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L’instauration de la rupture conventionnelle "a déjà fait de nombreux déçus" parmi les agents, estime l’avocate en droit de la fonction publique Perrine Athon-Perez, qui recense très peu d’accords des employeurs publics depuis un an
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Pour l'avocate Perrine Athon-Perez, le coût de l'assurance chômage peut dissuader certains employeurs publics de signer des ruptures conventionnelles Droits réservés - DR - Athon-Perez
AEF info : La création de la rupture conventionnelle dans la fonction publique semble avoir suscité beaucoup d’espoirs chez les fonctionnaires. Avez-vous constaté un engouement sur le sujet ?
Perrine Athon-Perez : Tout à fait. Nous avons reçu beaucoup de demandes d’agents dès la publication de la loi Dussopt en août 2019, puis en janvier 2020, lors de la publication des deux décrets d’application (lire sur AEF info). Elles venaient notamment des enseignants. Dans la fonction publique territoriale, les demandes émanent de métiers plus divers comme les Atsem et les animateurs de centre de loisirs. Le rythme s’est ensuite légèrement calmé, sauf pour la fonction publique hospitalière où les fonctionnaires nous sollicitent davantage depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier.
La rupture conventionnelle "est une possibilité qui dépend de l’accord de l’employeur. Ce dispositif a déjà fait de nombreux déçus et risque d’en faire encore."
La plupart des agents que nous avons accompagnés ont essuyé des refus. Cela n’est pas si étonnant, car la rupture conventionnelle n’est pas un droit pour le fonctionnaire ou le contractuel ni une prime de remerciement. C’est une possibilité qui dépend de l’accord de l’employeur. Ce dispositif a déjà fait de nombreux déçus et risque d’en faire encore. Dans les métiers en tension, comme ceux du soin, elle est difficile à obtenir. L’AP-HP (assistance publique hôpitaux de Paris) a ainsi formalisé sa doctrine en avril 2020 en choisissant de ne signer aucune rupture conventionnelle pour ses métiers "sensibles" (infirmiers, aides soignants, kiné…).
La réticence des administrations s’explique aussi par le fait que la majorité d’entre elles vont devoir payer les indemnités chômage de leurs anciens agents jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi ou partent en retraite (sauf celles qui ont signé une convention avec Pôle emploi). Les agents qui ont le plus de chance d’obtenir une rupture sont ceux qui subissent une dégradation des relations au travail liée à des conflits ou ceux en maladie professionnelle.
AEF info : Une des spécialités de votre cabinet d’avocats est justement le droit de la santé. Que pensez-vous des critères de reconnaissance du Covid-19 en maladie professionnelle définis par le gouvernement ?
Perrine Athon-Perez : Les conditions fixées par le décret du 14 septembre 2020 qui inscrit le Covid-19 dans les tableaux de la sécurité sociale sont très restrictives au vu de l’intensité de la maladie (lire sur AEF info). Il faut avoir une forme aiguë de la maladie (placement sous oxygène) et travailler dans le secteur de la santé.
Les agents pour qui la présomption de maladie professionnelle ne s’applique pas pourront certes déposer un dossier devant les commissions de réforme, mais les critères ne sont pas évidents à remplir par les agents malades (lire sur AEF info). Il faudra pouvoir prouver le lien direct entre la contamination et la pathologie et avoir 25 % d’incapacité permanente, ce qui est très élevé. C’est le même taux qui s’applique dans la fonction publique pour faire reconnaître le caractère professionnel d’une maladie.
AEF info : L’ordonnance du 25 novembre 2020 dite "santé famille", prévue par la loi Dussopt, vise à améliorer l’organisation de la santé au travail dans la fonction publique (lire sur AEF info). A-t-elle atteint son but, selon vous ?
Perrine Athon-Perez : Les premières pistes semblent intéressantes mais il faudra attendre les décrets d’application. Un des problèmes de la réglementation en matière de santé au travail des fonctionnaires est sa complexité. Les agents ne la comprennent pas, ni les administrations, ce qui génère un grand nombre d’erreurs dans le traitement des dossiers. Les employeurs publics devraient mieux informer leurs personnels sur leurs droits.
En outre, les délais sont souvent très longs entre l’avis rendu par les instances médicales – qui reste facultatif – et la décision de l’employeur. Il se passe parfois des années entre le moment où un agent est diagnostiqué inapte à ses fonctions par son médecin traitant et le moment où il pourra bénéficier d’un reclassement. Et quand l’administration ne veut pas suivre l’avis du comité médical qui reconnaît l’inaptitude, il faut réunir le comité médical supérieur, ce qui prend au moins six mois. Pendant ce temps, les agents se retrouvent au mieux à demi-traitement.
"L’instauration d’une couverture prévoyance dans toutes les collectivités d'ici 2025 est une très bonne nouvelle."
En ce qui concerne l’octroi d’un temps partiel thérapeutique, cette décision intervient parfois un an après la demande du fonctionnaire ! Même si le versement du salaire peut être rétroactif, ce délai est beaucoup trop long, car nombre d’agents espèrent reprendre leur travail progressivement au lieu de rester en arrêt maladie à temps complet.
Pour les agents territoriaux, l’instauration d’une couverture prévoyance dans toutes les collectivités d'ici 2025 est une très bonne nouvelle. Tout le monde a à y gagner dans cette réforme, car les personnels dont le salaire est maintenu seront plus tranquilles pour se soigner et auront un rapport plus serein avec leur employeur.
Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique (dit parfois "mi-temps thérapeutique") perçoivent l’intégralité de leur traitement. Sont concernés les agents dont la reprise des fonctions à temps partiel permet d’améliorer leur état de santé et ceux qui doivent suivre une rééducation ou une réadaptation professionnelle. Un décret devrait permettre d’ouvrir ce dispositif aux agents sans arrêt maladie préalable pour favoriser le maintien dans l’emploi à partir du 1er juin 2021 (lire sur AEF info).
L’employeur peut se dispenser d’avoir recours à une expertise médicale par un médecin agréé lorsque le fonctionnaire produit un certificat médical émanant d’un médecin qui appartient au personnel enseignant et hospitalier. En cas de divergence des avis médicaux du médecin traitant et du médecin agréé, l’employeur doit saisir pour avis le comité médical ou la commission de réforme en cas de congé pour invalidité temporaire imputable au service (Citis).
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Florianne Finet,
journaliste