveau mode de travail se déploiera progressivement dans le courant de l’année 2021. Stéphane Gannac, DGA chargé des RH, des projets et de la transformation de l’action sociale et de la prévention santé, explique à AEF info la genèse de ce projet d’envergure qui bouscule l’organisation du travail, ses conséquences sur le management et la fonction RH, et détaille les nouveaux enjeux humains de l’entreprise pour les mois à venir.
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Stéphane Gannac, DGA chargé des RH, des projets et de la transformation de l'action sociale et de la prévention santé à la Mutuelle Générale Droits réservés - DR - La Mutuelle Générale
AEF info : Vous avez signé avec l’ensemble des organisations syndicales un accord baptisé "Open Travail" permettant d’aller jusqu’à cinq jours de télétravail par semaine. Comment s’est déroulée cette négociation et comment avez-vous construit ce projet ?
Stéphane Gannac : Nous disposions déjà d’un accord sur le télétravail dont l’entrée en vigueur était prévue en janvier 2020. Ce dernier prévoyait un jour de télétravail par semaine et nous commencions à le déployer. Le 16 mars, nous nous sommes retrouvés confinés et tout a bien fonctionné, puisque nous étions équipés pour. À l’été, nous nous sommes posé la question de l’organisation du travail de demain, conscients que demain ne serait jamais "comme avant". Les salariés étaient très satisfaits du télétravail. Nous les avons interrogés dans le cadre d’une enquête réalisée par Ipsos sur leur vision du télétravail (en période de confinement), sur leur rythme, les difficultés rencontrées. 90 % voulaient conserver le télétravail post-crise sanitaire, dont une majorité soulignait une appétence pour une moyenne d’un à deux jours à distance. 20 % nous disaient vouloir faire du télétravail cinq jours par semaine.
Nous leur avons également demandé s’ils souhaitaient travailler sur le sujet de l’organisation future du travail. Une centaine de collaborateurs ont levé la main pour participer aux travaux pour un nouveau cadre. 80 d’entre eux, managers, membres du Comex, cadres supérieurs, collaborateurs ou encore représentants des salariés, ont travaillé ensemble de juillet à octobre sur différents thèmes comme le rythme de travail, le management, le lien social, le collectif, l’immobilier ou les déplacements professionnels. Ce groupe a travaillé 100 % en interne, sans l’intervention d’un consultant. Chaque groupe thématique disposait d’un responsable. Ces derniers se réunissaient autour d’un comité de pilotage tous les jeudis. Presque toutes leurs propositions ont été validées par le Comex, et le projet a été intégré à notre projet d’entreprise validé par le conseil d’administration.
En février 2021, nous avons reconduit une enquête auprès des salariés pour s’assurer que les souhaits exprimés mi-2020 étaient toujours les mêmes, au vu des reconfinements successifs et de la lassitude dont tous les médias parlaient. Les chiffres n’ont que peu bougé, avec 89 % de collaborateurs voulant poursuivre le télétravail et sur un rythme plus élevé que six mois auparavant. Une vraie surprise.
AEF info : Combien de salariés sont déjà prêts à opter pour ce modèle aujourd’hui ? Comment s’effectue la mise en place progressive ?
Stéphane Gannac : Tout est fondé sur le volontariat. Actuellement, chaque équipe définit le moment de bascule et les temps consacrés au travail en présentiel et aux réunions à distance. Nous estimons que 20 % pourraient opter pour le full télétravail. Le choix porté par les collaborateurs dépend aussi de leurs projets personnels. C’est une question d’opportunité également, certains souhaitant par exemple en profiter pour déménager en province, ou travailler depuis leur résidence secondaire lorsqu’ils en possèdent une.
Il n’y a pas de profil type de salariés. Mais il est sûr qu’un facteur important est la qualité du logement où le collaborateur réside et l’environnement qui est le sien. Les enfants ou encore l’équilibre à trouver avec son conjoint sont importants. Beaucoup de paramètres personnels sont à prendre en compte.
AEF info : Comment cette nouvelle organisation du travail impacte-t-elle le management et la façon dont les équipes sont encadrées ?
La question aujourd’hui ne se résume pas au management à distance. Il s’agit de mettre en place de manière pérenne une nouvelle organisation du travail. Les managers sont tout d’abord formés sur la façon de gérer l’éligibilité des salariés au télétravail, évaluer leur autonomie dans le travail, expliquer pourquoi leurs demandes de pratique du télétravail sont pertinentes ou excessives en fonction du contexte, ou encore à animer les réunions permettant de définir les règles collectives. Les managers vont devoir organiser tout le processus afin que le travail se déroule de la meilleure manière qui soit. Il faut bien fixer les priorités métier, penser à l’animation des réunions, à l’ouverture physique de nos agences ou encore à des choses simples comme la gestion du courrier.
Ensuite, ils bénéficieront d’un parcours spécifique au sein de notre École du management (école de formation interne) afin de savoir gérer les équipes hybrides et retrouver dans ce cadre la capacité à détecter les signaux faibles. Cela s’apprend et il faut les y accompagner. De plus, chaque salarié, manager ou non, bénéficiera d’un e-learning pour comprendre ce qui l’attend dans cette nouvelle organisation du travail dans le cadre d’un "passeport Open travail". Cette formation est obligatoire pour basculer dans le dispositif. Pour bien accompagner les managers, chaque direction passera dans le nouveau système de manière séquencée.
AEF info : Comment vous préparez-vous pour l’échéance du 9 juin et la période estivale ? Allez-vous donner de nouvelles indications aux collaborateurs outre la signature de cet accord ?
