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Tandis que la pandémie de coronavirus reprend de la vigueur, amenant certains pays dont la France à reconfiner leurs populations, l’IPBES — le Giec de la biodiversité — alerte ce 29 octobre 2020 : "des pandémies plus fréquentes, meurtrières et coûteuses sont à prévoir". Son rapport, réalisé à la suite d’une conférence organisée en juillet sur les liens entre perte de biodiversité et pandémies, propose cependant des pistes pour "réduire les risques" et "fuir l’ère des pandémies". Parmi elles, la création d’un conseil intergouvernemental de haut niveau sur la prévention des pandémies.
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Le changement d’utilisation des terres (y compris la déforestation) est à l’origine de l’apparition de plus de 30 % des nouvelles maladies observées depuis 1960 Unsplash - Roya Ann Miller
"Sans stratégies de prévention, les pandémies apparaîtront plus souvent, se propageront plus rapidement, seront plus meurtrières et affecteront l’économie mondiale de manière inédite", alerte l’IPBES, Giec de la biodiversité, dans un rapport publié ce 29 octobre 2020.
renforcer la prévention
Le document a été rédigé par les 22 experts réunis en juillet dernier pour un atelier en ligne dédié aux liens entre la dégradation de la nature et les risques croissants de pandémies (lire sur AEF info). Ses auteurs s’accordent pour assurer qu’échapper à "l’ère des pandémies" reste "possible", mais exigera de ne plus se contenter de réagir une fois l’apparition de nouvelles maladies.
Car compter sur cette seule réaction, via la mise en place de mesures de santé publique et de solutions technologiques (conception et distribution de nouveaux vaccins et de nouvelles thérapies), représente une "voie lente et incertaine", "à la fois" source de "souffrance humaine généralisée" et de "dizaines de milliards de dollars de pertes économiques annuelles causés à l’économie mondiale".
Jusqu’en juillet 2020, le coût mondial de la pandémie était estimé entre 8 000 et 16 000 milliards de dollars. Désormais, les auteurs notent que pour les seuls États-Unis ce coût pourrait atteindre 16 000 milliards d’ici la fin 2021 (et ce, en comptant sur l’élaboration d’ici là d’un vaccin). De manière générale, le résumé pour décideurs estime que les pandémies et autres zoonoses émergentes sont à l’origine de pertes économies à hauteur de 1 000 milliards de dollars par an. Or, les experts estiment que le coût de la mise en place de mesures visant à réduire les risques (aires protégées, modes de production et consommation durables) et prévenir les pandémies serait bien moindre, entre 40 et 58 milliards de dollars par an, suscitant "de fortes incitations économiques" au "changement transformateur" à adopter.
"aucun mystère" sur l’origine de la pandémie
Il convient donc de mieux prévoir et anticiper ces futures pandémies, alors que les experts estiment à 1,7 million le nombre de virus "non découverts" actuellement présents chez les mammifères et les oiseaux, dont 540 000 à 850 000 pourraient être capables d’infecter les populations humaines.
Prévision d’autant plus aisée qu' "il n’y a aucun mystère sur l’origine de la pandémie de Covid-19 - ou de toute autre pandémie moderne", assure le Dr Peter Daszak, président d’EcoHealth Alliance et président de l’atelier de travail virtuel convoqué par l’IPBES. "Les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique et de la perte de biodiversité sont également à l’origine du risque de pandémie par leurs impacts sur notre environnement."
Et d’expliciter : "les changements dans la manière que nous avons d’utiliser les terres, l’expansion et l’intensification de l’agriculture, ainsi que le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature. Ils augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les personnes. C’est la voie qui mène aux pandémies."
Le résumé pour décideurs du rapport en identifie clairement trois. D’abord, l’exploitation non durable de l’environnement. Elle est causée par les changements d’utilisation des terres, l’expansion et l’intensification agricole, le commerce et la consommation d’animaux sauvages. Ces pratiques perturbent les interactions naturelles entre la vie sauvage et ses microbes, augmentent les contacts entre animaux sauvages, bétail, populations et leurs pathogènes. Mais le changement climatique est également évoqué, étant déjà "impliqué dans l’émergence de maladies" et alors qu’il devrait probablement entraîner un risque de pandémie important à l’avenir" en favorisant les déplacements de population, d’animaux sauvages et ainsi la propagation de leurs agents pathogènes. Enfin, "la perte de biodiversité associée à la transformation des paysages peut entraîner un risque accru de maladies émergentes dans certains cas, lorsque les espèces qui s’adaptent bien aux paysages dominés par l’homme sont également capables d’héberger des agents pathogènes qui présentent un risque élevé de transmission zoonotique".
le risque peut être "considérablement réduit"
Aussi, le risque de pandémie peut être "considérablement réduit en diminuant les activités humaines qui entraînent la perte de biodiversité, en assurant une meilleure conservation des zones protégées et en prenant des mesures qui réduisent l’exploitation non durable des régions à forte biodiversité. Cela permettra de réduire les contacts entre la vie sauvage, le bétail et l’homme et de prévenir la propagation de nouvelles maladies."
