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En 2017, près d’un départ à la retraite sur deux est intervenu à taux plein, soit avant l’âge légal, soit à l’âge légal mais sans réunir la durée d’assurance - contre un sur trois en 2012, regrette la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale le 8 octobre 2019. Ceci, sous l’effet principalement des assouplissements apportés en 2012 au dispositif carrières longues, particulièrement visé par la Cour, qui estime que les conditions d’accès à ce dispositif devraient être "stabilisées" dans le cadre de la future réforme. Elle appelle aussi à réexaminer les catégories actives.
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Bruno Martins/Unsplash
Il existe sept principaux dispositifs de départ à la retraite dans des conditions dérogatoires d’âge ou de durée d’assurance, à l’origine en 2017 de près d’un départ à la retraite sur deux à taux plein, pour un coût de quelque 14 Md€ en 2016, rappelle la Cour des comptes dans son rapport 2019 sur l’application des lois de sécurité sociale : les carrières longues (plus de 250 000 départs et 6,1 Md€ de dépenses supplémentaires), l’inaptitude substituée ou non à une pension d’invalidité (130 000 départs et 1,7 Md€ de dépenses supplémentaires), les catégories actives de la fonction publique (31 000 départs et 3,3 Md€ de dépenses supplémentaires), ainsi que l’incapacité permanente, la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés, le compte professionnel de prévention (pénibilité) et la retraite progressive. "Leur impact sur la situation financière du système de retraite appelle à hiérarchiser plus fortement les priorités de ces dispositifs", estiment les magistrats financiers.
chaque réforme crée de nouveaux dispositifs dérogatoires
La Cour constate tout d’abord que, depuis 2003, chaque réforme des retraites a été l’occasion de créer de nouveaux dispositifs dérogatoires ou de modifier ceux en vigueur afin "d’incarner des préoccupations de justice sociale" en contrepartie des mesures visant à relever l’âge moyen de départ à la retraite. Résultat : plusieurs d’entre eux visent des objectifs similaires, "mais avec des niveaux d’avantages hétérogènes et sans justification toujours évidente des différences de traitement qui en résultent pour les assurés". Par exemple, les incidences potentielles ou avérées du travail sur l’état de santé sont prises en compte par cinq dispositifs, selon trois approches distinctes : la longueur de la carrière pour les carrières longues ; la nature des tâches effectuées dans l’emploi pour le C2P et les catégories actives ; et la dégradation de l’état de santé pour l’inaptitude et l’incapacité permanente.
De même, la Cour estime que, si la compensation d’écarts d’espérance de vie a souvent été mise en avant à l’appui des dispositifs de départ anticipé, les données disponibles ne conduisent pas à les confirmer, en moyenne et à ce jour, pour les catégories actives et les carrières longues. Ainsi, l’écart moyen d’espérance de vie à 60 ans n’est pas significatif entre les catégories actives (26,7 ans en moyenne) et sédentaires (27,6 ans) des trois fonctions publiques. "L’espérance de vie moyenne à la retraite des bénéficiaires de départs anticipés pour carrière longue n’apparaît pas plus faible que celle des autres assurés", conclut-elle.
le dispositif carrière longue dans le viseur de la cour
Enfin, les magistrats financiers constatent que ces dispositifs ont amoindri les effets des réformes sur l’âge de la retraite. Ainsi, dans le régime général, la part des départs à la retraite liés à l’un d’eux a presque doublé, passant de 24,4 % des départs en 2011 à 46,1 % en 2017. Dans les régimes de fonctionnaires, elle a atteint 56,2 % des départs en 2017, contre 37,7 % en 2011, du fait notamment de la croissance des départs dans la fonction publique hospitalière. Particulièrement dans le viseur de la Cour, le dispositif carrière longue. Les assouplissements apportés à ce dispositif, notamment par le décret de juillet 2012, ont en effet conduit à une multiplication par six de ces départs entre 2009 et 2017, passés au régime général de moins de 30 000 en 2009 à près de 180 000 en 2017. La Cour regrette également que le nombre de fonctionnaires classés en catégorie active "ne diminue que lentement" malgré les évolutions statutaires qui ont fermé ce dispositif à de nouveaux bénéficiaires en contrepartie de revalorisations de carrières (instituteurs, infirmiers, etc.).
