Retraites, dépendance, handicap : la Drees analyse les implications de l’indicateur d’incapacité des assurés
La Drees, dans une nouvelle étude publiée le 13 février 2020, analyse les multiples enseignements pouvant être tirés à partir du taux de limitation/incapacité déclaré par les assurés aux différents âges de la vie. Concernant les personnes handicapées, l’usage de cet indicateur permet de conclure que les personnes avec de fortes limitations quittent plus jeune le marché du travail mais liquident plus tard leur retraite. L’indicateur permet aussi d’avancer qu’un retraité peut escompter passer 58 % de sa retraite sans incapacités, mais aussi 19 % de cette période avec des incapacités lourdes.
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marilezhava
Cette étude de la Drees publiée jeudi 13 février, établit plusieurs enseignements, à la fois sur la question des départs en retraite, de l’accompagnement du handicap, mais aussi de la prévention de la perte d’autonomie. L’ensemble de ces questions ressortent via un seul prisme, celui du niveau d’incapacité déclarée par les personnes sondées (1).
de plus longues périodes d’inactivité entre 50 et 62 ans
Concernant tout d’abord la question du handicap, l’étude pointe une fois de plus la difficile insertion sur le marché du travail des "seniors" en situation de handicap - identifiés ici comme l’échantillon d’assurés déclarant de "fortes limitations" dans leur quotidien. La Drees observe ainsi que ces personnes passent nettement moins de temps après 50 ans en situation d’emploi par rapport aux personnes sans limitations (3,9 ans contre 10,2 en moyenne globale). Selon l’indicateur de limitation d’activité, ce sont ainsi à peine 40 % des personnes handicapées qui bénéficient d’un emploi après 50 ans.
Dans le même temps, tout en étant moins en situation d’emploi, les personnes handicapées prennent aussi plus tardivement leur retraite que le reste des cotisants (32,4 ans contre 62,1 ans selon les chiffres de la Drees pour 2018). Cet écart est expliqué par les statisticiens par le fait que les personnes sans handicap bénéficient plus souvent des possibilités de départ anticipé à la retraite : "En effet, si certaines de ces possibilités sont spécifiques aux personnes handicapées, d’autres – plus fréquentes – sont liées au fait d’avoir eu une carrière longue ; or il est rare qu’une personne souffrant d’incapacité atteigne le seuil retenu par le système de retraite pour définir une carrière longue, si bien que la majeure partie des assurés bénéficiant d’un départ anticipé à ce titre sont sans incapacité". Entre 50 et 62 ans, de ce fait, les personnes handicapées sont les plus exposées à la situation où ne bénéficient ni d’un emploi, ni d’une pension de retraite.
En retranchant la catégorie de cotisants partant plus tôt à la retraite du fait des départs anticipés, les personnes handicapées bénéficient toutefois de départs plus rapides que les autres cotisants, grâce à la possibilité de liquider leurs droits à taux plein au titre de l’inaptitude au travail ou de l’incapacité. L’âge de départ moyen est ainsi de 62,9 ans pour les personnes fortement limitées, contre 63,1 ans (en 2018) pour les personnes sans incapacités.
un indicateur EVSI qui soulève des questions
La notion d’incapacité/limitations recoupe aussi d’une certaine manière la notion de perte d’autonomie, même si les indicateurs ne sont pas les mêmes (la perte d’autonomie étant le plus souvent analysée via l’indicateur GIR attribué par les départements). En s’appuyant sur cet indicateur de limitations déclarées, cette étude de la Drees conclut que 77 % des nouveaux retraités sont sans incapacités au moment de liquider leurs droits, 15 % avec une limitation moyenne, et 8 % subissant une forte limitation. L’étude observe que, au regard des différents paramètres connus en 2018, un retraité lambda peut espérer passer 58 % de sa période de retraite sans incapacités, 24 % avec des incapacités modérées, et 19 % avec une forte incapacité dans les actes de la vie quotidienne. Globalement, cette estimation des années de retraite escomptables sans incapacités n’a pas bougé depuis 2013 - d’après les données détaillées de cette étude (voir tableau complémentaire C).
Replacée dans le cadre plus large du débat sur la prise en charge de la dépendance, cette nouvelle étude repose donc une question méthodologique centrale - autour du calcul de la perte d’autonomie et de l’espérance de vie sans incapacités (EVSI). Elle confirme également les résultats d’une précédente enquête de la Drees de juillet 2019 (lire sur AEF info) : en évaluant la perte d’autonomie des retraités non pas à partir de la grille AGGIR employée par les départements, mais à partir de cet indicateur de limitations ressenties, la Drees avait ainsi conclu à une très large sous-estimation du nombre futur de personnes potentiellement qualifiables de "dépendantes". Plutôt que les 1,58 million à l’horizon 2030 cités dans le rapport Libault, ce nombre de personnes non autonomes pourrait être de 2,95 millions dès 2027… ce qui amènerait à complètement revoir les besoins financiers de prise en charge du grand âge dans les années à venir. En estimant que chaque retraité pourrait potentiellement passer 19 % de sa retraite en situation de forte incapacité, cette étude du 13 février alerte d’une autre manière.
Mais cette méthodologie - aux implications politiques et financières non négligeables donc - a toutefois récemment été critiquée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Lors de la présentation d’un nouveau plan de prévention de la perte d’autonomie, le 16 janvier dernier, la ministre a ainsi brièvement évoqué la volonté des pouvoirs publics de refondre l’indicateur EVSI - jugé "peu scientifique" (lire sur AEF info). À ce stade, cet indicateur est effectivement construit à partir seulement d’enquêtes de terrain demandant aux sondés d’évaluer eux-mêmes leur niveau de limitation (2). En fonction du nouvel indicateur qui sera produit, les objectifs attribués à la future loi Autonomie pourraient donc encore considérablement évoluer par rapport à la trajectoire suggérée par le dernier rapport Libault.