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Près d’une semaine après le début du mouvement social contre la réforme des retraites, le Premier ministre prend la parole ce mercredi 11 décembre 2019 pour présenter le projet du gouvernement sur les retraites. Générations concernées, âge d’équilibre, droits familiaux, gouvernance, etc. : le Premier ministre précise les contours du régime universel. Le projet de loi sera prêt à la fin de l’année et soumis au Conseil des ministres le 22 janvier. Le chiffrage des mesures sera quant à lui présenté dans le cadre de l’étude d’impact. Il sera discuté au Parlement à la fin du mois de février. Ce projet contiendra in extenso tout ce que je viens de dire, à commencer par les garanties de calcul du point, des pensions des enseignants ou des forces de sécurité", promet Édouard Philippe. Il renverra à des ordonnances ou à des décrets les précisions sur les transitions.
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Le Premier ministre, Édouard Philippe, présente le projet du gouvernement pour la mise en place du système universel de retraite, le 11 décembre 2019, au CESE MaxPPP - THOMAS SAMSON / POOL/EPA/Newscom/MaxPPP
Après deux ans de discussions et de concertation, "le temps est venu de construire un système de retraite", affirme Édouard Philippe mercredi 11 décembre 2019 devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), où, trois mois après sa première allocution lançant la deuxième phase de concertation, il est venu présenter le contenu et le calendrier de sa réforme des retraites.
"Nous proposons un nouveau pacte entre les générations, un pacte fidèle dans son esprit à celui que le Conseil national de la résistance a imaginé et mis en œuvre après la guerre pour créer le système de retraite actuel", résume-t-il. Le régime universel, qui remplacera les 42 régimes existant, devra ainsi "corriger les injustices, adapter le système aux nouvelles trajectoires de carrière de carrière […] mais reste fidèle aux valeurs fondatrices".
Suite aux différentes polémiques, le Premier ministre assure vouloir créer un régime par répartition "solidaire" : "La France n’a pas fait le choix et ne fera jamais le choix, du chacun pour soi et du tant pis pour les autres. Nous ne voulons pas confier nos retraites à l’argent roi. C’est un choix fondamental, ancien, de notre pays".
"Pour mettre fin à la sémantique guerrière dans laquelle on voudrait bien nous entraîner, je voudrais dire que cette refondation n’est pas une bataille, poursuit Édouard Philippe s’adressant aux grévistes. Je ne veux pas dans la France d’aujourd’hui, fragmentée, hésitante entre optimisme et déclinisme, entrer dans la logique du rapport de force".
"universalité, d’équité et de lisibilité"
"Nous ne stigmatisons personne, insiste-t-il. La question n’est pas de savoir si le gouvernement va gagner, si des syndicats vont perdre […]. Il n’y aura ni vainqueur, ni vaincus". "Nous voulons que les Français gardent la tête haute et se rassemblent auprès des principes "d’universalité, d’équité et de lisibilité", résume le chef du gouvernement, saluant la concertation menée, sans pour autant nommer le Haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye.
Le régime universel que dessine Édouard Philippe s’appuie cependant largement sur les recommandations inscrites dans le rapport de juillet dernier. Il apporte cependant des précisions importantes sur la première génération concernée ou encore le mode d’indexation des points. S’il met en avant des mesures de "progrès social", comme la mise en place d’un minimum contributif à 85 % du Smic dès 2022 ou l’indexation des pensions sur les salaires, il ne renonce pas à prendre les mesures d’âges auxquelles il s’est toujours dit très attaché. Voici les principaux arbitrages exposés.
