En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
"Lors du premier confinement, nous avons 'piqué' un sprint pour nous mettre en ordre de bataille. Or, avec la persistance de la crise, le sprint s’est transformé en marathon. Nous devons maintenir la capacité d’engagement et d’empathie, essentielle, des managers. Dans ces conditions, nous devons prévoir des relais", considère Pascal Bernard, le DRH des ministères sociaux
Cette dépêche est en accès libre.
Retrouvez tous nos contenus sur la même thématique.
Pascal Bernard, DRH des ministères sociaux. Droits réservés - DR
AEF info : Presqu’un an après le début de la crise sanitaire, quel bilan tirez-vous des actions que vous avez mises en œuvre au printemps dernier en matière d’organisation, de management, d’accompagnement des agents ? (Une étude de la CFDT Cadres a récemment mis en avant le mal-être des managers de la fonction publique)…
Pascal Bernard : Nous avons mis en œuvre nombre d’actions, notamment une évolution profonde du management pour favoriser au maximum le télétravail qui est notre mot d’ordre. En cette période de crise, nous avons mis en place des formations à distance et immersives de l’ensemble de nos managers et de nos agents afin de faire travailler les équipes sur le sens du télétravail et de les amener à pratiquer des délégations beaucoup plus adaptées. Nous avons développé les Retex pour analyser les éventuels problèmes rencontrés, développé des groupes de co-développement, sans jugement, dans une logique de progression. Cela a contribué à moderniser nos techniques et nos modes de management mais aussi à révéler des managers et à en finir avec l’ère des petits chefs.
"Les managers qui n’étaient pas préparés au management à distance ont été fortement déstabilisés."
Les managers qui n’étaient pas préparés au management à distance et qui étaient plus dans la catégorie comportementale des chefs traditionnels fondée sur le contrôle, la présence des équipes et non sur la confiance, ont en effet été fortement déstabilisés. Ils ont donc dû évoluer, ce qui s’est avéré difficile pour certains. Nous les avons tous accompagnés et nous nous sommes aperçus que parmi ces derniers, certains avaient surtout de fortes compétences techniques. Ces derniers ont été orientés vers des missions d’expertise à forte valeur ajoutée technique, juridique ou autre. Le résultat est généralement positif car maintenir des encadrants qui managent mal dans leur poste occasionne de la souffrance au travail à tous les niveaux, aussi bien pour les équipes que pour les managers eux-mêmes.
Nous avons par ailleurs renforcé nos dispositifs d’accompagnement avec l’organisation de webinaires et d’espaces d’échanges de pratiques entre pairs, d’analyse et de résolution de problèmes dans un cadre sécurisé afin que chacun puisse s’exprimer librement. Nous avons également doublé nos lignes téléphoniques d’écoute et de soutien psychologique. Nous avons renforcé les équipes (par redéploiements) des départements de qualité de vie au travail et de médecines de prévention, qui ont été nos priorités, ainsi qu’en matière de coaching individuel et collectif. Le coaching collectif vise en particulier à travailler sur la cohésion des équipes que la crise questionne. Nous parvenons ainsi à soutenir le moral des équipes mais cela nécessite beaucoup d’investissement.
AEF info : Quelles conséquences sur la GRH la persistance de la crise engendre-t-elle en termes d’exercice des fonctions, de motivation, de RPS… ?
Pascal Bernard : La DRH a dû se professionnaliser pour détecter les compétences et les appétences et voir comment les accompagner. Nos services RH ont adopté des procédures beaucoup plus fluides, plus simples, en évitant les redondances, les doubles échelons. Nous avons procédé à du réingeniering en process RH.
"La DRH a dû se professionnaliser pour détecter les compétences et les appétences et voir comment les accompagner."
Lors du premier confinement, nous avons "piqué" un sprint pour nous mettre en ordre de bataille. Or, avec la persistance de la crise, le sprint s’est transformé en marathon. Nous devons maintenir la capacité d’engagement et d’empathie, essentielle, des managers. Dans ces conditions, nous devons prévoir des relais. Nous ne pouvons pas être au front en permanence. L’armée française a tenu à Verdun en 1916 car les régiments étaient régulièrement relevés. Et Verdun sans la Voie sacrée, cela donne Diên Biên Phu.
Cette analogie n’est d’ailleurs pas le fruit du hasard. Nous avons la chance d’échanger, par exemple, avec Stéphane Audoin-Rouzeau, historien et directeur d’études à l’EHESS, sur le management. Son regard extérieur et acéré contribue à notre remise en cause et nous permet de nous poser les bonnes questions. Cette approche est apparue tellement utile que nous allons organiser un séminaire, intitulé "Comment prendre en compte la dimension tragique dans le management et sa légitimité", le 11 juin prochain à l’Historial de Péronne dans la Somme, avec des chercheurs de l’EHESS, dont Stéphane Audoin-Rouzeau et Mona Ozouf, ainsi que des écrivains, des ethnologues, des managers et des DRH des secteurs public et privé. Ce séminaire aura une approche recherche et développement mais sera aussi très concrète puisque les chercheurs seront confrontés à des opérationnels et des responsables syndicaux, par exemple.
S’il n’y avait pas eu cette crise et cette remise en cause des modes de management et de travail, nous aurions été beaucoup plus frileux à l’égard d’une telle démarche qui contribue à décloisonner les univers. La France accuse un grand retard en matière de décloisonnement et d’ouverture des univers professionnels les uns aux autres.
AEF info : Le télétravail stagne aujourd’hui aux alentours des 42 % dans la fonction publique et le gouvernement vient de demander aux administrations d’aller plus loin [lire sur AEF info]. Qu’en est-il dans les ministères sociaux et quelle est la politique mise en place ?
