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Alors que le collège est actuellement le grand absent des réformes éducatives en cours, l’ancien Dasen Dominique Beck appelle dans une tribune pour AEF info à revoir l’organisation de ce niveau. Il plaide pour un accueil du collégien "plus global et moins fragmenté". Les compétences sociales et humaines des collégiens devraient être mieux prises en compte et la pédagogie moins verticale. Il propose aussi de revoir l’organisation spatiale et temporelle du collège. L’idée serait d’assurer une prise en charge "plus collégiale" des élèves sur toute la durée de leur présence dans l’établissement, avec des enseignants présents plus longtemps sur site.
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Dominique Beck, ancien Dasen Libre de droits
Quittant le confort et la sécurité d’une école où tout est proximité (un seul enseignant, un seul cadre, des relations avec les parents souvent régulières, une inscription dans un lieu géographique connu etc.) le collégien se trouve face à un éclatement de ses repères affectifs, sociaux, pédagogiques, au moment où il doit également gérer sa propre construction psychologique dans la fragilité de la pré-adolescence. Ajoutons à cela les réseaux sociaux et, de manière plus conjoncturelle, la crise sanitaire, il devient alors important de se pencher sur un accueil, au sens large du terme, du collégien qui soit plus global, moins fragmenté voire fracturé.
Voici quelques éléments de réflexion construits à partir de tout ce qui s’y fait déjà mais qui pourraient encore améliorer le parcours pédagogique et social des collégiens, dans la continuité demandée entre l’école et le collège autour des grands axes du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (S3C).
Extérieur versus intérieur : qui est le collégien ?
Au début des années 2000, suite à des premiers résultats délicats aux évaluations Pisa, le Canada a amorcé une réflexion profonde sur son système éducatif. Plusieurs milliers de jeunes canadiens de 14 et 15 ans ont été interrogés et ont apporté des réponses parfois étonnantes. Beaucoup regrettaient que ce qu’ils étaient et faisaient à l’extérieur de l’établissement scolaire ne fût pas pris en compte par le système éducatif dans leurs évaluations implicites et/ou explicites. Le collégien français d’aujourd’hui est aussi souvent un acteur social, membre d’un club sportif ou artistique, d’une association de quartier, caritative, ou simplement présent auprès des autres… Il développe ainsi des compétences essentielles à sa construction psychologique et sociale.
Ces compétences sociales, humaines, sont-elles connues, reconnues, valorisées dans l’appréciation globale portée sur le jeune ? Tous les acteurs pédagogiques et éducatifs du collège pourraient être informés, sensibilisés à la nécessité de ce regard global à porter sur l’élève. Déjà des acteurs dédiés s’y emploient, comme les personnels médico-sociaux. Mais c’est au cœur même du processus pédagogique que cette prise en compte devrait s’installer. Les nouvelles modalités d’évaluation par compétences le permettent sans mettre en péril le nécessaire apport de savoirs disciplinaires.
"La culture personnelle de chaque élève doit faire l’objet d’un travail de valorisation, d’intégration au sein des objectifs partagés du socle commun de connaissances"
On retrouve là les enjeux du S3C, sa demande d’une approche plus globale de l’élève, de ses compétences sociales et de sa culture. Qui peut nier aujourd’hui que la culture personnelle de chaque élève doit faire l’objet d’un travail de valorisation, d’intégration au sein des objectifs partagés du S3C ?
Existe-t-il au sein des collèges des réflexions collectives sur les liens à développer avec l’extérieur, au-delà des partenariats souvent riches notamment en éducation prioritaire ? Existe-t-il au sein des collèges des temps de formation autour des invariants chez le pré-adolescent et l’adolescent ? Comment intégrer ces compétences acquises à l’extérieur du collège dans la perception du collégien et dans son appréciation, y compris dans les différentes disciplines ? Toutes ces questions demandent des réponses de la part des équipes pédagogiques du collège, encouragées par l’institution et ses cadres.
Le primat de la discipline : un dogme ?
Passant d’un seul "maître" à une dizaine de "professeurs" le collégien doit faire face à autant d’approches pédagogiques, voire de lexiques académiques que de disciplines, résumés sous le concept mal défini, et souvent refuge, de liberté pédagogique. La monovalence disciplinaire demande à être soit réexaminée, soit fortement accompagnée d’approches transversales. La certitude du savoir, de la légitimité disciplinaire liée à une formation initiale fortement verrouillée autour des connaissances scientifiques, laisse souvent peu de place à un questionnement par l’élève de ce qu’il reçoit comme la parole certaine…
"La naissance d’un citoyen éclairé, curieux, voire légitimement "suspicieux" envers une parole souvent trop descendante et assertive doit être un des objectifs de notre école. "
Les collégiens canadiens avaient exprimé le désir fort de pouvoir poser des questions sans crainte. N’est-ce pas une compétence essentielle que celle d’une respectueuse expression critique, inscrite dans un vécu porteur de sens pour le jeune ? La naissance d’un citoyen éclairé, curieux, voire légitimement "suspicieux" envers une parole souvent trop descendante et assertive doit être un des objectifs de notre école. Si cela doit se faire au prix d’une relative déstabilisation de nos certitudes scientifiques, d’une remise en cause d’une certaine magistralité frontale, alors faisons collectivement cet effort. L’approche anglo-saxonne du "teaching behind the shoulder" et de la notion de curriculum associée à celle des cycles peut nous aider.
