En plus des cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, le groupe AEF info et ses partenaires utilisent des cookies ou des technologies similaires nécessitant votre consentement.
Avant de continuer votre navigation sur ce site, nous vous proposons de choisir les fonctionnalités dont vous souhaitez bénéficier ou non :
"Un des problèmes de la LPPR est que l’on se focalise sur quelques mesures de recrutement et non sur ce qui aurait dû être le cœur de la loi : rattraper le décrochage de la recherche française par rapport aux autres grands pays scientifiques dans le monde", déclare le président de Sorbonne Université Jean Chambaz, le 9 juillet 2020, lors d’un point avec la presse. Pour lui, avec un effort annoncé de 25 Md€ "dont l’essentiel porte sur 2027, soit à la fin du deuxième mandat putatif du président", "on est très loin du compte", expose-t-il, citant une motion adoptée par le CA de son université.
Cette dépêche est en accès libre.
Retrouvez tous nos contenus sur la même thématique.
Jean Chambaz, président de Sorbonne Université et de la Leru (Ligue des universités de recherche européennes). Sorbonne Université / Philippe Cap
Pour le président de Sorbonne Université Jean Chambaz, invité à présenter son point de vue sur le projet de LPPR lors d’un point presse le 9 juillet 2020, l’effort annoncé, en raison du calendrier prévu, constitue "des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient" "et nous craignons que les mesures ne permettent pas d’éviter un décrochage de la science française".
"Le président de la République avait annoncé un gros effort, la ministre avait annoncé 25 Md€. Le projet de loi inscrit bien 25 Md€ mais en 10 ans", détaille-t-il. Il rappelle que l’Allemagne "a un plan de relance sur deux ans" qui prévoit d’affecter 50 Md€ à la recherche, "certes aussi industrielle" (lire sur AEF info). Le président appuie ses critiques sur celles formulées dans une motion sur le projet de LPPR qui vient d'être adoptée en CA de l'université.
"une période de crise qui appelle plus de recherche"
"Nous entrons dans une période de crise qui appelle plus de recherche", analyse-t-il en référence à la crise sanitaire et économique actuelle. "Or, parmi les questions évoquées figure celle de la relocalisation : il faudra des procédés technologiques pour compenser le coût du travail en France qu’il n’est pas question d’aligner avec celui de la Chine."
En outre, poursuit-il, "la mobilisation collective et individuelle des citoyens nécessite de comprendre et accompagner les comportements, notamment par des recherches en SHS. Pendant la crise sanitaire, les historiens ont apporté un regard intéressant, en rappelant par exemple que ce sont davantage les épidémies que des barbares venus du Nord qui ont précipité la chute de Rome."
Parmi les doctorants de Sorbonne Université, "plus de 40 % sont des doctorants étrangers, en majorité communautaires", fait savoir Jean Chambaz pour qui "l’avantage du système français est que les doctorants ne sont pas un marché". Il rappelle à ce titre "la situation des universités britanniques qui réclament des milliards d’investissement parce que leurs droits d’inscription reposent sur l’accueil des doctorants". Ceci étant dit, il estime "évidemment important que l’université puisse accueillir les doctorants internationaux. On y est prêt, ils ont été sélectionnés, tout va dépendre de l’ouverture des frontières et de la possibilité des vols internationaux."
"il manque une recapitalisation du budget récurrent"
"Nous apprécions la recapitalisation de l’ANR, ainsi que la revalorisation du préciput de l’ANR qui permet d’environner les projets et de donner aux laboratoires les moyens d’une politique scientifique et d’héberger les équipes de recherche", dit encore Jean Chambaz. "Néanmoins, il manque une recapitalisation du budget récurrent des universités et des EPST."
Sur les mesures RH, "on ne peut que se satisfaire qu’enfin les débuts de carrières soient revalorisés, côté maîtres de conférences et côté chargés de recherche. On ne peut que se féliciter de l’augmentation du nombre et de la rémunération des contrats doctoraux, et de la mise en place d’un statut post-doctoral, à condition que cela ne soit pas une usine à gaz. Le CDI de mission, qui permettra de recruter sur la durée d’un projet ANR ou européen, permet de lutter contre la précarité."
