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"Notre bureau reflète la diversité des universités", déclare lors de sa première interview à la presse le nouveau bureau de la CPU, tout juste élu le 17 décembre 2020. Manuel Tunon de Lara (Bordeaux), Virginie Dupont (Bretagne-Sud) et Guillaume Gellé (Reims) donnent leur vision du rôle de la CPU, seul interlocuteur institutionnel des pouvoirs publics, et de son articulation avec les autres associations de présidents que sont l’Auref et Udice. Ils reviennent aussi sur les derniers sujets d’actualité : la relation universités-organismes qui devra être approfondie dans le cadre des décrets d’application de la LPR ; la concertation à venir qui devra porter sur le recrutement des enseignants-chercheurs – et non sur le seul CNU ; et le plan de relance, qui devra être couplé – et le bureau y sera très attentif – avec les CPER. Il fait aussi un premier bilan de la gestion de la crise sanitaire.
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Virginie Dupont, Manuel Tunon de Lara et Guillaume Gellé, nouveau bureau de la CPU Droits réservés - DR
AEF info : Le bureau sortant s’est félicité du maintien de la cohésion de la CPU durant son mandat (lire sur AEF info). Comment analysez-vous la place qu’ont prise l’Auref et Udice, qui parfois affichent des positions plus tranchées et plus rapidement que la CPU, et comment comptez-vous positionner la CPU dans ce paysage ?
Manuel Tunon de Lara : Je dirais pour commencer que la crise sanitaire a renforcé la cohésion. La CPU a joué un rôle important dans l’accompagnement des présidents qui ont eu beaucoup de décisions à prendre, avec des impératifs sanitaires. Cela a été un bel exercice d’autonomie, dans un esprit d’entraide et de soutien. Nous avons davantage partagé et multiplié les échanges. Nous souhaitons d’ailleurs poursuivre cette dynamique, réfléchir au rythme des réunions et, nous aussi, développer les formats hybrides.
Mais pour répondre à la question : notre bureau reflète la diversité des universités. Et les autres associations ont toute leur légitimité, permettant, par leur travail, de faire avancer certains dossiers. Je pense qu’aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle phase. Après dix ans d’effort et d’élan collectif sur la question de l’autonomie, il est vrai que nous avons traversé une période un peu difficile où la différenciation des universités a été vécue, par certains, comme un moment où certaines universités étaient soutenues aux dépens des autres.
Désormais, j’ai l’impression que nous avons atteint un niveau de maturité des projets dans chaque territoire et que cette différenciation est acceptée, voire assumée. Tout le monde est conscient qu’il est de l’intérêt de tous de défendre toutes les universités, quelle que soit leur taille, et que le classement de Saclay à la 14e place de Shanghai bénéficie à tout le système. De même, tout le monde voit bien que l’université de Bretagne-Sud n’a pas les moyens suffisants pour son développement, comme Sorbonne U a besoin de davantage de soutien financier pour faire fonctionner ses plateformes et sa recherche. Tout cela me semble désormais assumé, et la CPU est là pour toutes les universités.
"Désormais, j’ai l’impression que nous avons atteint un niveau de maturité des projets dans chaque territoire et que cette différenciation est acceptée, voire assumée."
Manuel Tunon de Lara
Ensuite, sur la question des prises de position, il est vrai qu’il est plus facile pour l’Auref et Udice de prendre des positions unanimes et plus tranchées car leurs membres sont beaucoup moins nombreux et plus homogènes. Mais les trois associations ne parlent pas du même endroit. La CPU est une institution inscrite dans le code de l’éducation, elle est l’interlocutrice institutionnelle de l’État, des ministères, du Parlement, etc. Ce n’est pas le cas pour Udice et pour l’Auref. Sur des sujets à forts enjeux pour les universités, l’ensemble des membres de la CPU doit s’exprimer d’une seule voix : une seule voix porte davantage, surtout si, comme dans notre cas, son écho porte sur l’ensemble du territoire.
Guillaume Gellé : Il est important de préciser que les éléments qui nous rassemblent sont bien plus nombreux que ceux qui nous divisent. Toutefois, on peut assumer des divergences de points de vue au sein de la CPU. Par ailleurs, je précise aussi, comme vous l’avez publié, que les membres de l’Auref et d’Udice sont minoritaires au sein de la CPU : la majorité des membres ne sont membres que de la CPU et il est donc important qu’elle parle d’une voix forte (lire sur AEF info), surtout avec les élections régionales qui se tiendront en 2021 et tous les sujets interministériels qui émergent.
