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"La question du pilotage des plans est cruciale. Outre le soutien d'un élu, un référent doit être désigné pour chaque action", estime Solenne Lepingle, cheffe du service emploi-études au CIG petite couronne, interrogée sur les facteurs de réussite des plans en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes dans la fonction publique, désormais obligatoires à partir de 20 000 habitants
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Solenne Lepingle, cheffe du service études-emploi du CIG petite couronne et Ambre Elhadad, chargé de mission au centre Hubertine-Auclert Droits réservés - DR
AEF info : Vous avez toutes deux accompagné de nombreuses collectivités dans l’élaboration de leur plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle
Ambre Elhadad : La première étape consiste à former les agents du service RH et de la mission égalité – quand elle existe – voire les syndicats sur la problématique de l’égalité professionnelle pour comprendre les données et les mécanismes de production des inégalités. Ensuite, il est indispensable d’établir un diagnostic en objectivant au maximum les situations (part de femmes bénéficiant d’heures supplémentaires, de promotion, à temps partiel, montant moyen des primes, féminisation des métiers, etc). Pour cela, les administrations peuvent s’appuyer sur le rapport sur l’état de la collectivité.
"Il est indispensable d’établir un diagnostic en objectivant au maximum les situations."
Ambre Elhadad, chargée d’accompagnement des collectivités au centre Hubertine-Auclert
Au centre Hubertine-Auclert, nous proposons aussi une liste d’indicateurs avec une explication de leur pertinence dans notre guide méthodologique sur l’égalité professionnelle qui a été mis à jour l’an dernier. Par exemple, le nombre d’agents ayant ouvert un CET et le nombre de jours utilisés par sexe va permettre de voir comment s’articulent les temps de vie (notamment la prise de congés des catégories A et A+). Une fois le diagnostic posé, il faut rendre ces données intelligibles, c’est-à-dire formuler des hypothèses et ensuite des actions.
Attention à ne pas être trop ambitieux quand on débute. Il faut mieux y aller par petit pas, être réaliste sur le nombre d’actions qui peuvent être mises en place à moyen terme, entre un an et trois ans, en évaluant le temps de travail nécessaire pour chaque action. Prévoir des indicateurs de suivi permet de vérifier que les objectifs sont atteints.
Solenne Lepingle : La question du pilotage des plans est cruciale. Outre le soutien d’un élu, un référent doit être désigné pour chaque action. L’idéal est de désigner également un référent égalité dans la collectivité qui a des compétences en gestion de projet.
Parallèlement, il est possible de mettre en place en amont des groupes de travail avec des agents de terrain, comme l’a fait récemment la ville de Fresnes (Val-de-Marne). C’est très utile pour sensibiliser l’ensemble des personnels et diffuser une culture de l’égalité. Et ce, même si cela prend du temps car il faut former auparavant ces agents. À Suresnes (Hauts-de-Seine), le choix a été d’associer dès le début les syndicats, ce qui est aussi un moyen de diffuser les bonnes pratiques.
AEF info : On a parfois tendance à penser que la fonction publique serait préservée des inégalités liées au genre grâce au concours et au statut…
Ambre Elhadad : Il n’est pas facile de sortir de l’illusion de l’égalité quand on travaille pour le service public. Or, le statut ne protège pas toujours des inégalités et des discriminations. C’est un phénomène social auquel la fonction publique n’échappe pas. D’où la nécessité de prendre le temps de dresser un diagnostic pour savoir d’où l'on part et convaincre les éventuels élus qui douteraient de la pertinence d’une telle démarche. Le diagnostic permet aussi de lutter contre les fausses intuitions et les idées reçues de manière pédagogique. Cette étape peut sembler chronophage mais elle en vaut la peine.
Mener une démarche exemplaire en faveur de l’égalité peut être un outil d’attractivité pour les administrations et un moyen de créer de l’émulation entre agents et entre services au sein de la collectivité. Les citoyens aussi ont des attentes en la matière.
Idem pour les violences sexistes et sexuelles. On a parfois l’impression que les collectivités ne seraient pas touchées car il y a peu de plaintes. En réalité, les victimes sont encore très peu nombreuses à se manifester, pour de multiples raisons. C’est en formalisant un dispositif de signalement, comme le prévoit la loi Dussopt, que les cas vont commencer à remonter. Au centre Hubertine Auclert, nous préconisons de mettre en place un dispositif propre aux violences sexistes et sexuelles car ce ne sont pas les mêmes compétences juridiques ni les mêmes réponses pénales qui sont en jeu.
AEF info : Un des quatre axes des plans d’action pour l’égalité vise à réduire les écarts de rémunération entre femmes et hommes. Comment faire ?
Ambre Elhadad : C’est un sujet complexe donc plusieurs facteurs doivent être analysés, comme le taux d’accès des femmes à la promotion interne et à l’avancement ou le poids des interruptions de carrière liées à un congé parental ou à un temps partiel. Il faut analyser dans le détail les parcours d’agentes et d’agents sur plusieurs années.
S’agissant des non titulaires, qui sont plus nombreux chez les femmes, les écarts se creusent souvent au moment de l’embauche, notamment dans les grandes collectivités. La solution peut être de prévoir un budget de rattrapage au profit des contractuelles et de rendre public la grille de recrutement des non titulaires.
En matière d’évolution de carrière, les employeurs publics peuvent inciter les femmes à postuler, même si elles sont à temps partiel, pour lutter contre l’autocensure. Ils peuvent aussi mettre en avant des parcours de femmes dans des services dits masculins pour les aider à se projeter dans de nouveaux métiers.
Solenne Lepingle : Traditionnellement, les compétences techniques sont davantage valorisées que celles liées au soin ou à l’administratif. Résultat, les filières dites masculines sont plus rémunératrices que les filières dites féminines.
"Les compétences techniques sont davantage valorisées que celles liées au soin ou à l’administratif"
Solenne Lepingle, cheffe du service emploi-études au CIG petite couronne
Cet écart est parfois accentué par les politiques indemnitaires des employeurs et par le recours aux heures supplémentaires. Ces dernières peuvent être un outil pour attirer des candidats dans des métiers en tension, comme la voirie ou les policiers municipaux. Dans la filière technique, les heures supplémentaires sont souvent payées et constituent un complément de salaire, tandis qu’elles sont davantage récupérées dans la filière administrative.
Ambre Elhadad : Le Rifseep était censé rééquilibrer les rémunérations entre filières au profit des femmes. Mais un tel rattrapage coûte cher donc peu de collectivités l’ont entrepris. Une solution serait aussi de raisonner par métier et non par filière pour le versement des primes.
Le centre interdépartemental de gestion de la petite couronne francilienne propose à ses adhérents une synthèse personnalisée sur l’égalité professionnelle à partir de leur dernier rapport sur l’état de la collectivité. Parmi les indicateurs retenus, figurent l’embauche sur des emplois non permanents, le taux d’absentéisme, le nombre de signalement pour harcèlement sexuel ou encore l’accès à la formation.
"Cette présentation des données par genre met en lumière des situations qui sont habituellement invisibles. Cela peut aussi servir à identifier ce qui fonctionne bien, comme les dispositifs de préparation aux concours", souligne Solenne Lepingle, cheffe du service emploi-études du CIG.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 20 mars 2023 :
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Florianne Finet,
journaliste