Ensuite, s’agissant "des mesures destinées à lutter plus globalement contre la rupture du contrat social évoquée par la ministre, on ne sait pas en regardant la loi si le compte y est ou pas : le MESRI n’a pas une pédagogie très claire, on nous dit qu’on ne peut pas augmenter les salaires, ce qui reviendrait à faire une exception dans la fonction publique, et que cette augmentation prendra une voie indemnitaire. Mais si le président de la République reprend la réforme des retraites, cela entraînera une chute brutale du niveau de la retraite pour une partie de nos personnels et on ne s’y retrouve pas."
Article 23 : "une mise à l’écart de l’ensemble des facultés de médecine"
Par ailleurs, le président de Sorbonne université se montre très critique envers l’article 23 de la loi "qui confie de manière hallucinante au directeur général de l’hôpital la coordination territoriale de la recherche en santé publique, en soins primaires ainsi qu'en recherche clinique" (lire sur AEF info) ce qui revient selon lui à "ignorer ce que les universités peuvent apporter à la société".
"C’est une mise à l’écart de l’ensemble des facultés de médecine et une mise à l’écart de l’ensemble de l’université", renchérit Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine et président de la Conférence des doyens de santé d’Île-de-France : "On oublie ainsi ce que peut apporter l’université au-delà de la faculté de médecine, en mathématiques ou en SHS par exemple."
Interrogé sur l’association "U10, les universités de recherche intensive françaises", dont les statuts ont été déposés le 16 juin 2020 pour "représenter les universités étant des forces scientifiques d’excellence en France, pluridisciplinaires et reconnues au niveau international tant sur des activités de recherche que de formations innovantes" (lire sur AEF info), Jean Chambaz répond que "ce n’est pas parce que les statuts sont déposés que l’association est lancée".
"Les universités marchent sur quatre pattes"
"Nous nous réjouissons que le gouvernement comporte un ministère dédié à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, même s’il est en bas du tableau", déclare Jean Chambaz à propos du renouvellement dans ses fonctions de la ministre Frédérique Vidal. "Les universités marchent sur quatre pattes", rappelle-t-il, évoquant les différentes missions de l’université et le "manque d’efficacité" de devoir s’adresser à différentes directions. Il déclare attendre du gouvernement "un dialogue renouvelé et étroit".
Il rappelle que Sorbonne Université "a su accompagner les réformes du gouvernement quand elles permettent de résoudre des problèmes", citant "la mobilisation pour le succès de Parcoursup". Il appelle à "une écoute partagée" et souligne son souhait "ardent" que "les mesures du gouvernement contribuent à renouer le contrat social".
"On peut rester perplexe face aux décisions du Conseil des chefs d’État européens et de la Commission qui, en réponse à la crise, continuent à proposer un budget en dessous de 100 Md€ pour Horizon Europe". Il rappelle les conclusions des travaux de la commission menée par Pascal Lamy, "qui n’est pas un fantaisiste", qui avait suggéré un budget compris entre 120 Md€ et 160 Md€ (lire sur AEF info) ainsi que la position du précédent Parlement européen qui avait proposé 120 Md€. Jean Chambaz "craint que la Commission ne prenne pas toute la mesure des besoins" en la matière.
"La Leru, de même que les universités françaises, sont préoccupées par le fait que le pilier 1 d’Horizon Europe, qui comprend l’ERC et les projets MSCA, est rogné", poursuit-il : "Les appels libres de recherche exploratoire peuvent avoir des retours appréciables." Il cite "une étude menée à la demande de l’ancien président de l’ERC, Jean-Pierre Bourguignon", qui avait montré l’importance de la contribution économique des projets de l’ERC (lire sur AEF info).
Concernant le pilier 3 du programme, qui comprend notamment le Conseil européen de l’innovation, le président de Sorbonne Université estime qu’il "y aurait beaucoup d’autres mesures à prendre pour que licornes ne partent pas au États-Unis. À commencer par un travail sur le marché public européen." Il rappelle l’importance de "valoriser la vitalité des écosystèmes territoriaux autour des universités de recherche".
Enfin, concernant le pilier 2, "plus programmatique", qui contient notamment les 5 missions "qui correspondent à de grands enjeux pour l’avenir du monde", il appelle à veiller à la place de la recherche fondamentale "car on sait bien que les plus grandes innovations sont nées de recherches fondamentales".
Vous souhaitez contacter
Anne Roy,
journaliste