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Face à la crise sanitaire en cours, les pouvoirs publics adaptent jour après jour les recommandations à mettre en œuvre pour limiter la propagation du coronavirus. Dans les entreprises aussi, les consignes et procédures de sécurité évoluent presque quotidiennement. Mais la situation reste très variable d’une entreprise à l’autre. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les témoignages de huit travailleurs recueillis par AEF info : technicien de maintenance d’ascenseurs, postier, salarié dans une agence bancaire ou gérant d’un magasin de fournitures de bureau, ils racontent leur quotidien.
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Dans les entreprises dont l'activité se poursuit, comme dans le transport, les procédures de sécurité évoluent presque quotidiennement MaxPPP - PHOTOPQR/VOIX DU NORD
Malgré la restriction des déplacements imposée par le gouvernement depuis le 17 mars 2020 en vue de limiter la propagation du coronavirus, certains salariés continuent de se rendre chaque jour sur leur lieu de travail. AEF info les avait interrogés au tout début du confinement (lire sur AEF info). Ils exprimaient alors leur inquiétude face au risque de contamination, les conditions de sécurité sanitaire étant rarement optimales dans leur entreprise. Une dizaine de jours plus tard, AEF info fait le point avec eux sur ce qui a changé, ou pas.
"Cette semaine, j’ai exercé mon droit de retrait" (V., salarié d’une entreprise industrielle)
"Cette semaine, j’ai exercé mon droit de retrait, en constatant l’absence de lingettes pour nettoyer les postes de travail, qui sont partagés. Depuis, des lingettes ont été mises à disposition. Cela montre que l’entreprise prend en considération les craintes exprimées par les salariés.
De nouvelles mesures ont été prises. Le gel hydroalcoolique est accessible dans plus de 50 points sur le site où je travaille, qui est vaste, et il va prochainement être produit en interne. Une prise de température est réalisée à l’entrée du site, mais elle est perturbée par l’air ambiant : j’ai par exemple eu des températures à 33°… Enfin, l’activité a été réduite.
La direction a fait des efforts, pour maintenir la production. Mais à mon avis, ces efforts sont insuffisants pour véritablement dire qu’on a fait barrière au virus, et n’excluent pas que l’on soit un vecteur de propagation. Je ne suis pas moins inquiet car je vois le virus qui se propage dans l’entreprise."
"Je préfère que mes salariés ne soient pas là" (Y., gérant d’un magasin de fournitures de bureau)
"Je suis maintenant tout seul. J’ai adapté les horaires depuis lundi. Le matin, le magasin est ouvert de 9h à 12h30 et l’après-midi je fais les livraisons. Mais le chiffre d’affaires a baissé d’au moins 50 %. Et la semaine prochaine, une fois que les clients seront équipés en papier et en cartouches, je pense que l’activité va se réduire encore. J’ai fait la demande de chômage partiel pour les quatre salariés. Ils me disent que c’est dur de rester chez soi toute la journée en appartement mais, clairement, ils sont soulagés de ne pas être exposés. J’atteins les limites de mon stock : je n’ai quasiment plus de masques, je suis en train de faire les fonds de pot pour le gel hydroalcoolique et c’est pareil pour les produits désinfectants que j’utilise pour nettoyer la caisse. Je préfère autant que mes salariés ne soient pas là. Je ne vais plus pouvoir gérer le risque si ça continue. J’ai du mal à avoir du réapprovisionnement. C’est vrai pour tout."
"Au moindre doute, la consigne, c’est de rester chez soi" (A., postier)
"Nous avons maintenant toutes les protections nécessaires : masques, gants, gel hydroalcoolique. Nous avons aussi reçu le renfort d’agents des autres bureaux qui ont fermé. Du coup, nous avons constitué deux équipes, et chacune travaille un jour sur deux. Si l’un d’entre nous a le moindre doute sur sa santé, la consigne, c’est de rester chez soi. Dans le bureau, il y a quatre guichets et quatre distributeurs. Nous avons donc au maximum huit clients à la fois, on arrive à gérer. Ma direction a fait évacuer les voitures qui stationnent habituellement devant le bureau, pour faciliter l’organisation de la file d’attente."
"Si on continue à aller travailler, c’est par solidarité" (S., postier)
"Vendredi, nous avons enfin eu des vitres de protection sur les guichets. Nous avons aussi des lunettes maintenant, en plus des gants et des masques. Tout a été très lent à se mettre en place, j’ai le sentiment que la direction générale a fait du bricolage.
Comme dans d’autres bureaux, mais sans que ce soit une consigne de la grande direction, on continue de travailler en brigade, un jour sur deux. Les horaires d’ouverture ont également été réduits. On ne fait rentrer les gens que par quatre, les autres attendent dehors, en respectant les distances. Ils sont maintenant respectueux des règles.
Pour l’instant, on est tous en bonne santé. Le mari d’une collègue qui était malade est guéri, il n’y a pas eu de suspicion de Covid-19.
On ne reçoit aucun message de la part de la grande direction. Les remerciements, ce sont nos directrices de site et de secteur qui les formulent, elles sont très investies. Si on continue à aller travailler, c’est pour les collègues, par solidarité. Et pour tous nos clients qui pour beaucoup ont besoin d’être accompagnés car ils ne savent pas se servir d’un automate ni d’une carte bleue. Ou ces saisonniers qui travaillent aux alentours dans les champs et sont payés d’un chèque qu’ils doivent venir déposer sur leur compte."
