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Missionnés par l’exécutif pour identifier de nouvelles sources potentielles de financements pour le logement social, l’IGF et le CGEDD ont publié le 20 novembre 2019 leur rapport, livrant plusieurs options "pour une ouverture plus importante du système aux capitaux privés". Véhicule d’investissement ad hoc, nouveau statut de bailleur social, ouverture du capital des ESH et des SEM, mandat de gestion locative sociale à qui respecterait un cahier des charges… Les pistes proposées par la mission "présentent des complexités techniques et des risques juridiques d’intensité variable".
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Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, et Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, ont reçu les conclusions de la mission IGF/CGEDD sur les diversifications possibles de sources de financement du logement social. MaxPPP - Julien Mattia / Le Pictorium
C’est un rapport très attendu que viennent de publier l’IGF et le CGEDD : les conclusions de leur mission sur la diversification des sources de financement du logement social, lancée par Bercy et le ministère du Logement au début de l’été (lire sur AEF info). Observant un intérêt "tangible" des investisseurs privés pour le secteur, les services d’inspection y suggèrent une série d’options "pour une ouverture plus importante du système de financement aux capitaux privés", à mobiliser "selon le degré souhaité de variation par rapport à la situation actuelle".
Mais d’abord, prudence. Car cet intérêt de la sphère privée, aussi tangible soit-il, relève surtout d’un "intérêt par défaut", préviennent l’IGF et le CGEDD. "La baisse de la rentabilité des autres classes d’actifs dans l’immobilier, dans un contexte d’abondantes liquidités à investir" redore mécaniquement le blason du secteur HLM. Cet intérêt pourrait donc "n’être que passager, lié au contexte de taux et alimenté par des opérations immobilières récentes, à forte visibilité, réalisées notamment dans le logement intermédiaire", soulignent-ils. "D’une manière générale, il ne faut pas attendre des investisseurs privés qu’ils se portent vers le logement très social ou les zones 'détendues'." Peu d’espoirs, en somme, de les voir financer des PLAI en territoires ruraux.
"Garde-fous"
"Certains choix" pourraient avoir "un caractère irréversible en termes d’attribution du parc social", "s’ils étaient mis en œuvre sans garde-fous", préviennent-ils également. "L’exemple de l’Allemagne depuis 25 ans montre en effet que l’application des modèles de rentabilité des investisseurs privés sans protection du parc social a conduit à la vente de logements en quantité très supérieure à celle des constructions" et à "de fortes hausses de loyers dans les zones attractives", pointent-ils ainsi, désapprouvant, à mi-mot, l’évolution d’un modèle "généraliste" vers un modèle "résiduel'" de logement social.
Forts de cette alerte, les deux services interministériels n’en considèrent pas moins "la diversification partielle des lignes de dettes des organismes de logement social" comme "une évolution sans doute inévitable". Tout en réaffirmant le rôle "fondamental" de la Caisse des dépôts "dans la sécurisation du système de financement" et en pointant les "grands risques" que ferait courir une "diversification massive" des emprunts opérés par les bailleurs sociaux sur les marchés bancaires, l’IGF et le CGEDD listent donc plusieurs options, qui "supposent des modifications importantes" du corpus législatif et réglementaire, et "présentent des complexités techniques et des risques juridiques d’intensité variable".
En préambule, la mission IGF/CGEDD pose une condition sine qua non à toute évolution potentielle du système de financement : "Il est inenvisageable que la valeur économique réelle du patrimoine des organismes de logement social, non reflétée par leurs états comptables et constituée sur la base de fonds essentiellement publics, puisse être appropriée par de nouveaux investisseurs privés qui n’auront pas contribué à la créer ou par les actionnaires historiques des ESH et SEM par le biais des plus-values lors de la revente de leurs actions." Elle explique avoir "évalué la faisabilité technique et juridique de dispositifs, notamment fiscaux, destinés à éviter toute forme d’enrichissement indu". Elle cite "un mécanisme de prix de marché payé par les nouveaux entrants afin d’éviter qu’ils s’approprient les plus-values latentes", qui suppose en particulier une valorisation des logements sociaux à leur valeur vénale par le biais d’une expertise immobilière indépendante. Ou encore "un mécanisme d’imposition des plus-values latentes susceptibles d’être dégagées en cas de cessions d’actions par les actionnaires privés historiquement présents au capital des ESH et des SEM, tenant compte de l’exonération d’impôt sur les sociétés bénéficiant aux organismes".