Mais ce "changement transformateur" vers la prévention des pandémies que l’IPBES appelle de ses vœux requiert des mesures politiques. 29 sont listées dans le résumé pour décideurs, regroupées dans cinq items : nouveaux mécanismes, politiques qui réduisent le rôle du changement d’usage des terres dans l’émergence des pandémies, politiques pour réduire l’apparition de pandémies liées au commerce d’espèces sauvages, pallier l’important manque de connaissances, accentuer le rôle de tous les secteurs de la société dans la lutte contre les pandémies.
nouveaux partenariats intergouvernementaux
Deux mesures sont présentées comme les plus significatives, dont celle de "lancer un conseil intergouvernemental de haut niveau sur la prévention des pandémies". Son but : fournir aux décideurs les meilleures données scientifiques et les meilleures preuves sur les maladies émergentes, prévoir les zones à haut risque, évaluer l’impact économique des pandémies potentielles et mettre en évidence les lacunes de la recherche.
Ses travaux pourraient "amener les pays à fixer des objectifs ou des cibles mutuellement définis dans le cadre d’un accord ou d’une convention". Pour les experts, parvenir à l’adoption d’un "accord gouvernemental international de grande envergure sur la prévention des pandémies représenterait une réalisation historique avec des avantages évidents pour les humains, les animaux et les écosystèmes".
L’autre grande mesure préconisée par le document vise à "mettre en place un nouveau partenariat intergouvernemental en matière de santé et de commerce". Objectif : réduire les risques de zoonoses liés au commerce international des espèces sauvages, en s’appuyant sur les collaborations entre l’OIE (organisation mondiale de la santé animale), la Cites (convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), la CDB (convention sur la diversité biologique), l’OMS (organisation mondiale de la santé), la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’UICN (union internationale pour la conservation de la nature) et d’autres organismes.
Parmi les autres recommandations émises, figurent :
"priorité politique, économique et sociale"
À la lecture des conclusions de ce rapport, la secrétaire d'État à la biodiversité Bérangère Abba relève que "pour éviter la multiplication des pandémies, nous devons adopter une approche 'One health' [Une seule santé] préventive, globalisée et qui fasse de la préservation de la biodiversité une priorité politique, économique et sociale". "Notre gouvernement s’y engage", assure-t-elle, "en participant à l’émergence d’une telle approche à l’échelle internationale, notamment en s’engageant pour le succès de la COP 15 [prévue en 2021 à Kunming, Chine, pour adopter un nouveau cadre mondial de la biodiversité post-2020]".
Contacté par AEF info, l’ambassadeur à l’Environnement Yann Wehrling fait part d' "une très grande satisfaction" de voir l’IPBES "rendre des conclusions très voisines de celles du rapport de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité" paru en mai dernier. Ce rapport soulignait le "fort consensus" scientifique existant en faveur d’un lien entre déforestation et multiplication des zoonoses en Asie, Afrique et Amérique du Sud, et préconisait d’accroître les aires protégées et de renforcer leur niveau de protection (lire sur AEF info).
Pour l’ambassadeur, il convient de s’assurer désormais que "tous les dirigeants reçoivent ce message qu’il existe un lien entre l’émergence de pandémies et les atteintes à la biodiversité". Un message "que la France a déjà entendu", assure-t-il. Quant aux préconisations et solutions contenues dans ce document, l’ambassadeur espère qu’elles seront inscrites à l’ordre du jour de la COP 15 de la convention sur la diversité biologique à Kunming, "afin de permettre aux États et aux parties prenantes d’en débattre". Interrogé sur la principale proposition de ce rapport, celle de créer un conseil intergouvernemental de haut niveau sur la prévention des pandémies, Yann Wehrling juge que c’est une "bonne idée. Il faut créer un cercle où la communauté internationale puisse se réunir et prévenir de nouvelles pandémies. Car même si les mesures de prévention sont coûteuses, cela est sans commune mesure avec ce que coûte le Covid-19 actuellement."
Le changement d’utilisation des terres (qui inclut la déforestation) est un facteur significatif de l’émergence des pandémies, à l’origine de l’apparition de plus de 30 % des nouvelles maladies observées depuis 1960.
24 % des espèces sauvages de vertébrés terrestres sont commercialisées au niveau mondial.
Les États-Unis sont l’un des plus grands importateurs légaux d’animaux sauvages, avec 10 à 20 millions d’animaux sauvages (terrestres et marins) importés chaque année.
L’élevage d’animaux sauvages s’est considérablement développé, en particulier en Chine, où l’élevage "d’animaux non traditionnels" générait 77 milliards de dollars et employait 14 millions de personnes en 2016.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 20 mars 2023 :
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Émilie Legendre,
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