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La Cour de cassation valide dans un arrêt du 8 septembre 2016 un accord collectif organisant les conditions de contrôle et de suivi de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail des cadres au forfait jours. En effet, des dispositions conventionnelles assurant ce suivi et ce contrôle par le biais d’un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du service de ressources humaines, répondent aux exigences relatives au droit à la santé et au repos.
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Pour être valable, une convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. À ce titre, un accord collectif prévoit un relevé déclaratif mensuel cosigné par le salarié et le supérieur hiérarchique puis validé par le service de ressources humaines, assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, ainsi que la possibilité de demander un entretien auprès du service de ressources humaines. La Cour de cassation considère, le 8 septembre 2016, que ce dispositif est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. La chambre sociale ne suit pas l’analyse de la cour d’appel qui avait jugé cet accord insuffisant au motif qu’il ne permettait pas un contrôle effectif de l’amplitude de travail.
Le directeur du plan stratégique et des analyses d’une société de l’industrie du verre, licencié pour motif économique, conteste la validité de sa convention de forfait en jours et demande un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires. Il soutient que les dispositions conventionnelles ayant permis la conclusion de la convention individuelle de forfait en jours ne comportent pas de mesures de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restaient raisonnables.
Relevé déclaratif mensuel
La cour d’appel lui donne raison et juge la convention de forfait nulle et de nul effet. L’arrêt retient que pour assurer le suivi du temps de travail et de présence, l’accord d’entreprise prévoit un relevé déclaratif mensuel cosigné par le salarié et son N + 1 puis validé par le service RH. Ce relevé déclaratif comporte seulement l’indication de la présence du salarié cadre matérialisée par une croix dans un tableau calendaire et en cas d’absence les initiales correspondant au motif de celle-ci. Il porte donc uniquement sur le nombre de jours travaillés ou non chaque mois.
En revanche, souligne la cour d’appel, il n’existe pas de dispositif permettant de "contrôler effectivement la durée maximale de travail en l’absence de toute mention dans l’accord collectif de l’obligation de déclarer la durée de travail tant quotidienne qu’hebdomadaire". Si le contrôle du repos journalier de 11 heures minimum s’effectue par l’indication du non-respect de cette durée de temps de repos sur le relevé déclaratif, ce dispositif ne prévoit rien pour le contrôle effectif de l’amplitude de travail.
Possibilité d’alerte de la hiérarchie
Le relevé déclaratif mensuel comporte certes une zone de commentaires, mais il n’est pas prévu que ces commentaires puissent porter sur la durée du travail. Cette zone de commentaire spécifique sert au cadre pour alerter sa hiérarchie en cas de difficulté s’agissant du suivi et du contrôle de la charge de travail. En conséquence, pour les juges d’appel, ce dispositif conventionnel "n’est pas de nature à garantir à tout le moins que l’amplitude de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition dans le temps de travail de l’intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié".
Condamnée à verser au salarié une somme de 61 000 euros au titre des rappels d’heures supplémentaires, de congés payés et de repos compensateur, la société se pourvoit en cassation.
Dispositif répondant aux exigences du droit à la santé et au repos
La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel. Pour les magistrats de la chambre sociale, "répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, [l’accord] dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d’un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d’entretien auprès du service de ressources humaines".
Cass. soc., 8 septembre 2016, n° 14-26.256, publié
La loi El Khomri comporte des dispositions sur la charge de travail
La loi "Travail" du 8 août 2016 intègre dans le code du travail des dispositions, notamment issues de la jurisprudence, visant à assurer le respect effectif du droit à la santé des salariés en forfait jours par un contrôle accru de la charge de travail.
L’employeur doit ainsi s’assurer "régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail".
L’accord permettant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours doit désormais déterminer notamment les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié par l’employeur, ainsi que de communication périodique sur la charge de travail du salarié, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle (lire sur AEF).
La Cour de cassation a jugé le 4 novembre 2015 que les ingénieurs et cadres ne peuvent se voir appliquer la convention de forfait hebdomadaire en heures prévue par la "modalité 2" de la convention collective Syntec qu’à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. La société Altran, tirant les conséquences de cet arrêt, a neutralisé la convention de forfait des salariés concernés, entraînant la suppression des jours de RTT. Le conseil de prud’hommes de Toulouse juge, dans deux ordonnances de référé de juin et août 2016, que cette suppression ne résulte pas d’une décision unilatérale de l’employeur mais de sa volonté de respecter une décision de justice non contestable. En conséquence, il rejette la demande des salariés de rétablir leur convention de forfait hebdomadaire en heures, faute d’un trouble manifestement illicite.
La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt publié du 22 juin 2016, que le non-respect par l’employeur des mesures de l’accord d’entreprise relatives à l’exécution de la convention de forfait en jours (suivi du temps et de la charge de travail) n’est pas sanctionné par la nullité de la convention individuelle de forfait en jours. Il en est de même, précise pour la première fois la chambre sociale dans cet arrêt, de l’absence de consultation du comité d’entreprise sur le recours aux conventions de forfait.
La réalité d’une convention de forfait en jours ne peut résulter des mentions de l’employeur sur la fiche de paie ; le point de départ du "petit déplacement" indemnisé par la convention collective des ouvriers des travaux publics n’est pas le domicile du salarié ; les avantages nés d’un usage et d’une convention collective et compensant le travail de nuit ne peuvent se cumuler ; un salarié ne peut être privé d’une prime pour enfant dès lors que la convention prévoyant cette prime ne la soumet à aucune restriction : voici les questions tranchées dans des arrêts récents de la Cour de cassation.
La convention de forfait annuel en jours d’une gouvernante générale d’hôtel de la société Le Meurice est nulle dès lors que ni les dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, ni celles de l’accord d’entreprise ne sont de nature à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. C’est ce que juge la Cour de cassation le 7 juillet 2015. Ces dispositions se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié, un décompte mensuel par l’employeur des journées travaillées, du nombre de jours de repos pris et de ceux restant à prendre afin de permettre un suivi de l’organisation du travail, ainsi qu’un entretien annuel entre l’intéressé et son supérieur hiérarchique portant sur l’organisation du travail et l’amplitude des journées de travail.
Un employeur ne peut être condamné à payer à un salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé uniquement en raison du caractère illicite de la convention de forfait. En effet, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite. C’est ce que précise la Cour de cassation dans un arrêt du 16 juin 2015 publié au bulletin de la Cour.
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Marie-Françoise Clavel,
journaliste