véhicule d’investissement ad hoc
"Une première option serait la création d’un véhicule d’investissement ad hoc. Le bailleur social pourrait y apporter la partie de son parc qu’il cherche à valoriser et des investisseurs privés achèteraient des parts du véhicule, en versant du numéraire au bailleur. Le véhicule d’investissement confierait ensuite la gestion du patrimoine qu’il détient au bailleur apporteur. En fin d’opération, après déconventionnement des logements, ceux-ci pourraient être cédés". Il s’agit là d’un mécanisme "connu des investisseurs", qui "permet de délimiter les opérations dans l’espace et dans le temps, sans modifier les règles applicables au secteur du logement social", défendent les deux services.
Un tel véhicule sera toutefois probablement soumis aux règles de la commande publique, poursuivent-ils, lesquelles exigent une mise en concurrence pour la gestion des logements. "Il se pourrait ainsi que le bailleur ayant apporté les logements sociaux ne puisse en assurer la gestion locative pour le compte du véhicule. Les cas possibles d’exonération des règles de la commande publique ou le recours à des majorations ou compléments de prix d’acquisition seraient des solutions à étudier."
Nouveau statut de bailleur social
Deuxième option envisagée : la création d’un nouveau statut de bailleur social, "sous forme de foncière d’habitat social accessible sur option", dans le cadre de laquelle les droits des locataires seraient préservés.
"Cette foncière d’habitat social aurait un objet social large en matière d’immobilier résidentiel (elle pourrait détenir en patrimoine des logements intermédiaires ou libres), ainsi qu’une logique de rotation systématique de l’ensemble des logements sociaux détenus, après déconventionnement au départ des locataires. Le dividende versé serait rehaussé et la foncière aurait plusieurs obligations". Dès lors qu’un bailleur social passerait à ce nouveau statut, "son bilan serait évalué à la valeur de marché, tandis que la société initiale s’acquitterait du paiement d’une taxe de sortie (exit tax) sur les plus-values latentes de logements détenus, de façon à éviter tout enrichissement indu par la suite", détaillent encore les services. Le bailleur aurait également une obligation de reconstitution du parc "détenu au premier jour de la transformation en foncière". À ces conditions, "la foncière d’habitat social pourrait rester exonérée de l’impôt sur les sociétés sur son activité de logement social".
Reste que cette option "fait naître une dualité au sein du logement social, avec deux régimes financiers différents, qu’il faudra faire préalablement valider par la Commission européenne au regard du Sieg", soulèvent le CGEDD et l’IGF.
Assoupir les règles d’entrée au capital des ESH et des SEM
Les deux services proposent ensuite "d’assouplir" les règles applicables aux ESH et aux SEM "pour permettre l’entrée à leur capital de nouveaux investisseurs". "Cela implique notamment de rehausser le niveau maximum de dividende et également de permettre des augmentations de capital et des rachats d’actions, de réévaluer le bilan, à la valeur de marché." Une ouverture qui porte aussi "un risque de multiplication de situations pouvant aboutir à un enrichissement indu qui devraient être prévenues par la création de taxes dédiées (ou de surtaxes spécifiques au niveau des actionnaires historiques)", concèdent-ils.
Cette option, le ministre de la Ville et du Logement a maintes fois affiché son refus catégorique de la mettre en œuvre, notamment en réponse aux amendements parlementaires déposés à cette fin lors de l’examen du projet de loi Elan. À nouveau ce jeudi, il réaffirme sur Twitter y être opposé, résolu à "préserver le capital des HLM" :
Il s’agit là d’un rapport et pas d’une position du Gvt. Le Gvt n’a qu’une boussole : consolider le modèle français du #logement social pour produire des logements abordables !