Virginie Dupont : Je peux témoigner, en tant que présidente débutante, de la chance que nous avons eue de pouvoir suivre, cet été, des formations organisées par la CPU en distanciel. Cela a permis de se connaître, d’échanger. Les nouvelles sessions prévues en janvier et en avril vont permettre d’approfondir ces relations, notamment avec les présidents dernièrement élus. Cela crée une communauté solide.
AEF info : Venons-en à l’actualité, et notamment à la question du recrutement des enseignants-chercheurs hors CNU pour laquelle une concertation va s’ouvrir. C’est un sujet sur lequel les présidents sont divisés. Comment comptez-vous faire la synthèse ?
Manuel Tunon de Lara : Il faut d’abord avoir en tête qu’en réalité, au-delà des positions de la CP-CNU et des syndicats, les avis sont plus nuancés qu’il n’y paraît et les pratiques des disciplines et des sections du CNU très différentes. Ensuite, il faut souligner que, pour la plupart des présidents d’université, le sujet n’est pas le CNU mais les modalités de recrutement et l’attractivité de leur université. C’est sur ce sujet que nous souhaitons débattre et faire des propositions. Enfin, je rappelle que la CPU a toujours été favorable au principe d’expérimentation qui permet de faire avancer des dispositifs et des pratiques.
Sur le fond, à l’aune de ce qu’est une université au XXIe siècle, je pense qu’il faut redéfinir le rôle du national et sa plus-value, face aux enjeux d’attractivité, d’exigence des recrutements et de valorisation du doctorat. Sur ce sujet d’ailleurs, il faudrait éviter d’avoir des positions contradictoires : on ne peut pas demander à tous les employeurs de reconnaître le doctorat et simultanément, ne pas le faire nous-mêmes en tant qu’employeurs et demander une qualification en plus.
Guillaume Gellé : Il y a un élément qui nous a tous rassemblés : la méthode avec laquelle le gouvernement a mis ce sujet sur la table ! Désormais, c’est la question de la rédaction des décrets, pour le printemps et pour l’automne, qui va être importante et sur laquelle nous allons essayer d’avoir une position la plus large possible de la CPU. Mais les universités ont toutes leur propre histoire : il faut respecter le fait qu’elles puissent avoir des positions différentes. Par ailleurs, la communauté a besoin d’être rassurée. Nous sommes ici dans une expérimentation : c’est aussi à la CPU d’expliquer ce que l’on soutient et pourquoi nous estimons qu’il est nécessaire de le faire.
AEF info : À l’occasion de la LPR, la CPU a affiné et musclé son argumentaire sur la place qu’occupent les universités dans la recherche. Alors qu’il va s’agir désormais de discuter de textes d’application de la loi et de la mettre en œuvre, souhaitez-vous – et comment – faire évoluer les relations universités-organismes ?
Manuel Tunon de Lara : Il est vrai que pendant la phase de préparation de la loi, la CPU s’est affirmée comme un acteur incontournable et les universités comme le premier opérateur de recherche, en collaboration avec les organismes. Mais la loi ne va pas très loin sur la question du rapprochement universités-organismes alors qu’il y a eu énormément d’évolutions depuis dix ans.
Il faut, avec l’écriture des décrets et la mise en œuvre de la loi, franchir une nouvelle étape : c’est un vrai défi. Pour quasiment chaque article de la LPR, il y a un sujet sur lequel universités et organismes doivent partager une stratégie et des actions. Je pense à la programmation de l’ANR, à la répartition du préciput, aux chaires de professeur junior… Nous devons avoir une feuille de route commune à l’échelle d’un site ou d’une université. C’est d’ailleurs aussi le cas sur le plan de relance, le PIA et les programmes prioritaires de recherche : universités et organismes doivent pouvoir converger sur la stratégie, d’autant qu’il y a aussi une dimension éducation et formation dans tous ces programmes.
"Pour quasiment chaque article de la LPR, il y a un sujet sur lequel universités et organismes doivent partager une stratégie et des actions."