Pascal Bernard : Notre doctrine au sein des ministères sociaux est claire : nous développons au maximum le télétravail tout en restant bien sûr attentifs aux situations individuelles. Nos taux de télétravail sont très élevés. Ils peuvent atteindre jusqu’à 80 % à 90 % selon les services et les fonctions et lorsque, bien sûr, les tâches sont télétravaillables. Nous avons à cette fin fourni un effort important en termes d’équipement informatique.
Mais nous devons faire très attention à ce que le télétravail ne s’érode pas. En tant que ministères sociaux, nous nous devons d’être exemplaires. Si nous voulons éviter une troisième vague dure, il n’a pas d’autre solution.
AEF info : Comme dans le secteur privé, une négociation va s’ouvrir pour développer la pratique du télétravail à plus long terme [lire sur AEF info], la fonction publique accusant un retard important avant la crise sanitaire. Quelle est votre approche sur la question ?
Pascal Bernard : Nombre d’agents indiquent que la crise a changé la donne et qu’ils ne se voient pas revenir à la situation précédente. Nous allons donc devoir beaucoup travailler sur le sens du télétravail et le type de management que cela implique. Si le management n’est pas au rendez-vous, il sera difficile de mettre en place une bonne pratique du télétravail. Outre la poursuite de l’amélioration des équipements, cela implique également de travailler sur la mise en place d’un reporting intelligent et efficace sans tomber dans le flicage ainsi que sur le droit à la déconnexion ou encore l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle.
Au niveau des ministères sociaux, nous sommes en train de boucler un accord télétravail et plusieurs organisations syndicales sont prêtes à signer. Nous espérons aboutir prochainement. Nous avons juste réservé le point concernant les compensations matérielles qui doit être traité en interministériel.
AEF info : Que va changer pour vous l’ordonnance sur la négociation dans la fonction publique prévue par la loi de transformation de la fonction publique ?
"C’est en mettant ces enjeux ainsi que les capacités de négociation au plus près du terrain que nous allons tous gagner en maturité, y compris au niveau du management."
Pascal Bernard : Imprégner les services à tous les niveaux d’une culture de la négociation est essentiel. Quand tout est "top down", vous ne pouvez être avec les organisations syndicales sur le terrain que dans des postures. Sortir des postures nécessite qu’il y ait des enjeux. Or c’est en mettant ces enjeux ainsi que les capacités de négociation au plus près du terrain que nous allons tous gagner en maturité, y compris au niveau du management.
Pour cela, la formation est essentielle. Et pour bien diffuser la culture de la négociation, il faut former ensemble les équipes RH, les équipes de management et les organisations syndicales. L’accompagnement de cette réforme va donc être essentiel.
AEF info : Qu’attendez-vous des négociations qui vont s’ouvrir sur la protection sociale complémentaire, autre réforme issue de la loi du 6 août 2019 ?
Pascal Bernard : La réforme de la protection sociale telle que prévue est essentielle, cela fait vraiment partie de la marque employeur et de l’attractivité de la fonction publique. Autant personne n’y faisait vraiment attention il y a vingt ans autant, désormais, tout le monde – et cela vaut pour toutes les tranches d’âges – commence à davantage prêter attention à tous les dispositifs pouvant améliorer la prise en charge de la santé et amortir les chocs violents provoqués par des accidents de la vie.
Ce n’est pas pour rien que la majorité des entreprises privées ont mis en place une PSC d’un bon niveau. Je ne vois donc pas comment la fonction publique pourrait se soustraire à ce mouvement. Quant au contrat collectif qui devra prendre la suite du référencement actuel, nous bénéficions d’un effet de masse critique qui va pouvoir déboucher sur des niveaux intéressants. Il va falloir mener un travail important de profilage avec des actuaires.
AEF info : Comment avez-vous procédé pour élaborer et mettre en place vos lignes directrices de gestion ?
Pascal Bernard : Après la mise en place de nos lignes directrices de gestion en matière de mobilité en 2020, nous avons soumis en janvier à nos divers CTM notre projet de LDG en matière de promotion sur lesquelles nous avions commencé à travailler à l’automne. Les organisations syndicales, comme au niveau national, n’y étaient pas favorables mais nous sommes parvenus à mener une discussion préparatoire constructive avec elles.
Cela nous a permis de maintenir le principe des LDG en donnant des leviers de motivation et d’engagement au management de proximité et en mettant en place un cadre éthique et déontologique qui a contribué à rassurer. Nous avons ainsi préféré prendre deux mois de plus pour avoir des lignes directrices de gestion qui soient relativement acceptées. Le projet de LDG n’a d’ailleurs pas suscité que des votes négatifs. Surtout, nous sommes convenus d’évaluer très vite ce dispositif, afin de le faire évoluer si nécessaire.
Prévues également par la loi Dussopt – article 30, traduit par le décret du 29 novembre 2019 (lire sur AEF info) –, les LDG sont de deux ordres : d’une part, celles qui reprennent les compétences perdues par les CAP en matière de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours ; d’autre part, celles définissant la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines (politique de recrutement et d’emploi, développement des compétences, accompagnement des transitions professionnelles, GPEC…). Les LDG relatives à la mobilité sont déjà entrées de fait en vigueur puisque les CAP ne sont plus compétentes depuis le 1er janvier 2020 pour examiner les décisions individuelles en matière de mobilité. Toutes les autres doivent être mises en place à compter du 1er janvier 2021.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
Vous souhaitez contacter
Clarisse Jay,
journaliste