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"La question de l'évaluation est pour nous importante et va être au cœur de nos travaux en matière de police de sécurité du quotidien", déclare Nicolas Lerner, jeudi 29 mars 2018. Le directeur adjoint de cabinet du ministre de l'Intérieur s'exprimait lors d'un colloque organisé par l'Inhesj sur l'évaluation des politiques publiques de sécurité. "Nous travaillons à la mise en place du 'Lab PSQ' pour une installation avant l'été", indique Nicolas Lerner. Cette structure devra associer les services de la place Beauvau "à l'ensemble de ses partenaires en termes de sécurité, les élus mais aussi les instituts de recherche et les sociologues". Au cours de la table ronde, le sociologue Jacques de Maillard et des représentants des services d'inspection du ministère de l'Intérieur dessinent les enjeux de l'évaluation de la réforme.
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"Le Lab PSQ nous servira à un certain nombre de choses", déclare le directeur adjoint de cabinet de Gérard Collomb lors d’une conférence sur l’évaluation de politiques de sécurité organisée à Paris, jeudi 29 mars 2018 (lire sur AEF info). "Nous avons comme ambition de centraliser les bonnes pratiques en matière de sécurité du quotidien", signale Nicolas Lerner, qui mentionne également la volonté du ministère de l’Intérieur de faire évoluer les tâches de "reporting" pour les chefs de service ou encore de "développer des outils parallèles d’évaluation qui donnent plus de place à la satisfaction des usagers".
Surtout, le ministère de l’Intérieur est "extrêmement désireux, sur quelques expérimentations et territoires, d’associer des chercheurs sur des périodes assez longues – six mois, un an — aux côtés des chefs de services sur ces nouvelles méthodologies d’évaluation", poursuit Nicolas Lerner. "Nous pensons que les inspections générales peuvent aussi développer des modalités d’évaluation qui soient plus qualitatives."
Et le préfet de conclure : "Il y a au ministère de l’Intérieur une vraie volonté de travailler sur ces outils d’évaluation avec néanmoins la conscience du coût que de tels outils peuvent avoir."
"L’important, c’est comment on évalue"
"Ce qui est important, ce n’est pas qui évalue, mais comment on évalue une politique publique, en l’occurrence la police de sécurité du quotidien", pointe pour sa part Jacques de Maillard, professeur de science politique à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur-adjoint du Cesdip (Centre de recherches sur le droit et les institutions pénales). Le chercheur identifie "trois dimensions". La première concerne la mise en œuvre de la réforme au sein de la police et de la gendarmerie. "Comment les chefs de services se saisissent de cette question-là, mais aussi comment cela fait sens pour les policiers et les gendarmes", résume Jacques de Maillard. Le chercheur évoque aussi l’analyse de la circulation de l’information ou de la formation des personnels.
Le deuxième aspect à évaluer concerne la mise en œuvre de partenariats, une idée "très présente" dans la police de sécurité du quotidien. "Il faut donc étudier comment les partenariats se mettent en place, comment on les organise et comment l’information circule." Enfin, le troisième enjeu de la réforme concerne les "effets sociaux" de la réforme, c’est-à-dire ses conséquences pour les habitants. "Cela repose sur la mise en place d’indicateurs partagés sur lesquels il faut réfléchir avec les partenaires des forces de police et de gendarmerie, sur la mesure des désordres et des dégradations ou encore les solutions trouvées."
La mise en œuvre d’une "pluralité d’évaluation", "c’est central", poursuit Jacques de Maillard, qui pointe également la "question de la temporalité" : "La temporalité du décideur n’est pas celle de l’évaluateur."
Mesurer l’impact de la réforme
"Une bonne évaluation de la police de sécurité du quotidien suppose que nous ayons du temps", abonde Hervé Masurel, adjoint du chef de l’inspection générale de l’administration. "On ne peut pas évaluer une politique aussi ambitieuse en quelques mois. Il faut se donner quelques années", poursuit-il.