Création d’un régime en points. Comme attendu, le système universel de retraite comprendra un seul étage obligatoire par répartition et en points. Les assurés cotiseront au taux de 28,12 % jusqu’à trois plafonds de la sécurité sociale, puis 2,81 % au-delà, sans acquisition de droit. Afin de calmer les inquiétudes "de ceux qui jugent le point plus abstrait que le trimestre", le Premier ministre veut répondre par des "garanties" inscrites dans la loi. Cette dernière devrait prévoir une règle d’or pour indiquer que la valeur du point ne pourra pas baisser. La valeur d’achat du point sera indexée sur les salaires, tout comme la valeur de service, comme indiqué hier à l’Assemblée nationale par le Haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye. La valeur du point sera fixée par les partenaires sociaux, dans le cadre de la gouvernance du régime universel, qui devra ainsi indiquer le rendement du point, précise le dossier de presse.
Les premières générations concernées. "Nous avons conçu ce système pour les jeunes générations, ceux qui vont être confrontés à ces mobilités professionnelles, géographiques et ces carrières heurtées. Elles doivent en bénéficier sans attendre", explique Édouard Philippe. C’est pourquoi le système entrera en vigueur dès 2022 pour les jeunes ayant 18 ans en 2022, c’est-à-dire nés à partir de 2004.
Par ailleurs, afin de "respecter les parcours de vie de chacun", le gouvernement a choisi "de ne rien changer pour les personnes qui sont aujourd’hui à moins de 17 ans de la retraite". Le système universel de retraite s’appliquera donc aux actifs ayant moins de 50 ans fin 2024, c’est-à-dire nés à partir de 1975. Ils cotiseront donc dans le nouveau système à partir du 1er janvier 2025. Et auront ainsi "une première partie de leur pension calculée selon les anciennes règles, et une seconde partie de pension calculée selon les nouvelles règles. En prenant leur retraite vers 2037, ils auront donc encore 70 % de leur pension calculée selon l’ancien système", indique le Premier ministre.
Fonctionnaires et régimes spéciaux. "La mise en place d’un système universel implique la suppression des 42 régimes existants, dont les régimes spéciaux", confirme Édouard Philippe, qui souhaite ainsi aller "jusqu’au bout de la logique de 1945". Le gouvernement précise seulement que pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de la retraite est 57 ou 52 ans, en appliquant la même distance de 17 ans à la retraite, la première génération concernée sera 1980 (pour ceux dont l’âge est de 57 ans) et 1985 (pour ceux dont l’âge est de 52 ans).
Par ailleurs, s’agissant des régimes spéciaux ou plus généralement de ceux qui ont des âges dérogatoires, les modalités de l’âge du taux plein devront "être adaptées". Il faudra également "tenir compte, quand elles existent, des trajectoires de convergence qui ont été décidées dans les réformes précédentes". Sur ces bases, le Premier ministre souhaite que, "dès aujourd’hui, les présidents d’entreprises publiques engagent le dialogue avec les organisations syndicales". "Il me semble que les garanties données aux populations les plus inquiètes justifient que le dialogue reprenne et que la grève, qui pénalise des millions de Français, s’arrête", explique-t-il.
Mise en place progressive d’un âge pivot et équilibre du système. Afin d’inciter les Français à "travailler plus longtemps", Édouard Philippe a confirmé vouloir mettre en place - en plus de l’âge minimal pour partir à la retraite qui restera fixé à 62 ans", un "âge d’équilibre" fixé à 64 ans, assorti d’un bonus-malus de 5 % par an. Mais bien qu’il constate que "64 ans sera l’âge moyen auquel les Français devraient partir en retraite" à l’horizon 2025 sous l’effet notamment de la réforme Touraine, Édouard Philippe estime "que nous ne pouvons pas mettre en place un âge d’équilibre à 64 ans d’un coup d’un seul en 2025". Or il n’en démord pas : il faut "fixer une trajectoire de retour à l’équilibre". Il a donc "accepté de prendre le temps nécessaire" en décalant le calendrier initial jusqu’à 2027.