"Je fais très attention, même si la menace est invisible" (L., technicien de maintenance d’ascenseurs)
"J’ai repris lundi matin [30 mars], après avoir gardé mon fils quelques jours. La semaine dernière, mes collègues ont eu chacun un flacon de gel hydroalcoolique. Je n’en ai pas eu parce que je ne travaillais pas. Du coup, je me débrouille avec ce que j’ai : des gants latex et quelques masques en tissu. Je ne les utilise que sur les sites que j’estime sensibles, en particulier les hôpitaux. Le reste du temps, je travaille sans protection mais je veille à me laver très souvent les mains. Je fais ce que j’ai à faire et je ne traîne pas. Je ne m’expose pas, je reste le minimum de temps.
Du côté de l’entreprise, c’est silence radio. Je pensais, en allumant mon téléphone lundi matin, avoir des mails, mais rien. Du coup, chacun fait à sa sauce. J’ai appris que quelques collègues s’étaient mis en arrêt maladie, pour différents motifs. Pour ma part, je garde mon cap. J’ai fait le choix de mon organisation : je me limite aux dépannages et aux interventions d’urgence, sans faire la maintenance habituelle. Je ne pars au travail la boule au ventre. Je fais très attention, même si la menace est invisible."
"La peur est parmi nous" (T., chef d’équipe dans la sous-traitance automobile)
"Je suis désormais à la maison, car j’ai le droit à un arrêt de travail pour garder les enfants ; une partie de ma boîte est en chômage partiel, avec une demande jusqu’à fin juin acceptée par la Direccte. Mon épouse travaille tous les jours, dans la grande distribution : cette entreprise ne leur fournit aucune protection - ni gel hydroalcoolique, ni masques, mais a installé des cloisons en plexiglas. Cela fait cogiter les enfants. Il est certain que la peur est parmi nous.
Dans ma société, ils étaient cette semaine une vingtaine à travailler en production, soit à peu près un tiers des effectifs. Ils vont descendre à 14 la semaine prochaine, puisque les commandes ont chuté. Au vu du peu de précautions prises, j’ai averti l’inspection du travail : un mail a été adressé à l’entreprise, demandant quelles sont les protections et procédures mises en place pour la protection des salariés, avec photos et factures du matériel à l’appui. Nous aurons un CSE en visio mardi, pour évoquer la charge de travail et les perspectives de l’entreprise."
"C’est comme si le temps s’était accéléré" (B., salarié d’une agence bancaire)
"En une semaine, les choses ont beaucoup changé. Maintenant, quasiment la moitié des agences sont fermées, et dans les agences ouvertes, on a réduit les effectifs de moitié. On fait un roulement une semaine sur deux : les uns sont présents à l’agence, les autres sont en télétravail. En réalité, ceux qui sont chez eux doivent seulement relever leurs mails et répondre aux demandes des clients quand ils le peuvent, ou les faire suivre à ceux qui sont en agence, car nous n’avons pas de solution de télétravail pour les conseillers…
Personne ne rechigne à venir travailler, même si les gens ont conscience qu’ils prennent plus de risques à venir bosser qu’à rester chez eux. Et ils constatent que tout le monde est remercié (les éboueurs, les caissières, etc.), sauf les banques… Malgré tout, l’état d’esprit est plutôt positif.
On reçoit maintenant un billet d’information quotidien, très orienté technique, sur l’activité de la banque dans le contexte actuel, l’offre d’urgence, etc. On reçoit aussi un mail régulier du directeur général, qui nous informe sur la situation et nous remercie.
J’ai le sentiment qu’il y a eu une vraie prise de conscience de la part de la direction. C’est comme si le temps s’était accéléré : par rapport à la semaine dernière, tout a changé très vite, au boulot comme dans tout le pays. Tout se fait au jour le jour. Par exemple, on nous avait demandé vendredi 20 mars de fixer une organisation pour la semaine suivante, le lundi on nous a rappelés pour en caler une autre. Il faut dire qu’il faut organiser et faciliter le travail à la fois pour les salariés du réseau et pour ceux des fonctions support, c’est un vrai boulot d’équilibriste. Ce qui est valable un jour, on sait très bien que ça peut ne plus l’être le lendemain."
"Le fait que quelqu’un ait été touché a fait peur à tout le monde" (A., présentatrice télé sur une chaîne publique)
"Maintenant, on fonctionne par roulement : les présentateurs et chefs d’édition ont été répartis en deux groupes qui travaillent une semaine sur deux. Cette organisation a deux fonctions : d’abord, comme on a réduit le nombre d’émissions et de journaux, on a besoin de moins de monde, donc ça évite aux gens qui n’ont pas de travail de se déplacer ; ensuite, ça permet de faire tourner tout le monde, de reposer un peu les équipes, de remplacer quelqu’un qui tombe malade éventuellement. Cette semaine, j’étais de réserve, et j’en avais vraiment besoin. Avec la tension accumulée, j’étais épuisée.
Côté sécurité, on fait un peu avec les moyens du bord. On a du gel hydroalcoolique à tous les étages, et la direction a redonné des consignes sur la distanciation. La direction nous envoie tous les jours un "point Covid" pour nous informer : ils donnent des instructions sur les bonnes pratiques, nous informent sur les recommandations des pouvoirs publics actualisées, et sur les contaminations… Un présentateur a été malade en studio. Le studio a été désinfecté immédiatement après, mais le fait que quelqu’un ait été touché a fait peur à tout le monde.
Honnêtement, je ne pense pas qu’on soit mis en danger par la direction, je pense que chacun fait comme il peut dans une situation pas facile. Si on reste chez nous, on ne peut pas faire le JT ! La direction a envoyé un mail de remerciement, j’ai apprécié. Surtout, ils ont envoyé un message à tout le monde demandant de faire remonter les situations dans lesquelles on pouvait améliorer la sécurité. Je trouve ça bien que ça suscite des échanges entre la direction et les salariés sur les bonnes pratiques, on devrait faire ça tout le temps."
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Alexandra Caccivio,
journaliste