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"En ce moment, c’est la foire au client et cette marchandisation de l’éducation nous gêne", indique Michel Pérez, président de l’Association nationale des acteurs de l’éducation (An@é), dans une interview à AEF le 27 mars 2020. Alors que les plateformes officielles permettant la "continuité pédagogique" sont "surchargées", l’Igen honoraire observe "un déferlement d’offres commerciales" qui évitent bien souvent "de faire état des questions d’éthique". Pour Michel Pérez, "la période que nous vivons constitue un crash test pour le numérique dans l’éducation". Estimant qu’il "existe des moyens d’assurer le suivi des élèves sur des solutions protégées élaborées par l’Éducation nationale", il espère que "cette crise montrera les lacunes du système". Son association, qui propose veille et analyses sur l’usage du numérique dans l’éducation notamment, répertorie sur son site des outils sécurisés.
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Michel Pérez, président de l'An@é. Droits réservés - DR
AEF info : Dès les premiers jours du confinement, de nombreux ENT ont été saturés (lire sur AEF info). Pour maintenir le lien avec leurs élèves, beaucoup d’enseignants recourent à des plateformes privées telles Whatsapp, Discord, Youtube. Cela représente-t-il un risque pour la protection des données personnelles ?
Michel Pérez : L’État fait ce qu’il peut et je ne veux pas l’incriminer. Les diverses ressources élaborées par le ministère de l’Éducation nationale sont conséquentes (dispositif "Ma classe à la maison du Cned, banques de ressources Eduscol, opération "Nation apprenante", Maison Lumni…). Toutefois, les plateformes officielles sont surchargées et peinent à assurer la "continuité pédagogique" qui signifie le maintien du lien constant entre les élèves et les professeurs.
Quant aux ENT, ces outils sûrs et indispensables, ils fonctionnent bien dans certaines régions, mais pas dans d’autres. De plus, ils permettent un échange mais pas de dialogue oral, et là réside le plus gros problème.
Dans ce contexte, il y a un déferlement d’offres commerciales bien souvent mal adaptées aux objectifs des enseignants et aux programmes scolaires. Toutes ces plateformes évitent de faire état des questions d’éthique. Avec le collectif Educnum de la Cnil, dont l’An@é fait partie, nous sommes sur le front pour éviter une captation des données personnelles qui pourraient être revendues par les sites internet ou simplement conservées pour le démarchage. En ce moment, c’est la foire au client et cette marchandisation de l’éducation nous gêne.
AEF info : Que peut-on faire pour limiter les effets négatifs, en termes de protection des données notamment, de ce recours massif à des outils numériques ?
Michel Pérez : L’An@é a mis en ligne via Educavox, notre média, une plateforme sur la continuité éducative sur laquelle nous proposons des solutions pour échanger. Nous relayons les suggestions de nos lecteurs que nous vérifions afin de nous assurer qu’il n’y a pas d’objectifs commerciaux cachés.
Nous appelons aussi de nos vœux une "continuité éducative" et non pas seulement pédagogique, une continuité qui n’est pas seulement l’affaire de l’institution mais aussi des familles, d’associations, de lieux culturels et même de la presse. Cette culture commune du numérique est à construire à l’échelle locale.
AEF info : Quel sera selon vous l’impact de cette période actuelle sur le numérique éducatif ?
Michel Pérez : La période que nous vivons constitue un crash test pour le numérique dans l’éducation et je pense que rien ne sera plus comme avant.
Il existe des moyens d’assurer le suivi des élèves sur des solutions protégées élaborées par l’Éducation nationale et nous espérons que cette crise montrera les lacunes du système et les difficultés pour les résoudre. Le moment que nous vivons encouragera aussi probablement les collectivités territoriales et l’État à mieux coordonner leurs actions pour assurer l’usage du numérique dans l’éducation pour ne laisser personne au bord du chemin.
Cependant, le numérique n’est ni un gadget ni une panacée. S’il permet d’apporter une aide individualisée aux élèves, il ne faut pas se gargariser d’Intelligence artificielle, ou autres outils que nous refusons. Le numérique est un outil puissant sur le plan pédagogique, mais il doit s’intégrer à une culture commune à différents acteurs.
Invité d’Europe 1, lundi 30 mars 2020, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer, a indiqué qu’il "y aura forcément une dose de contrôle continu" pour le baccalauréat 2020. "Si l’on passe tout ou partie en contrôle continu, cela va permettre d’avoir un vrai mois de juin en matière de cours", permettant de rattraper le retard pris pendant le confinement. Le ministre annoncera la formule retenue en fin de semaine. Par ailleurs, les vacances de printemps sont maintenues en l’état, a-t-il assuré, alors que l’hypothèse d’un "dézonage" était évoquée. Du "soutien scolaire" sera mis en place également pendant ces vacances "pour des élèves que nous aurons ciblés" et avec des enseignants volontaires. Mais "pour tous les autres, il faut que ces vacances soient de vraies vacances" et les "professeurs ne seront pas au travail avec les élèves", précise-t-il.
Tous les syndicats représentatifs de personnels de l’EN (FSU, Fnec-FP-FO, CGT éduc'action, Unsa-Éducation, Snalc, Sgen-CFDT, SUD, Faen) "exigent" dans une lettre à Jean-Michel Blanquer du 23 mars 2020 "que les mesures de protection et d’hygiène soient appliquées, que du matériel soit systématiquement fourni dans les écoles, établissements et services". L’intersyndicale "constate que les fonctionnaires de l’EN sont l’objet de demandes croissantes qui contreviennent au confinement" à l’instar de la "demande d’utilisation étendue du motif familial impérieux pour récupérer des supports pour les élèves". Personne "ne peut être sommé de déroger au confinement sauf absolue nécessité justifiée par la continuité du service ou l’accueil des enfants de soignants". Les syndicats demandent au MEN "d’indiquer clairement aux autorités rectorales que les déplacements doivent être réduits à l’essentiel".
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Maïwenn Lamy,
journaliste