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L’élargissement des possibilités de recruter des contractuels constitue "une remise en cause du statut à moyen terme" et "un vrai danger", affirme François Deluga, président du CNFPT (centre national de la fonction publique territoriale), dans une interview accordée à AEF info portant sur la loi de transformation de la fonction publique
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Le CNFPT est sorti conforté du débat parlementaire sur la loi Dussopt, selon François Deluga, son président © CNFPT
AEF info : Quel regard portez-vous sur la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 dans son ensemble ?
François Deluga : Plusieurs mesures étaient clairement destinées à résoudre un problème au sein de la fonction publique de l’État, mais elles ont aussi été appliquées à la territoriale. C’est notamment le cas de la réforme du dialogue social (suppression des CAP et des CHSCT) pour laquelle nous n’avions rien demandé. Les outils actuels fonctionnent très bien. Nous verrons si les nouveaux instruments créés par la loi comme les lignes directrices de gestion permettent, ou pas, de faciliter ce dialogue.
Les prochaines élections municipales pourraient être l’occasion de former les nouveaux élus locaux à la gestion des ressources humaines. La fonction d’employeur territorial n’est pas la première préoccupation quand on est élu à la tête d’un exécutif local. En revanche, nous ne souhaitons pas récupérer la gestion des droits à la formation des élus, qui devraient être renforcés par le projet de loi engagement et proximité. La loi de transformation de la fonction publique compte néanmoins plusieurs mesures positives, comme celles sur l’égalité professionnelle, la déontologie ou la transparence.
AEF info : La plupart des employeurs territoriaux se sont félicités de l’ouverture accrue aux contractuels en mettant en avant la flexibilité des embauches…
François Deluga : Je ne partage pas ce point de vue. À travers la loi, on assiste à une remise en cause du statut à moyen terme. C’est un vrai danger. Quand on est fonctionnaire, on n’est pas un salarié comme les autres. Il y a un engagement fort. Les collectivités bénéficient déjà de souplesses pour recruter des non titulaires, qui représentent près d’un agent sur cinq dans la territoriale. Nous n’avons pas besoin de recruter des contractuels de catégorie C pour mener des projets ou des opérations à durée définie. Cela ne correspond d’ailleurs pas à la philosophie de ce nouveau type de CDD (le contrat de projet) qui vise à répondre à un besoin ponctuel de compétences.
"C’est une très bonne nouvelle que [les contractuels embauchés sur des emplois fonctionnels] aient désormais droit à la même formation d’intégration et de professionnalisation que les titulaires."
Avec le recrutement sur les trois catégories pour les CDD de trois ans, l’absence de limite pour les communes de moins de 1 000 habitants et l’abaissement du seuil à 40 000 habitants pour les emplois fonctionnels [DG, DGA, DGST], on ouvre les vannes ! Sur les emplois de direction, nous avons tous dans nos collectivités de bons fonctionnaires qui ont les compétences pour occuper ce type de poste.
En revanche, c’est une très bonne nouvelle que ces agents aient désormais droit à la même formation d’intégration et de professionnalisation que les titulaires [cette formation statutaire obligatoire est réservée aux CDD d’un an ou plus sur des emplois permanents]. C’est important car les contractuels ont les mêmes obligations que les fonctionnaires. Je me réjouis également que les cadres qui occupent un emploi fonctionnel doivent suivre une formation à la déontologie et sur le fonctionnement des services publics, comme le prévoit l’article 16.
AEF info : La loi Dussopt comporte peu de mesures sur la réorganisation du CNFPT et renvoie la réforme de la formation des agents publics à une ordonnance (lire sur AEF info). Êtes-vous inquiet pour l’avenir de votre établissement ?
François Deluga : Non, car le CNFPT est sorti conforté du débat parlementaire. À l’unanimité, les parlementaires ont reconnu la qualité du travail fourni par l’établissement. Et toutes les associations d’élus, même France urbaine, nous ont apporté leur soutien. Ce n’était pas gagné d’avance car le comité action publique 2022 et la mission Belenet-Savatier avaient tout envisagé : fusion, transformation en Epic… Depuis un an, nous avons dû expliquer la fonction publique territoriale à beaucoup de personnes qui ne nous connaissaient pas du tout.