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) November 21, 2019
Nous ne modifierons pas les règles qui préservent le capital des #HLM ! Je m’y suis tjs opposé! pic.twitter.com/v5Y3PXTrgp
définir le logement social "à travers sa finalité"
"Enfin, une quatrième option serait de ne plus considérer le logement social à travers le prisme d’un secteur dédié mais de le définir par sa finalité", proposent l’IGF et le CGEDD. La puissance publique "pourrait dès lors accorder un mandat de gestion locative sociale à durée limitée à tout acteur respectant un cahier des charges (plafonds de loyers et de ressources, conventionnement, commissions d’attribution)", qui bénéficierait ainsi des compensations publiques "légalement prévues". "Ces acteurs pourraient être des bailleurs sociaux ou privés, ou encore des particuliers bénéficiant de dispositifs de défiscalisation pour l’investissement locatif social." Une option qui fait écho aux propositions formulées par la présidente de la FPI Alexandra-François Cuxac dans son livre publié en avril 2017 (lire sur AEF info).
Cela étant, pour les bailleurs sociaux existants, "la transition nécessaire serait sans doute difficile". De surcroît, "une telle solution rendrait moins praticable le pilotage comme la planification de la politique du logement social par les pouvoirs publics, au niveau national comme au niveau local".
les mesures de la loi Elan "ne peuvent constituer que des solutions d’ampleur limitée"
L’IGF et le CGEDD ont également analysé des évolutions potentielles de plusieurs mesures inscrites dans le cadre de la loi Elan pour renforcer les capacités financières des organismes HLM. Mais en la matière, aucune ne trouve grâce à leurs yeux.
Ils balaient ainsi rapidement la pertinence d’assouplir encore le cadre de vente des logements sociaux, éventualité dont ils expliquent qu’elle est défendue par la Direction générale du Trésor
Le démembrement de propriété, souvent cité comme une solution d’avenir, notamment au cours des débats sur la loi Elan, n’apparaît quant à lui "pas adapté aux attentes génériques des investisseurs institutionnels", estiment l’IGF et le CGEDD : "Outre le fait que le schéma d’ULS est grevé d’une incertitude forte sur le bon déroulement des opérations de relogement des locataires occupants, celui-ci ne répond pas aux attentes d’investisseurs institutionnels classiques qui ne peuvent envisager la détention pendant une période longue d’un bien immobilier ne leur générant aucun revenu et sur lequel ils n’ont pas de maîtrise patrimoniale". Pour les deux services, seule la CDC, "investisseur public de très long terme, offre les caractéristiques nécessaires pour s’engager dans ce schéma", à travers Tonus.
Idem, l’émission de titres participatifs rendue possible par la loi Elan (lire sur AEF info) ne rencontrerait pas les attentes d’investisseurs privés, si ceux-ci y avaient accès, écrivent encore les auteurs du rapport, car la rentabilité envisagée n’étant pas suffisante. "Les mécanismes de vente, de démembrement et de titres participatifs, prévus par de récentes dispositions législatives pour apporter des fonds propres aux organismes de logement social, ne peuvent constituer que des solutions d’ampleur limitée", estiment donc l’IGF et le CGEDD.
Soumis au cadre juridique européen en matière de SIEG, le secteur du logement social ne peut qu’offrir une rémunération du capital limitée, rappellent le CGEDD et l’IGF : "Si des imprécisions demeurent s’agissant du taux plafond de rémunération des capitaux investis dans le logement social, le bénéfice raisonnable devra toujours demeurer limité, son calcul reposant sur un taux raisonnablement supérieur au taux de swap à dix ans majoré de 100 points de base". "À cet égard, un taux de rendement net des capitaux investis de l’ordre du taux swap à dix ans majoré de 200 points de base, soit environ 3 % par an aux conditions de taux et d’inflation en 2019, apparaît possible sans contrevenir aux règles européennes", estiment-ils. De fait, "sauf à remettre en cause les compensations existantes, les règles européennes du service d’intérêt économique général limiteront les possibilités d’évolution trop forte" du système de financement.
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Anne Farthouat,
journaliste