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Les accords sur le développement du dialogue social au sein de Safran "fixent des critères d’analyse des évolutions de carrière et de rémunération qui ne sont pas conformes à la jurisprudence pour établir des panels de comparaison objectifs" et "laissent subsister des situations de discrimination" syndicale. Tel est l’avis du Défenseur des droits dans ses observations du 13 mai 2019 relatives à l’action de groupe lancée par la CGT dans une filiale du groupe aéronautique. Le DDD valide la méthodologie de la CGT et retient l’existence d’une discrimination syndicale "collective et systémique".
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Le Défenseur des droits a été saisi le 10 avril 2018 par la fédération CGT de la métallurgie dans le cadre de l’action de groupe menée par le syndicat au sujet d’une discrimination syndicale au sein de la société Safran Aircraft Engines (lire sur AEF info). Le 27 mars 2018, le syndicat et le collectif d’avocats en charge de cette action avaient saisi le TGI pour obtenir la cessation de la discrimination qu’ils invoquaient. Dans des observations sévères et détaillées, en date du 13 mai 2019, le DDD critique la méthodologie adoptée par la société dans ses accords sur le dialogue social pour évaluer l’évolution salariale et de carrière des représentants du personnel. Cette décision est destinée à être transmise au TGI.
Pertinence des indicateurs
Ces accords ne sont pas "conformes à la jurisprudence pour établir des panels de comparaison objectifs", selon le Défenseur. Il vise des dispositions de l’accord du groupe Safran sur le développement du dialogue social du 19 juillet 2016 et de l’accord propre à la société Safran Aircraft Engines du 30 janvier 2009. Elles "sont illicites en ce qu’elles ne garantissent pas l’effectivité des dispositions constitutionnelles, conventionnelles et d’ordre public interdisant les discriminations syndicales". Elles doivent être écartées, selon le Défenseur.
Le DDD valide par là la méthodologie d’évaluation des discriminations proposée par la FTM-CGT, dite "méthode Clerc", dont s’inspire la position des juges sur les critères à prendre en compte pour établir un panel de comparaison.
Le Défenseur des droits rappelle que la Cour de cassation impose aux juges du fond de "contrôler la pertinence des panels de comparaison qui leur sont soumis à l’appui d’une allégation de discrimination affectant l’évolution de carrière". Il est "acquis" selon le DDD qu’il "convient de comparer la situation du salarié qui s’estime victime d’une discrimination à celle de salariés placés dans une situation comparable". Cette situation comparable "s’entend comme celle des salariés qui appartiennent à la même entreprise", ont été "embauchés à des niveaux de qualification similaires", sur "un emploi similaire", à "une date proche".
accords sur le droit syndical
L’accord sur le développement du dialogue social conclu au sein du groupe Safran définit ainsi le groupe de comparaison permettant d’évaluer l’évolution du positionnement salarial sur trois ans d’un élu : il doit comporter au moins 10 salariés d’une même catégorie professionnelle (ou position pour les cadres), d’un âge comparable.
La rémunération prise en compte est le salaire de base brut moyen, à l’exclusion notamment des primes et de l’ancienneté. L’accord d’entreprise sur le droit syndical de Safran Aircraft Engines ajoute quant à lui le critère de "l’ancienneté comparable", et précise que le niveau de formation "peut" être pris en compte.
Pas de prise en compte de la date du premier mandat
Pour le Défenseur des droits, ces critères ne permettent pas "un examen objectif et précis" de la situation des représentants du personnel. L’évaluation de l’évolution de carrière sur trois ans écarte "les comparants embauchés dans les mêmes conditions" que le syndicaliste. Or "il s’agit de considérer l’avancée de ceux qui avaient les mêmes chances au départ que l’intéressé, en considération des qualifications et du poste occupé".
Surtout, ajoute le DDD, l’appréciation sur trois ans "ne prend pas en compte la date du premier mandat", soit "la date à laquelle l’employeur a incontestablement eu connaissance des activités syndicales de l’intéressé". Sauf à "rechercher une rupture d’égalité de traitement entre salariés, sans référence au critère prohibé des activités syndicales, il n’est pas pertinent de ne pas se référer au 1er mandat".
Confusion entre âge et ancienneté
Le Défenseur des droits critique en second lieu le choix de "comparants non-pertinents sélectionnés en considération de leur situation présente, dans un périmètre trop vaste". Ainsi, "la référence à la catégorie professionnelle, c’est-à-dire à la qualité d’employé, de technicien, d’agent de maîtrise ou d’ouvrier" est "trop large pour permettre une juste appréhension des compétences du salarié dans une fonction donnée".
Le DDD relève en outre une "confusion entre l’âge et l’ancienneté des comparants", cette dernière étant le seul "critère de comparaison pertinent en ce qu’elle peut expliquer objectivement une différence de traitement procédant d’une valorisation distincte de l’expérience professionnelle acquise au sein de l’entreprise".
La formation, un "critère d’individualisation objectif"
Enfin, "il est particulièrement inapproprié d’écarter expressément de la comparaison les salariés ayant la même formation que celui qui s’estime victime d’une discrimination". En effet, "c’est la formation et les diplômes qui sont des critères d’individualisation objectifs des positionnements et des niveaux de rémunération lors de l’embauche".