Néanmoins, nous avons un problème avec le financement de l’apprentissage dans les collectivités locales, qui était assuré en grande partie par les régions volontaires [via la fraction régionale de la taxe d’apprentissage payée par les seules entreprises] jusqu’à la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. La loi nous confie une nouvelle mission, ce que nous saluons, mais aucune ressource compensatrice n’est prévue alors que le financement de 50 % des frais de formation des apprentis territoriaux pourrait nous coûter jusqu’à 50 millions d’euros par an (lire sur AEF info). Cela risque de réduire les fonds disponibles pour la formation continue des agents.
AEF info : Pour le secrétaire d'État Olivier Dussopt, les entreprises ne sont pas censées financer via la taxe d’apprentissage la formation des apprentis embauchés par des collectivités locales…
François Deluga : C’est un argument fallacieux. Près de 80 % de nos apprentis sont recrutés par le secteur privé une fois diplômés ! Dans tous les cas, j’espère qu’une solution sera trouvée avec le gouvernement d’ici à la rentrée 2020. La loi Avenir professionnel a confié au GIP France Compétences la gestion de la taxe d’apprentissage. Pourquoi cette agence ne pourrait-elle pas continuer à financer les frais de formation des apprentis territoriaux ? Nous allons aussi proposer d’évaluer le coût réel d’organisation des concours, sans léser personne. Le montant versé chaque année par le CNFPT aux CDG (20 millions d’euros) est fondé sur un taux fixé il y a dix ans.
Olivier Dussopt a également mis en avant les nouvelles ressources dégagées par l’attribution du recouvrement de la cotisation du CNFPT par l’Acoss (et non plus par la DGFiP). Or, ce changement, intervenu en début d’année, ne s’est traduit que par un gain marginal, autour d’un million d’euros. De même, personne ne peut imaginer que le passage de 22 à 13 délégations régionales métropolitaines, comme le prévoit la loi, en supprimant quelques postes de directeurs, nous permettra de faire des économies correspondantes.
AEF info : Où en sont vos relations avec les centres de gestion ?
François Deluga : Elles sont très bonnes. C’est pour cela que nous avons pu monter avec la fédération nationale des CDG et l’AMF une dizaine de journées d’actualité et une centaine de réunions sur l’ensemble du territoire sur la loi Dussopt (lire sur AEF info). Nous sommes plus réactifs que la fonction publique de l’État sur le sujet. Nous construisons déjà des plans de formation mutualisés avec les CDG.
Il n’y a pas de concurrence entre nous, seulement quelques points de frottement qui sont issus de la loi de février 2007 : les observatoires de l’emploi et l’organisation des concours et des prépas concours. L’obligation de signer des conventions régionales entre centres de gestion et délégations régionales du CNFPT devrait permettre de régler ces sujets. Elles vont permettre d’ailleurs d’officialiser des partenariats qui existent déjà.
AEF info : La mission Thiriez sur la réforme de la haute fonction publique doit rendre ses conclusions en novembre. Quelles sont vos attentes ?
"Contrairement à l’ENA, les élèves de l’Inet passent la moitié de leur temps sur le terrain et doivent passer des entretiens pour être recrutés une fois diplômés."
François Deluga : Nous ne souhaitons pas préserver l’Inet (institut national des études territoriales) à tout prix. Toutefois, il ne faut pas confondre identité professionnelle, mobilité inter-fonction publique et coopération. Nous avons déjà une convention avec l’ENA. J’ai l’impression que nous sommes encore une victime collatérale de la réforme de l’État. Ce dernier devrait plutôt prendre exemple sur notre modèle.
Contrairement à l’ENA, les élèves de l’Inet passent la moitié de leur temps sur le terrain et doivent passer des entretiens pour être recrutés une fois diplômés. Ils ne deviennent directeurs généraux qu’après plusieurs années d’expérience et peuvent revenir se former à l’Inet tout au long de leur carrière. Et la moitié des admis sont des femmes…
Frédéric Thiriez, que nous avons rencontré en juin, nous avait parlé d’un tronc commun d’un an entre l’ENA et l’Inet. Mais dans ce cas, il ne resterait plus rien pour la formation pratique des ingénieurs et à peine six mois pour les administrateurs territoriaux
De notre côté, nous réfléchissons aux moyens de diversifier nos recrutements en allant chercher davantage de diplômés d’université.
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Florianne Finet,
journaliste