Manuel Tunon de Lara
Je militerai pour qu’on agisse ensemble car c’est une vraie opportunité. Je pense que les organismes sont mûrs pour cela même s’ils le sont de manière différente. La situation du CNRS n’est pas celle des organismes thématiques pour qui il est plus facile d’avoir une feuille de route en région. Mais par exemple l’Inria a considérablement fait évoluer ses relations avec les universités en dix ans avec une véritable stratégie de site. Chacun doit jouer son rôle, l’université dans son territoire, l’organisme au niveau national, mais nous avons encore des progrès à faire sur le travail en commun, par exemple sur l’innovation.
Guillaume Gellé : Le dialogue diffère en effet selon l’organisme de recherche, mais ces dernières années, le rapprochement sur les questions internationales et sur les territoires s’est resserré : j’ai toute confiance, même si les DG sont nommés et les présidents élus, en notre capacité à trouver des positions communes. La crise nous y aide aussi par ailleurs : dans sa gestion, les universités n’ont pas fait de différence en fonction de l’employeur.
AEF info : Les résultats du plan de relance semblent faire grincer quelques dents. Êtes-vous déçus des résultats pour les universités qui vont recevoir 700 M€, soit beaucoup moins qu’espéré ?
Guillaume Gellé : Je crois qu’il faut plutôt saluer la belle performance des universités qui vont toucher 25 % de l’enveloppe dédiée aux bâtiments de l’État. Certains projets n’ont pas été retenus, notamment parce qu’ils ne correspondaient pas à la temporalité du plan de relance, et je comprends la déception des porteurs. Mais la question importante pour répondre à cela, est celle du couplage entre le plan de relance et le CPER. Et c’est là qu’il va falloir que nous soyons très attentifs.
"Je comprends la déception des porteurs [non lauréats du plan de relance]. Mais la question importante est celle du couplage entre le plan de relance et le CPER."
Guillaume Gellé
Manuel Tunon de Lara : Il ne faudrait pas, au motif que les universités ont bénéficié du plan de relance, qu’elles soient moins bien servies dans le cadre du CPER. Il est important de transformer l’ensemble des universités dont les bâtiments sont vieillissants. Je souligne que la colère de certains s’explique par les inégalités entre les territoires. Je pense à certaines universités de plus petite taille, mais aussi à des établissements parisiens qui n’ont eu aucun projet retenu dans le plan de relance alors qu’ils sont traditionnellement moins bien servis par le CPER, alors même que les universités parisiennes sont très mal dotées en termes patrimoniaux. Nous sommes le bureau de la relance et nous veillerons à cette articulation majeure avec le CPER et les questions de patrimoine. Ce sont des discussions qu’il nous faudra aussi avoir dans la perspective des futures élections régionales, afin d’évoquer notamment la question des antennes universitaires dont la crise a révélé toute l’importance : même si elles ont un coût non négligeable, la réussite étudiante y est meilleure et d’ailleurs les inscriptions y progressent fortement.
Virginie Dupont : La place des universités dans les territoires est effectivement primordiale, d’autant plus en ce moment où nous sommes en train de réinterroger la place de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Les milieux socio-économiques et les associations nous attendent, ils ont besoin de nous pour innover et progresser ! Quant aux antennes, elles participent de l’égalité des chances.
AEF info : Sur la gestion de la crise sanitaire, nous avons pu avoir l’impression que les présidents d’université ne souhaitaient pas monter en première ligne sur les aspects strictement sanitaires, que ce soit pour la mise en place de testings, l’isolement des cas positifs ou encore la mesure des taux de CO2 pour surveiller la qualité de l’aération dans locaux. Pensez-vous qu’il faudra revoir la gouvernance pour affronter à l’avenir les autres crises sanitaires que nous promettent déjà les scientifiques ?
Manuel Tunon de Lara : Je m’inscris complètement en faux par rapport à ce constat. Les universités se sont pleinement saisies de la crise et de la santé des étudiants et des personnels. Toutes les universités ont monté des cellules de crise, établi des PCA et des PRA – pour l’ensemble des agents, y compris ceux des organismes – et procédé à un relevé quotidien des cas positifs et des cas contacts, avec beaucoup de rigueur. Par ailleurs, nous n’avons jamais été des lieux de contamination, les taux d’incidence étant inférieurs à ceux constatés en population générale. Le facteur de risque lié à la classe d’âge des jeunes présents sur les campus ne veut pas dire qu’il y a une responsabilité des universités en matière de circulation accrue du virus !