Stéphane Gannac : Nous avons toujours été prudents dans la notion de déconfinement. Avant le 9 juin 2021, il y a eu le 11 mai 2020 et nous n’avions pas déconfiné car tout fonctionnait et nous voulions éviter le yoyo si l’épidémie repartait. Nous sommes dans cette situation de télétravail fluctuante depuis un an et demi. Pour l’échéance du 9 juin 2021, nous resterons sur un mode de fonctionnement en télétravail massif et nous basculerons vers notre nouveau mode de fonctionnement en "Open travail" direction par direction. Fin juin, une dizaine de services devraient être concernés par cette bascule, avec un accompagnement jusqu’à septembre pour un déploiement séquencé, pas un big bang. À partir du 9 juin cependant, ceux qui souhaitent revenir, même cinq jours par semaine, le pourront.
AEF info : Comment va être réorganisé le siège au vu de la mise en place de l’"Open travail" ?
Stéphane Gannac : Avant la crise du Covid-19, nous disposions déjà de nombreux espaces en flex office, sans bureaux attribués, au sein de notre siège parisien, mais nous n’avons pas pu y recourir puisque nous étions confinés. Un changement dans les espaces de travail était donc déjà en cours et nous allons aujourd’hui développer encore plus les espaces de réunion, et ne garder les espaces individuels que pour permettre de s’isoler quand cela est nécessaire. Les travaux débuteront au début du mois de septembre. Nous allons également investir dans les espaces de convivialité afin que l’ensemble des salariés puissent se rencontrer comme sur une place de village.
Les salariés disposeront également d’une application dédiée afin de pouvoir visualiser les présences sur site, et donc rencontrer leurs collègues, savoir quels collaborateurs sont en télétravail, et lesquels sont en congé pour savoir qui est joignable ou non. Chez nous, le gain immobilier en période de post-crise n’est pas un sujet. La démarche en "Open travail" étant basée sur le volontariat, nous devons faire en sorte de nous adapter avec des outils simples tout en permettant à tous de pouvoir revenir lorsqu’ils le souhaitent.
AEF info : Après plus d’un an de crise, quelles sont aujourd’hui vos autres priorités RH pour les mois à venir ?
Stéphane Gannac : Par ce projet "Open travail", nous ne visons pas seulement le bien-être des collaborateurs, mais nous souhaitons aussi attirer de futurs salariés. Nous n’imaginions pas il y a encore quelques années pouvoir recruter des collaborateurs pour des fonctions centrales qui seraient basés en province. Or, il y a des compétences partout. C’est un vrai changement, le verrou a sauté.
Il faut aussi réinventer la vie syndicale. Tous les salariés ne seront plus présents sur site et nous nous devons de réinventer les relations sociales et le militantisme. Nous proposons par exemple aux syndicats de réaliser des vidéos pour se présenter aux collaborateurs, d’intégrer leurs présentations dans le pack d’intégration et de développer davantage les communications digitales. En tant que direction, nous devons aussi jouer le jeu et moderniser notre dialogue social et permettre aux organisations syndicales de pouvoir toucher les salariés qui ne sont plus sur site.
AEF info : Le sujet des risques psychosociaux et de la santé mentale des salariés est aujourd’hui mis en avant. Quelle attention y portez-vous dans l’entreprise ?
Stéphane Gannac : Nous travaillons sur le maintien du lien social mais aussi sur la fierté d’appartenance et la solidarité des collaborateurs. Deux entités sont essentielles au sein de l’entreprise pour cela : les ressources humaines et la communication interne, leviers clés pour maintenir les interactions avec les collaborateurs. Tous nos canaux de communication sont tournés vers le maintien du lien social. Les compétences des managers doivent aussi évoluer. Ces derniers devaient jusqu’à présent piloter les indicateurs, des ressources, faire du reporting et gérer un budget. Aujourd’hui, au-delà de la responsabilité de la gestion du business, ils doivent être attentifs au lien et au bien-être à distance. Le manager devient un coach.
Dans les deux enquêtes réalisées auprès des collaborateurs, ils nous ont tous dit depuis le début du confinement que la charge de travail avait augmenté, mais que leur équilibre entre vie privée et vie professionnelle était meilleur. On ne doit pas nier que l’impact est là. Mais le télétravail reste plébiscité. Les salariés ne semblent pas ressentir de souffrance, mais la question à laquelle nous devons répondre aujourd’hui, c’est : comment on les aide si cela survient, et évidemment comment on l’évite.
Avant la crise, nous disposions déjà d’une cellule d’écoute psychologique. Nous avons également mis en place un outil similaire dédié aux managers en complément. Nous leur permettons aussi de bénéficier de sessions de codéveloppement avec des consultants extérieurs afin qu’ils puissent échanger et résoudre les problématiques auxquelles ils sont confrontés dans leur quotidien de manager sans recourir à leur N+1. Ils trouvent la solution eux-mêmes, entourés de leurs pairs. Onze groupes ont déjà été formés.
Enfin, le risque principal aujourd’hui est celui de l’isolement. Nous devons accompagner au travers d’un soutien RH et de formations, et en étant proches de nos managers. Il peut arriver que l’on se rende compte que certains managers ont des portées managériales trop importantes. Une équipe trop importante est plus difficile à manager en hybride qu’en présentiel. Il faut alors envisager de créer des postes d’adjoints pour les soutenir et limiter les risques ; nous réalisons régulièrement des enquêtes sur ce genre de risque. Les RH doivent être vigilants. Le tout est aussi de réapprendre à détecter à distance les signaux faibles, en écoutant, ce qui ne se limite pas à répondre à un simple "bonjour" ou un "ça va".
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Evelyne Orman,
journaliste