Résultat : malgré une réduction de l’avantage individuel procuré par les dispositifs de départ anticipé, ces derniers, notamment les carrières longues, ont contribué au cours des dernières années à réduire les effets des réformes des retraites sur l’âge de départ à la retraite. Depuis 2010, sous l’effet des départs anticipés, la part des retraités au sein de chaque classe d’âge précédant l’âge légal de départ à la retraite s’est d’ailleurs accrue : une personne sur trois fin 2017 (avec un âge légal à 62 ans), contre une sur cinq fin 2010 (avec un âge légal à 60 ans). Et cela a un coût : 14 Md€ de dépenses supplémentaires en 2016 donc, soit 5,2 % du total des dépenses de prestations de droit propre dans les régimes de base et complémentaires de retraite, contre 3 % environ en 2012. À elles seules, les carrières longues ont représenté 16,9 % de l’augmentation des dépenses de prestations de droit propre du régime général intervenue entre 2012 et 2017.
stabiliser les conditions de départ anticipé
Certes, concède la Cour, en 2018, le flux des départs pour carrière longue s’est inversé au régime général, sous l’effet de l’augmentation progressive de la durée d’assurance requise pour le taux plein en application de la réforme des retraites de 2014. Si la diminution de ce flux est appelée à se poursuivre, "c’est seulement au milieu des années 2030 qu’il reviendrait à son niveau de 2009". "Il est essentiel que cette projection à la baisse du nombre de départs anticipés pour carrière longue se concrétise pleinement", insistent les Sages de la rue de Cambon, qui estiment que les conditions de départ anticipé au titre d’une carrière longue, "à défaut d’être resserrées, devraient être stabilisées".
En outre, La Cour regrette que les assurés doivent aujourd’hui effectuer un choix abrupt entre partir à la retraite ou rester en activité. La retraite progressive, qui permet de percevoir une partie de la pension tout en exerçant une activité à temps partiel, ne concerne en effet qu’un nombre réduit de départs, bien qu’en forte augmentation (10 000 en 2017 contre 2 500 en 2012). "Dans le cadre des évolutions futures du système de retraite, les modalités de transition progressive vers la retraite devraient être privilégiées par rapport à l’interruption complète de l’activité professionnelle", conseille-t-elle.
Cette dernière recommande également "de poursuivre le réexamen du périmètre des métiers relevant des catégories actives et, au sein de ces métiers, des fonctions exercées". Afin d’en faciliter l’acceptation, la Cour propose que ce réexamen ne soit obligatoire que pour les nouveaux assurés (comme cela a été le cas pour les instituteurs en 2003 et pour les personnels infirmiers en 2010). Enfin, les taux des cotisations qui financent le C2P et l’incapacité permanente devraient être modulés afin d’inciter les employeurs à accroître l’effort de prévention des risques professionnels qui se traduisent par des départs anticipés à la retraite au titre de ces deux dispositifs.
Dans le cadre de son Printemps de l’évaluation, l’Assemblée nationale a publié le mardi 9 juillet 2019 le premier rapport général sur cet exercice. Réalisé au nom de la commission des Finances par le rapporteur général du Budget, Joël Giraud, et présenté par le président de la commission, Éric Woerth, ce travail compile les 45 rapports et leurs recommandations produits par les rapporteurs spéciaux. Parmi ceux-ci, figure celui d’Olivier Damaisin (LaREM, Lot-et-Garonne) sur la mission régimes sociaux et de retraite, qui traite des catégories actives et de leur avenir dans un régime universel.
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Bénédicte Foucher,
journaliste