Afin d’arriver à cet objectif, le Premier ministre propose ce qu’il juge être "un compromis" : "d’abord faire voter la loi" et "mettre en place la nouvelle gouvernance" ; puis "prendre nos responsabilités" pour démarrer un système universel à l’équilibre. Pour ce faire, la gouvernance du nouveau système, qui sera confiée aux partenaires sociaux "sous la supervision du Parlement", aura la charge, "au cours de l’année 2020, au plus tard le 1er janvier 2021", "de prendre des décisions qui seront mises en œuvre dès le 1er janvier 2022". À défaut, la loi fixera à compter de cette date un âge d’équilibre à 62 ans et quatre mois, qui augmentera ensuite de 4 mois par an pour rejoindre progressivement l’âge d’équilibre du futur système, soit 64 ans en 2027.
La création de cet âge d’équilibre implique enfin que l’âge d’annulation de la décote, aujourd’hui fixé à 67 ans, sera progressivement abaissé, puis supprimé afin notamment de "ne plus pénaliser les femmes qui ont des carrières heurtées et leur permettre de partir plus tôt à taux plein". "Il s’agit là aussi d’un progrès social majeur", estime Édouard Philippe, qui rappelle que 80 000 femmes chaque année sont contraintes d’attendre 67 ans pour liquider leur retraite parce qu’elles n’ont pas assez de trimestres travaillés. Le dispositif "carrière longue" sera également maintenu pour permettre à ceux qui ont validé 5 trimestres avant 20 ans de partir deux ans plus tôt.
Mise en place d’un minimum contributif à 85 % du Smic dès 2022. Il s’agit d’une des mesures les plus valorisées par Édouard Philippe au titre de la "justice sociale". Afin de "construire la protection sociale du XXe siècle en prenant mieux en compte les nouveaux visages de la précarité", le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un minimum contributif à 1 000 euros net par mois dès 2022, qui s’appliquera également aux agriculteurs et aux indépendants. Il sera inscrit dans la loi que ce minimum contributif "devra s’élever à 85 % du Smic dans la durée et sera indexé sur l’évolution de ce dernier", précise Édouard Philippe.
Par ailleurs, fait-il valoir, "les Français qui ont des carrières heurtées ou qui sont forcés de travailler à temps partiel, ne seront plus pénalisés. Chaque heure travaillée permettra d’acquérir des points et donc d’améliorer sa pension". "Très rapidement, nous regarderons la règle actuelle, ce seuil des 150 heures par trimestre en deçà duquel on cotise sans s’ouvrir de droits, comme un vestige peu glorieux des anciens régimes", veut-il croire.
Prise en compte de la pénibilité. Comme attendu, le compte pénibilité sera étendu aux trois fonctions publiques - où les dispositions spécifiques de départ anticipé seront progressivement supprimées, sauf pour les policiers ou les militaires qui exercent des fonctions dangereuses dans le cas de leurs missions régaliennes. Si le Premier ministre n’est pas revenu sur sa décision de ne pas réintégrer les quatre facteurs de pénibilité supprimés en 2017 comme le veut la CFDT, il souhaite, comme attendu, abaisser les seuils relatifs au travail de nuit. Et se déclare favorable à l’idée de "déplafonner les droits liés à la pénibilité pour les utiliser pour se former ou effectuer la fin de sa carrière à temps partiel".
Un coup de pouce pour les droits familiaux. "Les femmes seront les grandes gagnantes du système de retraite", affirme Édouard Philippe. Le système universel accordera comme attendu une majoration de 5 % dès le premier enfant. Ce droit sera attribué automatiquement à la mère mais pourra être partagé sur demande entre les deux parents ou attribué au père. Pour les familles nombreuses, Édouard Philippe propose d’accorder - au-delà des 5 % de majoration par enfant - une majoration supplémentaire 2 % à partir du troisième enfant. "Nous voulons donner confiance aux familles", justifie-t-il. Pour les enfants qui sont nés avant l’entrée en vigueur de la réforme et dont les parents sont concernés par la réforme, les majorations de durée d’assurance ainsi que la majoration des enfants de trois enfants ou plus à cette date continueront à s’appliquer et "seront prises au titre de 100 % des droits acquis", précise le dossier de presse.