Le Défenseur des droits critique en troisième lieu le choix du "salaire théorique excluant les accessoires de salaires et les pertes de chances dans l’évolution de carrière", la comparaison se faisant, selon les dispositions conventionnelles, "année par année dans la limite de quatre années".
Comparaison avec une situation moyenne
Le Défenseur des droits en conclut que "le positionnement professionnel et salarial d’un représentant du personnel n’est apprécié que par rapport à la situation actuelle moyenne des salariés relevant de sa catégorie professionnelle". Cette appréciation ignore le "parcours qui aurait pu être le sien compte tenu de ses qualifications et des opportunités de promotions aux fonctions qu’elles lui permettent d’occuper". Ses "activités syndicales passées ne sont pas prises en considération".
Dès lors, "la réparation de son préjudice ne correspondra qu’à l’écart de rémunération constaté au cours de cette période de zéro à quatre ans, peu important que cet écart ait été plus ou moins grand sur une période précédente, pouvant courir depuis la prise de son premier mandat".
"Biais subjectif négatif"
Le Défenseur des droits examine dans un deuxième temps la discrimination syndicale "systémique" alléguée par la CGT. Pour Safran, cette notion vise à "entraver la possibilité pour l’entreprise de tenir compte de la performance individuelle". Or la CGT présente des appréciations individuelles d’évaluation caractérisées par un "biais subjectif pénalisant", faisant référence à la disponibilité des représentants du personnel.
Le Défenseur des droits souligne le caractère "humiliant" d’un outil de suivi conventionnel des carrières qui fait "persister les discriminations au préjudice des salariés mandatés ou élus qui ne peuvent pas bénéficier d’un repositionnement réel et objectif". Il observe en outre que les discriminations qu’il constate sont renforcées par le fait que les accords critiqués ne "compensent pas la charge de travail manquante", ce qui renforce le biais subjectif négatif.
"Discrimination systémique"
Dans plusieurs exemples présentés par la CGT, des salariés pour lesquels le panel conventionnel conclut à une absence d’écart de salaire présentent des écarts de 8 à 16 % avec le groupe de comparaison lorsque les règles de la "méthode Clerc" sont appliquées. Le DDD considère à cet égard que les accords de dialogue social ainsi que leur mise en œuvre sont "en eux-mêmes" discriminatoires.
Ces éléments sont "révélateurs de la discrimination systémique à l’œuvre en l’espèce", selon le DDD. "En effet, au-delà des stipulations lacunaires de ses accords relatifs au dialogue social", la société "néglige les dispositifs qui permettent de les mettre en œuvre", ce qui "témoigne de la moindre attention, si ce n’est d’une moindre considération, que les managers accordent à l’évolution de carrière des représentants du personnel".
La CGT, qui a lancé le 23 mai 2017 une action de groupe portant sur une discrimination syndicale au sein de Safran Aircraft Engines, annonce le 27 mars 2018 qu’elle assigne la société devant le TGI de Paris pour obtenir "cessation du manquement" invoqué. La confédération explique qu’elle n’est pas parvenue à obtenir la mise en place d’un outil pertinent de mesure des discriminations syndicales pendant la période de discussion préalable à la phase judiciaire prévue par le dispositif de l’action de groupe créé par la loi "Justice du XXIe siècle" du 18 novembre 2016. L’assignation vise notamment à obtenir la mise en place d’indicateurs pertinents pour identifier et prévenir les discriminations, et à faire modifier les pratiques managériales. Dans un second temps, la CGT demande au juge de mettre en place la procédure de réparation prévue par le dispositif de l’action de groupe.
"Nous vous informons que plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une même personne, vous, ayant pour cause commune un manquement de même nature à vos obligations légales ou contractuelles." Tel est l'objet de la mise en demeure que la fédération CGT de la métallurgie a fait remettre le 23 mai 2017 au président de Safran Aircraft Engines, en amont d’une action de groupe en matière de discrimination syndicale. C’est la première fois à notre connaissance qu’est utilisé le dispositif de l’action de groupe créé par la loi "justice du XXIe siècle" du 18 novembre 2016. La CGT conteste notamment la pertinence des outils de suivi des carrières des syndicalistes installés après des décisions judiciaires en 2004 condamnant la société à opérer des repositionnements professionnels au profit de militants CGT.
Dans une déclaration lue à l’issue d’une réunion au siège parisien de Solidaires dans la foulée de la 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites le 28 mars 2023, l’intersyndicale annonce la poursuite des grèves et des manifestations au niveau interprofessionnel avec un nouveau rendez-vous national programmé jeudi 6 avril. Cette décision intervient après la fin de non-recevoir adressée par l’exécutif à la demande de médiation réclamée par les syndicats pour tenter de trouver une issue au conflit dans le dialogue. Avec comme préalable la mise en suspens de la réforme prévoyant le recul de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite qui fait l’objet de plusieurs recours devant le Conseil constitutionnel. L’intersyndicale continue donc d’afficher son unité alors que, de l’aveu même de Philippe Martinez, une incertitude existe désormais sur la position qu’adoptera la CGT à l’issue de son congrès réuni actuellement à Clermont-Ferrand et devant se solder par le départ du leader de la centrale de Montreuil et la désignation d’une nouvelle direction confédérale.
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Lucy Bateman,
journaliste