S’il ne perdait pas l’équilibre, l’enfant qui apprend à marcher n’avancerait pas le pied ! Assumons cette perte d’équilibre propice à la dynamique !
Une organisation scolaire, spatiale et temporelle adaptée ?
Les chefs d’établissement développent des trésors d’ingéniosité et souvent de diplomatie pour construire le sacro-saint emploi du temps. Comment rendre compatibles les souhaits des enseignants (ah… la fiche de vœux…), les heures de cours dues aux élèves, les contraintes bâtimentaires et la vie scolaire au sens large. Peu est fait pour permettre aux élèves d’être pris en charge globalement sur toute la durée de leur présence dans l’établissement.
Notre système éducatif est l’un des seuls, sinon le seul des pays de l’OCDE à ainsi cliver le collégien en deux entités parfois difficilement conciliables : le temps des cours et… le reste. Le travail demandé aux personnels de vie scolaire devrait pouvoir être mieux intégré aux activités pédagogiques relevant des enseignants.
Des visites d’établissement en Bulgarie, en Grande Bretagne, en Allemagne et au Canada permettent de concevoir un collège différent, basé sur la responsabilisation réelle de l’élève et une approche très collégiale de sa prise en charge. Il s’agit encore une fois de considérer l’élève dans son intégralité, de lui accorder attention et écoute, tâches difficiles dans la configuration actuelle des lieux d’exercice et des services des enseignants.
Comment construire un lieu sécurisant et attractif ?
La configuration bâtimentaire d’une grande majorité de collèges est ancienne, pensée alors pour accueillir des cohortes importantes d’enfants. Le transfert des responsabilités de l’État vers les départements s’est certes accompagné d’une meilleure prise en compte des exigences qualitatives mais peu d’établissements sont aujourd’hui adaptés à un travail transversal et collaboratif entre les enseignants et autres membres de la communauté éducative.
"Une présence plus longue des enseignants dans les établissements permettrait de construire des temps d’échange, d’instruire une approche globale et d’inciter davantage à la collégialité"
Le "chacun chez soi" qui prévaut majoritairement aujourd’hui ne laisse que peu de place aux échanges individuels avec les élèves. Ces derniers apprécieraient peut-être d’être écoutés, reconnus davantage pour ce qu’ils sont. Une présence plus longue des enseignants dans les établissements dans des conditions matérielles adaptées permettrait de construire ces temps, d’instruire cette approche globale et d’inciter davantage à la collégialité, source de plaisir parfois (ce mot est encore parfois difficilement accepté) mais aussi source de force collective au moment où les difficultés d’enseigner sont grandes.
L’épisode sanitaire douloureux que nous traversons a mis en lumière la très grande solitude que vivent beaucoup de nos jeunes, qui se tournent alors vers les réseaux sociaux, outils de contacts, certes mais dont la dangerosité n’est plus à démontrer. Si nos jeunes se sentaient mieux accueillis, suivis, accompagnés et reconnus dans le monde réel du collège et non dans l’artifice d’un temps compté et fragmenté, on peut espérer qu’ils se tourneraient moins vers les pièges qui leur sont tendus derrière tous les écrans.
La mobilisation des personnels de l’Éducation nationale contre la réforme des retraites est en légère hausse, le 6 juin 2023, par rapport à la dernière grève le 13 avril. Selon le ministère de l’Éducation nationale, 5,4 % des personnels sont en grève (4,4 % le 13 avril), deux jours avant l’examen, en séance publique à l’Assemblée nationale, de la proposition de loi du groupe Liot visant à abroger le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Chez les enseignants, 5,7 % sont en grève (4,6 % dans le premier degré, 6,8 % dans le second). Le MEN indique que "la participation est estimée à 8,8 % en collège, 5 % dans les LGT et 3,9 % dans les lycées professionnels". La FSU n’a pas communiqué de chiffres. L’intersyndicale interprofessionnelle appelait à une 14e journée de mobilisation ce 6 juin, ainsi qu’une intersyndicale de l’enseignement professionnel (lire sur AEF info).
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