Par ailleurs, les parents qui interrompent ou réduisent leur activité par un passage à temps plein partiel lors de l’arrivée d’un enfant pourront acquérir des droits à la retraite au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) sous conditions de ressources. Des droits seront versés au titre de la solidarité nationale à hauteur de 60 % du Smic pendant les trois premières années de l’enfant, et pendant les six premières années à partir du 3e enfant.
Des garanties pour certaines professions. "Un système universel ne signifie pas la négation de toute spécificité", rappelle Édouard Philippe, qui veut "prendre des engagements vis-à-vis de plusieurs professions. Premièrement, les "membres forces de sécurité intérieures exposés à des fonctions dangereuses dans le cadre de missions régaliennes, comme les pompiers, les policiers, les gendarmes, les gardiens de prison et bien sûr les militaires, conserveront le bénéfice des dérogations d’âge". Et les gains représentés par les bonifications de durée qui existent dans ces régimes seront préservés dans le futur système universel, "ce qui permettra de maintenir des niveaux de retraite comparables aux pensions actuelles".
Concernant les enseignants, qui feraient sans mesure de redressement partie des perdants de la réforme, ils ne doivent pas "perdre le moindre euro de pension". Sera ainsi inscrite dans la loi la garantie selon laquelle le niveau des retraites des enseignants sera sanctuarisé et comparable aux niveaux de retraites des fonctions comparables dans la fonction publique. Et le gouvernement s’engage "avant la fin du quinquennat" à prendre les mesures de "revalorisations nécessaires pour maintenir le niveau des pensions", progressivement et "dès 2021". Le ministre de l’Éducation nationale réunira les organisations syndicales pour baliser une discussion qui devra s’achever au printemps 2020 et fixer le cadre sur les 10 prochaines années de la reconstruction des rémunérations, des carrières et des organisations du travail.
Des transitions pour les professionnels libéraux. "Je veux souligner la nécessité de construire des transitions spécifiques pour les travailleurs indépendants, les artisans, les commerçants et les professions libérales", poursuit le Premier ministre. La réforme de la CSG et des cotisations vieillesse des travailleurs indépendants sera mise en œuvre au 1er janvier 2022 ; la convergence des taux de cotisation vers le taux cible de 28,12 % se fera sur 15 ans ; et "les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés". Et devront ainsi servir, notamment, à "accompagner la transition vers le système universel au bénéfice des auxiliaires médicaux, avocats, et médecins concernés. "Pas de hold-up, pas de siphonnage pour combler tel ou tel trou, tel ou tel déficit", assure Édouard Philippe.
Des précisions de calendrier. Le projet de loi de réforme des retraites sera prêt à la fin de l’année et soumis au Conseil des ministres le 22 janvier 2020. Il sera discuté au Parlement à la fin du mois de février. "Ce projet contiendra in extenso tout ce que je viens de dire, à commencer par les garanties de calcul du point, des pensions des enseignants ou des forces de sécurité", promet le chef du gouvernement" promet Édouard Philippe. Il renverra à des ordonnances ou à des décrets les précisions sur les transitions, "le dialogue social [devant] continuer pour en préciser les modalités".
Dans les deux années qui viennent, il faudra donc voter le projet de loi, et "continuer à négocier avec les partenaires sociaux", tous les points qui restent ouverts : la question de la pénibilité, la prise en compte des carrières longues, la question du travail des seniors et de l’aménagement des fins de carrière, les modalités de conversion des droits, "sur lesquelles la loi aura donné des garanties, mais qu’il faudra définir régime par régime".
Au 1er janvier 2022, les nouveaux droits seront donc mis en place et les nouveaux entrants sur le marché du travail intègreront le régime. En 2025, les générations qui sont à plus de 17 ans de la retraite intègreront le nouveau système en conservant tous leurs droits acquis. Leurs retraites, liquidées à partir de 2037, intégreront progressivement une proportion croissante du nouveau système.
Voici une sélection des brèves fonction publique de la semaine du 29 mai 2023 :
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Bénédicte Foucher,
journaliste