Par ailleurs, je rappelle que ce n’est pas aux universités de faire les tests ou d’isoler les malades. Cela relève des compétences régaliennes de l’État et donc des ARS. Mais j’insiste, nous n’avons pas eu d’attitude timorée et toutes les mesures que nous avons prises ont été efficaces.
Virginie Dupont : Je ne partage pas du tout ce constat non plus. Les universités ont été aussi réactives qu’inventives. Nous avons été sur tous les fronts et avons pris en charge toutes les difficultés de nos étudiants, depuis la précarité numérique jusqu’à la détresse psychologique, en passant par l’aide alimentaire, et ce, malgré nos moyens insuffisants et le sous-encadrement de nos services de santé qui ont été remarquables !
Guillaume Gellé : Je pense aussi que les universités sont allées bien au-delà de leurs prérogatives. Elles ont notamment beaucoup pesé pour mobiliser leurs ressources à destination des CHU durant le premier confinement, que ce soit pour fabriquer des masques, des visières, du gel, elles ont également mobilisé les étudiants en santé – aux côtés des personnels soignants et des hospitalo-universitaires – en première ligne dans cette crise. Nous avons d’ailleurs monté un groupe à la CPU, d’abord sur la reprise d’activité piloté par Olivier David et Michèle Cottier, puis sur la question précise des leçons de la crise, piloté par Emmanuelle Garnier, présidente de Toulouse-II.
AEF info : Comment envisagez-vous le 2e semestre ? Pourra-t-il sauver l’année après un premier semestre assez chaotique ? Envisagez-vous des dispositifs de remédiation ou de rattrapage, des modifications de maquettes, afin de préserver la valeur des diplômes que certains mettent en doute ?
Virginie Dupont : Le débat sur la valeur des diplômes n’est pas fondé. Cela a pu être vrai pour le 1er confinement, qui nous a pris par surprise, mais pas pour le second car nous avons eu le temps de nous équiper et de former les enseignants.
"Le débat sur la valeur des diplômes n’est pas fondé."
Virginie Dupont
Guillaume Gellé : Alors que nous étions dans la continuité de service au printemps, les équipes pédagogiques, dont il faut saluer le travail, ont assuré une vraie continuité pédagogique pour ce deuxième confinement. Cela a été possible en obtenant les dérogations nécessaires pour que certains TP et les examens puissent se tenir en présentiel. Bien sûr que l’éloignement des campus est un vrai problème, mais il n’est pas juste de parler d’enseignement dégradé en ce moment. L’enseignement est simplement réalisé avec des modalités différentes.
La vraie difficulté porte sur les 1res années qui sont à distance depuis mars : nous allons accompagner ceux qui en ont le plus besoin grâce au dispositif de tutorat prochainement élargi. Mais nous avons besoin d’une reprise en présentiel la plus large possible – même si c’est à temps partiel – pour le début du 2e semestre afin d’éviter un décrochage massif d’étudiants. Tous doivent pouvoir revenir, faute de quoi beaucoup risquent de baisser les bras à l’inter-semestre.
AEF info : Cette crise ne risque-t-elle pas de creuser les inégalités entre établissements plus ou moins bien dotés et notamment entre universités et grandes écoles, lesquelles ont pu, au vu de leur moindre population étudiante, s’équiper numériquement et assurer un suivi peut être plus individualisé ?
Guillaume Gellé : Quand on n’a pas de moyens, il faut avoir des idées ! Plus sérieusement, c’est dans les universités que se fait la recherche. Je suis donc assez confiant sur le fait que nous trouvions des solutions innovantes !
Manuel Tunon de Lara : On connaît ces différences, mais gardons en tête que les écoles sont, elles aussi, très hétérogènes. La crise a révélé nos forces et nos faiblesses et il y aura beaucoup d’enseignements à tirer. Mais la crise a aussi été un moment d’opportunité dont les universités ont su se saisir, les enseignants-chercheurs ayant déployé un sens de l’innovation et de l’engagement remarquables. Nous avons montré notre aptitude à rebondir et je crois que nous serons les mieux placés pour répondre à la demande à venir sur la formation professionnelle notamment. Il faut capitaliser sur la stimulation que la crise a engendrée, et les universités ont beaucoup d’atouts.
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Anaïs Gérard,
journaliste