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Le "mode d’emploi" sur les signes religieux visibles en entreprise dégagé par la CJUE dans ses arrêts du 4 mars 2017 (lire sur AEF info) permet aux employeurs de s’appuyer sur le règlement intérieur pour en interdire le port aux salariés. S’applique-t-il à l’ensemble des signes religieux ? Non, estime l’avocat général de la CJUE dans ses conclusions rendues le 25 février 2021 dans une affaire allemande. L’employeur doit pouvoir choisir d’autoriser les signes "de petite taille", autrement dit discrets, selon lui. Son avis ne lie pas la Cour.
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L'avocat général de la CJUE admet le port de signes religieux discrets au travail Unsplash
L’avocat général de la CJUE propose, dans ses conclusions publiées le 25 février 2021 dans une affaire allemande, d’affiner la grille de lecture de la Cour sur la compatibilité entre des règles interdisant le port de signes religieux en entreprise et la législation européenne relative aux discriminations. Dans des arrêts du 4 mars 2017, la Cour de justice de l’UE avait jugé qu’une "règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux ne" constituait "pas une discrimination directe" (lire sur AEF info). L’avocat général considère dans ces conclusions, qui ne lient pas la Cour, qu’un employeur peut, sans commettre de discrimination, interdire seulement le port de signes religieux "ostentatoires de grandes dimensions", et autoriser les signes "discrets". Le voile islamique n’est pas un "signe discret", estime-t-il.
Dans l’affaire soumise à la CJUE, une juridiction allemande transmet à la CJUE une question préjudicielle qui peut être résumée ainsi : le règlement intérieur d’une entreprise privée interdisant uniquement, dans le cadre d’une politique de neutralité, le port de "signes ostentatoires de grandes dimensions de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail" est-elle "susceptible d’être justifiée", au sens des dispositions de la directive 2000/78/CE relatives à la discrimination ?
"Pin’s ou boucle d’oreille"
Cette question "revient à vérifier si le port visible, sur le lieu de travail, de signes de petite taille de convictions politiques, philosophiques ou religieuses est approprié", relève le magistrat.
Pour fonder son raisonnement, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 15 janvier 2013 (lire sur AEF info), l’arrêt Eweida. Dans cette affaire, la CEDH avait conclu que British Airways violait le droit d’une salariée à manifester sa religion en lui interdisant le port d’un pendentif.
À la lumière de cet arrêt, "je considère qu’une politique de neutralité politique, philosophique ou religieuse d’un employeur, dans ses relations avec ses clients, n’est pas incompatible avec le port, par ses employés, de signes, visibles ou pas, mais de petite taille, autrement dit discrets", qui "ne se remarquent pas dans une première approche", développe l’avocat général. "Certes, même des signes de petite taille, comme un pin’s ou une boucle d’oreille, peuvent révéler à un observateur attentif et intéressé les convictions politiques, philosophiques ou religieuses d’un travailleur". Cependant, "de tels signes discrets, privés de caractère ostentatoire, ne sauraient, à mon avis, heurter les clients de l’entreprise qui ne partagent pas la religion ou les convictions de l’employé(e) concerné(e)", poursuit-il.
Politique générale et indifférenciée
Qu’est-ce qu’un signe "de petite taille" ? "À mon sens, il n’appartient pas à la Cour de donner une définition précise de ce terme, dès lors que le contexte dans lequel le signe est porté peut jouer un rôle", précise le magistrat. "Néanmoins, je suis d’avis que, en tout état de cause, un foulard islamique ne constitue pas un signe religieux de petite taille."
Il considère qu’une "politique de neutralité interdisant uniquement le port de signes ostentatoires de grandes dimensions de convictions politiques, philosophiques ou religieuses n’exclut pas que cette interdiction soit menée de manière cohérente et systématique, à savoir qu’elle relève d’une politique générale et indifférenciée", ainsi que l’exige la jurisprudence du 4 mars 2017.
"Strict nécessaire"
Interdire uniquement les signes "de grande dimension" ne risque-t-il pas d’affecter de manière disproportionnée certaines religions ? "Suivre cet argument reviendrait à nécessairement interdire, en vue d’appliquer une politique de neutralité, le port de tout signe de convictions politiques, philosophiques ou religieuses, ce qui paraîtrait paradoxal eu égard à l’objectif de la directive 2000/78 qui vise à lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions", répond l’avocat général. Il rappelle que "l’interdiction des tels signes doit se limiter au strict nécessaire".
Le magistrat en conclut que les dispositions de la directive 2000/78 en discussion doivent être interprétées de la manière suivante : le règlement intérieur "d’une entreprise privée interdisant uniquement, dans le cadre d’une politique de neutralité, le port de signes ostentatoires de grandes dimensions de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail est susceptible d’être justifiée". Une "telle interdiction doit être poursuivie de manière cohérente et systématique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier".
Cour de justice de l’Union européenne, conclusions de l’Avocat général, 25 février 2021, affaires n° C‑804/18 et C‑341/19
La CEDH juge le 26 novembre 2015 que le non-renouvellement du contrat d’une assistante sociale employée dans un établissement public de soins psychiatriques, au motif qu’elle refuse d’enlever son voile, n’est pas contraire à la convention européenne des droits de l’homme. La Cour valide ainsi la conception française de la laïcité issue du principe de neutralité de l’État, énoncée par la Constitution et par le Conseil d’État, qui interdit aux agents publics de manifester leurs croyances religieuses dans l’exercice de leurs fonctions. Les autorités françaises "n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses" de la requérante "et l’obligation de s’abstenir de les manifester, ainsi qu’en décidant de faire primer l’exigence de neutralité et d’impartialité de l’État", résume un communiqué de la CEDH.
La cour d’appel de Paris a jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute d’une consultante informatique pour avoir refusé de retirer son foulard islamique chez un client. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation décide le 9 avril 2015 d’envoyer à la CJUE une question préjudicielle. Elle souhaite savoir si le souhait d’un client d’une société de conseil de ne plus avoir de consultante voilée constitue une "exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice" pouvant, selon la directive sur l’égalité de traitement, justifier une discrimination fondée sur les convictions religieuses.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 20 mars 2023 :
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Lucy Bateman,
journaliste