Sur l’évaluation des conditions de mise en ouvre d’une politique, "on est au cœur de la mission des inspections générales", poursuit Hervé Masurel. En revanche, l’étude des impacts d’une réforme n’est pas suffisamment développée en France, d’après lui. "C’est là qu’il y a une insuffisance notoire de ce que, collectivement, nous savons faire." "On peut penser à des sujets, comme la vidéosurveillance, pour lesquels il n’y a jamais eu d’évaluation conduite dans la durée, ou à la police de proximité, pour laquelle l’évaluation n’a pas non plus été faite de manière satisfaisante", poursuit l’inspecteur général de l’administration. "Ce qui veut dire qu’il nous manque une mémoire et une capacité à tenir compte des succès, mais surtout des échecs."
"Ce que nous faisons sûrement peu ou pas, c’est la mesure de l’impact d’une réforme. Les effets sociaux, c’est un champ que nous couvrons peu", estime également Jean-Jacques Herlem, membre de l’inspection générale de la police nationale. Le policier soulève néanmoins "la question des outils de mesures", soulignant l’importance d’élaborer ces derniers au plus tôt. Jean-Jacques Herlem aborde également la question de la "temporalité" de l’évaluation. "Les instructions sont d’application immédiates, mais les effets sont à plus long temps", relève le policier.
Chiffrer les économies engendrées
"Le ministère de l’Intérieur est en train, depuis maintenant deux ans, d’investir beaucoup plus dans sa relation avec le monde de la recherche et de l’université", souligne pour sa part Denis Robin, secrétaire général de la place Beauvau, dont le comité des études finance désormais "dix à quinze études par an". "Les évaluations de politiques publiques ont fait des progrès considérables au cours des dernières années mais nous sommes encore loin du compte", déplore le préfet, qui pointe en particulier la difficulté d’évaluer la police de sécurité du quotidien, fondée sur la déconcentration, mais également d’identifier les économies engendrées. "La question que je me pose, en tant que secrétaire général, c’est 'qu’est-ce que la police de sécurité du quotidien, qui va nécessiter des moyens publics supplémentaires, va apporter en termes de réduction des coûts ?'"
"Nos évaluations, nous les gardons trop souvent pour nous, nous ne savons pas les partager avec ceux qui pourraient nous aider à progresser", poursuit le secrétaire général. Denis Robin cite en particulier les travaux de recherche conduits par les constructeurs automobiles afin de lutter contre les vols grâce aux financements d’assureurs. Le préfet souhaite ainsi "que l’évaluation de la police de sécurité du quotidien ait un caractère opérationnel pour aller discuter avec des assureurs".
Plusieurs chercheurs présentent un outil d’évaluation de l’action des services de police et de gendarmerie lors d’un colloque de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice organisé à Paris, jeudi 29 mars 2018. Ce manuel est issu d’un projet de recherche dénommé Acess, financé par le Chemi (Centre des hautes études du ministère de l’Intérieur) et lancé en avril 2017. "Il s’agit de contribuer à un déploiement raisonné de l’évaluation de l’action de sécurité publique, et à sa banalisation dans les services de police et de gendarmerie", résume Anne Wuilleumier, chercheuse à l’Inhesj. Cette "boîte à outils" permettra "d’appuyer l’action territoriale de la police de sécurité du quotidien", estime Thierry Delpeuch, chercheur au CNRS. Elle a notamment été expérimentée dans la circonscription de sécurité publique d’Argenteuil (Val d’Oise).
"La police de sécurité du quotidien vise au rapprochement de la police et de la population. Cela passe par l’amélioration de nos dispositifs d’accueil et de prise en charge des victimes et, dans ce cadre, le rôle des psychologues en commissariat est essentiel." C’est ce qu’indique le directeur central de la sécurité publique, lundi 26 mars 2018, lors du premier séminaire national des psychologues en commissariat, organisé à Paris. Pascal Lalle plaide notamment pour le déploiement de "pôles psychosociaux au sein des commissariats", dans une optique de "synergie". Ce dispositif, "labellisé PSQ", doit être "généralisé autant que possible", note Pascal Lalle. Le directeur central de la sécurité publique juge par ailleurs que les psychologues doivent "détecter les signaux faibles de radicalisation" et les signaler au renseignement territorial.
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Clément Giuliano,
journaliste